6.5.2. Sous-groupe 5 - 8

Prise en compte, pour les hypothèses 1 (première proposition) et 4, des caractéristiques du sous-groupe d’entretiens 5 à 8.

Hypothèse 1, première proposition : « L’organisation du temps de travail personnel a, dès l’entrée dans le métier, une influence significative sur la représentation que les enseignants du secondaire ont des types de tâches professionnelles qu’ils sont susceptibles de devoir accomplir. »

Concernant cette première partie de l’hypothèse, nous rappelons les caractéristiques essentielles du sous-groupe 5 – 8 :

  1. les professeurs-stagiaires considérés se situent en début de leur année de stage, peu après leur succès aux épreuves théorique du concours, et à distance de la prise de responsabilité à temps-plein ;
  2. par conséquent, il est possible de considérer que les « types de tâches professionnelles qu’ils sont susceptibles d’accomplir » leur ont probablement été présentées lors des premières séances de formation, ou dans l’établissementPar le PCP, le chef d’établissement, les collègues., mais qu’elles ne sont donc pas encore maîtrisées sur un plan pratique ;
  3. l’organisation du temps de travail personnel a pu faire l’objet d’arbitrages initiaux et d’un stabilisation partielle.

Nous examinerons la validité de cette première proposition de l’hypothèse 1 à partir des tableaux de synthèse 2 et 3, et des commentaires qui les accompagnent.

Hypothèse 4 : « Les phénomènes liés au temps et à l’organisation du travail de l’enseignant ne sont pas appréhendés de manière systématique et cohérente par le futur enseignant en cours de formation initiale. »

Cette hypothèse ne peut être examinée dans toute sa portée puisque la deuxième année de formation – cruciale pour ce type d’apport – est loin d’être achevée. Néanmoins, c’est bien « en cours » du cursus que nous avons recueilli les informations que nous traitons ici ; les remarques que nous pourrons faire seront donc strictement relatives à la seul période considérée.

La principale différence entre les quatre entretiens aurait pu provenir des spécificités inhérentes aux contenus des modules didactiques des deux disciplines représentées ; en matière d’accès à la compréhension des modes d’organisation du travail personnel du professeur, nous n’avons pas relevé d’occurrence qui confirme cette supputation de manière incontestable ; si l’organisation du professeur de Mathématiques se distingue sans conteste des trois autres, la différence tient très probablement aux spécificités des démarches didactiques respectives, en Mathématique et en Lettres modernes. Il convient de souligner, pour l’entretien 6, que l’expérience préalable de suppléances modifie les conditions habituelles d’accès à la deuxième année de formation initiale.

Nous examinerons cette hypothèse à partir des réponses à la question 3.

Examen des hypothèses 1 et 2 en fonction des tableaux de synthèse et des commentaires afférents.

Le sous-groupe 5-8, que nous étudions ici, est celui dont les enregistrements furent effectués le plus tôt dans l’année scolaire considérée ; par conséquent, les pratiques rapportées se situaient bien « dès l’entrée dans le métier. » Si nous devons, évidemment, faire preuve de circonspection quant à la probabilité de leur stabilisation, nous ne pouvons, pour autant, les considérer comme des pratiques erratiques, dont le caractère transitoire affaiblirait la portée pour notre étude. Plusieurs arguments peuvent soutenir cette position :

  1. La prise de responsabilité d’une ou plusieurs classes a lieu dès la rentrée scolaire et n’est pas progressive, que ce soit en termes de prise en charge des classes, de responsabilité administrative et pédagogique ou de nombre d’heures de service à accomplir. Un PCP assure le tutorat du professeur-stagiaire dès le départ.
  2. Le dispositif de formation suit un calendrier parallèle et permet aux professeurs-stagiaires, à partir de la rentrée, d’accéder à la connaissance des textes et documents officiels principaux qui fournissent un cadre à leur action. On pourrait ajouter que, dans le courant de l’année PLC1, prioritairement consacrée à la préparation des épreuves théoriques du concours, un module de didactique prépare les étudiants à l’une des épreuves orales, dite « sur dossier », et qu’un stage de pratique accompagnée peut être effectué. Sans constituer un véritable dispositif de pré-insertion, cela informe les potentiels professeurs-stagiaires et leur donne un outillage minimal pour se projeter dans la prise en charge éventuelle d’une classe à la rentrée suivante.
  3. Dans les quatre entretiens de ce sous-groupe, les pratiques déclarées ne nous paraissent pas, toutes choses égales par ailleurs, notablement moins détaillées que dans les deux autres sous-groupes, dont les enregistrements eurent lieu en décembre ou en mai-juin de l’année PLC2.

