6.3.5. Commentaire du tableau n° 3

A - Dans les deux cas, les lieux de documentation, restreints aux bibliothèques dans l’entretien n° 10, sont indéniablement mentionnés en tant que lieux de travail fréquentés régulièrement. Mais une différence entre les deux entretiens est à souligner : l’absence notable de l’établissement (entretien n° 9), alors qu’il est clairement identifié dans l’entretien n° 10, cependant, dans ce cas-là, la distance que l’informatrice doit couvrir pour s’y rendre doit être sensiblement supérieure à celle que sa collègue devrait parcourir.

B - Le type de hiérarchisation entre les espaces de référence procure une information complémentaire : dans l’entretien n° 10, le domicile est un lieu de travail qui, tout en ayant ses spécificités, n’occupe pas majoritairement l’espace, contrairement à ce qui est révélé dans l’autre. Les établissements de formation et de stage en responsabilité constituent des espaces fonctionnels dans l’organisation du travail de l’informatrice (entretien 10) ; à ce titre, articulés aux deux autres types déjà mentionnés, ils contribuent à la cohérence de l’ensemble. à l’inverse, dans l’entretien n° 9, il n’est pas perceptible que l’établissement scolaire puisse être investi d’une fonction particulière dans l’organisation du travail personnel de l’informatrice.

C - Les deux modes de gestion du temps semblent proches; ils sont liés, pour l’essentiel, aux modes de gestion de la documentation à visée didactique ; ce qui nous permet d’introduire une nuance, qui relève du mode d’expression privilégié par l’une et l’autre des informatrices.

D - Dans les deux cas, le temps est quasi exclusivement consacré à des activités liées à la didactique, sous son versant académique (gestion des savoirs.) Les aspects pédagogiques sont-ils même esquissés, dans le dernier entretien, lorsqu’il est question de la compréhension par les élèves de consignes ou de telle notion ? Cela n’est pas certain, car il peut s’agir, avant tout, d’une préoccupation d’ordre didactique : s’assurer de la bonne appréhension par les élèves des modalités du travail à accomplir ou des contenus à s’approprier pendant l’apprentissage.

E - Ces destinataires déclarés du travail personnel des informateurs, « les élèves », ne sont néanmoins pas de même nature. Dans l’entretien n° 9, on reste dans un certain formalisme lorsqu’ils sont mentionnés : le respect scrupuleux des prescriptions doit permettre de mieux atteindre les élèves-types, tels qu’ils apparaissent dans les documents officiels ; dans l’entretien n° 10, aux prescriptions textuelles semblent s’être ajoutées des conseils pratiques probablement recueillis lors de discussions avec les pairs, qui ont manifestement été intégrés dans la réflexion sur le travail didactique lui-même.

F - G - Le partenariat dont nous venons de faire mention n’est pas évoqué dans l’entretien n° 9 ; dans l’autre cas, il se révèle plutôt informel (« discuter ») et non hiérarchisé ; discuter avec les « collègues », qu’ils soient stagiaires, professeurs en poste ou tuteurs.

H - I - La comparaison entre les types de rationalités dont nous avons estimé qu’elles pouvaient être dominantes et secondaires, mais toujours articulées, nous permet de dégager quelques traits saillants.

La rationalité traditionnelle est dominante dans les deux cas ; plusieurs arguments pourraient en éclairer la prédominance :

  1. La date des entretiens correspond à la fin du premier trimestre de l’année de formation et, partant, du stage en responsabilité ; les habitudes contractées dans le système universitaire, incluant l’année de préparation aux épreuves théoriques du concours, peuvent assez logiquement perdurer en matière de travail personnel.
  2. La discipline commune aux deux informatrices, l’Histoire et Géographie, par les spécificités qui la caractérisent, peut amplifier le processus auquel nous venons de faire allusion. Une organisation rigoureuse en matière de documentation est, ici plus encore que dans d’autres disciplines, indispensable pour permettre au jeune enseignant de faire face à deux impératifs initiaux : compléter ses propres connaissances relatives à des périodes ou des notions moins précisément étudiées ou maîtrisées dans le cursus universitaire et, dans le même temps, comme dans chaque discipline, tenir compte du public auquel enseigner ces contenus. La place des savoir-faire inhérents au type d’apprentissage considéré aura également son importance dans ce travail.

Sur ces points, les deux entretiens présentent bien des similitudes. Les deux types de rationalités secondaires, téléologique et utilitaire, illustrent sans doute deux étapes plausibles d’un même processus. La rationalité utilitaire assez marquée dans l’entretien n° 10 (« j’aime bien ») semble prendre le pas sur la rationalité téléologique, que nous ne plaçons qu’au troisième plan ; conformément à cela, les textes officiels et leurs livrets d’accompagnement semblent être mis à distance, au profit d’une recherche plus personnelle en matière documentaire, et d’un appui sur des conseils pratiques, glanés sur le terrain le plus proche de l’informatrice. Au contraire, dans l’entretien n° 9, ce qui caractérise la démarche exposée est bien le respect scrupuleux des normes, garant potentiel de la réussite aux épreuves de soutenance du mémoire et de qualification professionnelle. Hormis le recours à la méthode qu’elle avait appliquée pendant ses études universitaires, l’informatrice paraît ne pas avoir pris en compte ses propres préférences et s’être soumise aux règles qui lui permettraient d’atteindre le but qu’elle s’était fixé en matière professionnelle.