Si la maîtrise des tâches et le respect des missions du professeur ne peuvent être solidement assurés dès ce premier stade de l’année scolaire et de formation, nous considérons, en revanche, que des éléments fondamentaux peuvent être assimilés et constituent une base raisonnable nous permettant d’examiner les pratiques qui en découlent.

L’observation des tableaux 2 et 3 nous a conduit à repérer plusieurs particularités qu’il nous faut maintenant mettre en relation avec l’hypothèse partielle que nous examinons.

Dans chacun des quatre entretiens, nous avons bien affaire à une « organisation de travail » des professeurs, dans le sens où l’ensemble constitué par les pratiques exposées semble répondre, en la matière, à quelques critères simples de validité :

  1. Le recours à une méthode - empirique ou théorique - permettant de stabiliser progressivement les procédures (séquence, séance, cours, copies), voire d’en infléchir les effets jugés indésirables : remédiation, réajustement, par exemple.
  2. Le souci d’une hiérarchisation des tâches et d’un ordonnancement des activités en vue de mener à bien une production qui sera mise en œuvre en situation professionnelle réelle (en classe, avec les élèves, « mes » élèves.)
  3. Une relative stabilité spatio-temporelle : le schéma exposé semble pouvoir être reproduit quotidiennement ou hebdomadairement.

Le soubassement didactique de l’organisation est avéré dans les quatre entretiens. Cela semble générer une relative modélisation des pratiques et des tâches qui les composent. Dans ce registre, nous soulignons, quelle que soit la discipline de ces professeurs-stagiaires, la prise en compte des élèves sous une forme collective, ainsi que la mise à distance de la classe comme lieu d’interactions pédagogiques ou éducatives. En revanche, la recherche d’une amélioration des conditions d’apprentissage - modeste, compte tenu de la situation des informatrices - semble constituer le cœur de leur travail personnel. Nous en trouvons trace dans les activités diverses qui sont décrites, y compris dans l’objet des échanges avec les partenaires professionnels auxquels elles s’adressent.

Assez naturellement, cette focalisation constatée dans tous les entretiens suppose que plusieurs effets soient gérés simultanément, ce qui augmente le temps induit et pourrait donc expliquer, partiellement, les gestions « quantitative » et « non-bornée » que nous avons mises en évidence.

A ce propos, plusieurs points doivent être soulignés. S’agissant de la stabilisation d’une méthode et des procédures afférentes, nous remarquons qu’elles supposent la considération de deux niveaux : un volet d’acquisition, en formation ou par le truchement des collègues de la discipline et du PCP, et, d’autre part, un volet de confrontation et d’intégration dans sa propre pratique empirique. Il s’agit d’un processus habituel pour des néophytes dans toute situation professionnelle : dans l’enseignement, la pratique en classe répond assez nettement à ce schéma classique, grâce au guidage possible par les pairs : direct (PCP), indirect (formateurs et collègues de l’établissement). L’organisation spécifique du travail des professeurs renvoie à la sphère individuelle et privée l’arbitrage entre pratiques de travail personnel empiriques - partiellement issues d’un stade de formation antérieur, secondaire ou supérieur - et prise en compte des types de démarches professionnelles prescrits. Cette situation pourrait s’avérer source de tâtonnements, d’hésitations et, en règle générale, de dépense de temps. Sans nous fournir d’informations incontestables, les tableaux 2 et 3 contiennent cependant quelques indices : dans l’entretien 6, la gestion du temps est « non-bornée » alors que l’informatrice a antérieurement effectué des suppléances dans l’enseignement ; dans l’entretien 8, la gestion du temps est « structurée » bien que l’informatrice n’ait pas exercé auparavant ; elle aura probablement pu se familiariser avec l’organisation du travail enseignant dans son milieu d’origine. En outre, le retrait dans la sphère privée est moindre dans le second cas (domicile en troisième position) mais prévaut dans le premier. Cet exemple pourrait 257 illustrer l’importance, dans l’arbitrage que nous avons décrit plus haut, d’accéder à des informations favorisant la prise de décision.

Une autre source d’information utile en la matière est constituée par le groupe de professeurs-stagiaires lui-même. Le relatif isolement auquel nous avons fait allusion se trouverait diminué si des confrontations pouvaient être effectuées au sein de la même discipline, donc à partir des mêmes prescriptions didactiques et du même cadre générique de travail personnel. Nous n’avons pas trouvé mention de ce type de démarche dans les entretiens 5 à 8 ; cela ne veut pas dire que des échanges informels n’aient pas lieu mais ils ne constitueraient pas, pour les informatrices, une activité régulière entrant dans leur travail personnel.

En conclusion, nous pensons que la première proposition de l’hypothèse 1 peut être validée à partir des éléments suivants :

  1. Hormis la distinction disciplinaire, les modalités de travail des quatre informatrices sont relativement comparables en matière de temps, de choix de lieux de travail, de considération des destinataires et des partenaires.
  2. Plus que la distinction didactique Mathématiques / Lettres, qui constitue cependant un incontestable facteur de modélisation des pratiques, ce sont les conditions individuelles dans lesquelles les arbitrages en matière de travail personnel doivent être pris qui semblent jouer un rôle plus significatif.
  3. « La représentation des tâches qu’ils doivent accomplir » paraît effectivement influencée par le mode d’organisation de leur travail dans la mesure où - dans cette première phase de l’année - la prise en compte de certains aspects des missions du professeur n’est pas avérée, à cause des effets liés à la double mobilisation que nous avons décrite concernant l’intégration de prescriptions et l’arbitrage sur les modes de travail.

« Dans la population considérée, la perception du temps de travail personnel est étroitement liée à la notion d’espace de travail. »

Pour les entretiens 5 à 8, nous devons considérer deux sous-ensembles : Mathématiques versus Lettres.

Pour la première discipline, le partage de l’activité se fait entre le domicile, choisi majoritairement, et l’établissement. La raison principale qui motive cette répartition est la disponibilité d’un équipement informatique à domicile et le manque de possibilité d’accès à l’ordinateur au lycée. Par ailleurs, la proximité entre les deux lieux limite probablement les temps de déplacements, ce qui nous incite à penser qu’il existe une quasi-contiguïté entre les deux espaces de travail. De plus, hormis la présence du matériel mentionné, le domicile n’est pas caractérisé (une chambre) en tant que lieu de travail.

A partir de ces indices, nous postulons que la perception quantitative du temps est indépendante des espaces de travail. La majeure partie de celui-ci étant effectuée informatiquement, sa transposition dans l’établissement serait, théoriquement, possible. La variable distance, si elle était comparable à celles des trois autres entretiens, pourrait amener l’informatrice à répartir différemment les temps de saisie.

L’autre cause qui génère une perception quantitative est constituée par les tâches assumées par le professeur-stagiaire, en fonction de la discipline qu’elle enseigne : préparation et ajustement des cours, corrections des copies. Rien n’indique, dans l’entretien, que le lieu principal de ce travail possède des particularités qui en éclaireraient le choix.

Dans le cas des professeurs de Lettres modernes, il nous faut examiner l’impact du travail en bibliothèque ou d’un autre lieu de documentation sur la perception du temps de travail des intéressées. Nous constatons tout d’abord que les situations ne sont pas homogènes :

  1. Les lieux cités sont différents et les pratiques de recherche documentaires qui s’y rattachent peuvent être spécifiques.
  2. Leur fréquentation effective est plus ou moins variable selon les entretiens.
  3. La hiérarchisation entre le lieu de documentation, le domicile et l’établissement est de deux types.

Le terme générique « bibliothèque » est modulé par différentes déclinaisons : « espace culturel public » (E6), C.D.I. (E7), « lieux de documentation », « C.R.D.P. » (E8). Les types de démarches qui conduisent les trois professeurs-stagiaires à utiliser ces divers lieux sont sensiblement distincts : prolongement d’une pratique de recherche à dominante universitaire (E6), simple emprunt d’ouvrage (E7), adaptation d’une pratique de ce type aux spécificités du cadre professionnel, recherche d’informations destinées au milieu enseignant (E8).

La fréquence d’usage est élevée (E6), ponctuelle (E7), régulière (E8) : dans le premier et le second cas, elle correspond à une pratique antérieure et est nourrie par un « goût pour les livres » ; dans le second cas, elle pourrait également être liée à un moindre appui sur les sources théoriques, didactiques en particulier, au profit de la concentration sur l’étude de l’œuvre étudiée en classe ; dans le troisième, elle est motivée par une réponse adaptée aux besoins que suscitent les situations rencontrées. Le rapport au temps de travail est donc assez clairement lié aux choix des espaces documentaires et, surtout, aux types de fonctions qu’ils occupent dans la représentation de chacune des informatrices. Un exemple en ce sens est fourni par les entretiens 6 et 8 ; si les deux professeurs-stagiaires soulignent l’importance du travail en bibliothèque pour les professeurs de Lettres modernes, leur points de vue divergent quant à la posture qui prévaut dans ce type d’activité.

En ce qui concerne la hiérarchisation des espaces de travail entre les entretiens 6 et 7, d’une part, et 8, d’autre part, une autre différence peut être mise en évidence. Dans le dernier entretien, le domicile est en troisième position, alors qu’il occupe une place prééminente dans les deux autres.

En fait, il existe, dans l’entretien 8, un lien apparent entre rapport au temps et espaces de travail : l’exiguïté du logement ne permet d’effectuer que des tâches de courte durée et de moindre importance, mais d’autres motifs viennent renforcer cela ; une partie du dispositif antérieur du mode de travail personnel de l’informatrice a été importée et adaptée au cadre nouveau dans lequel elle se trouve : à de grandes plages d’une journée en bibliothèque a succédé l’adoption d’une demi-journée hebdomadaire de travail dans le même cadre. Nous y voyons donc un lien supplémentaire entre temps et lieu de travail.

Dans les entretiens 6 et 7, le rapport au temps de travail à domicile apparaît plus complexe. Dans le premier cas, l’usage d’un bureau est mentionné lorsqu’il est question de travail, fréquent, chez soi ; la confusion entre les espaces professionnel et privé incite l’interlocutrice à rechercher un équilibre qui préserve chacun des deux espaces en en délimitant plus nettement les frontières respectives. Cette recherche de distinction entre temps et espaces privés et professionnels est également perceptible dans l’entretien 7, en des termes sensiblement différents : l’hypothétique mise à disposition d’un bureau dans l’établissement suscite, chez le professeur-stagiaire, une aspiration à pouvoir effectuer l’essentiel de son travail personnel dans un espace-temps clairement délimité et comparable à ce que connaissent d’autres types de travailleurs. Dans les deux cas (6 et 7) le rapport au temps - non-borné ou quantitatif - est marqué par un sentiment de surcharge qui concerne, en grande partie, le travail à domicile. Si, moyennant certains aménagements, le choix du domicile n’est pas remis en cause dans l’entretien 6, la situation est différente dans l’entretien 7 ; dans ce dernier cas, la mise à disposition des professeurs d’un ordinateur portable 258 a pu conditionner, en partie, le partage des lieux.

Il semble donc qu’un lien puisse être établi entre le rapport au temps et certains lieux de travail. Deux cas de figure peuvent se présenter :

  1. le type d’activité conduit à opter pour un lieu spécifique (recherche documentaire en bibliothèque), ce qui peut entraîner la réactivation d’un rapport au temps de travail préexistant ;
  2. le lieu de travail est choisi pour des raisons utilitaires, traditionnelles, matérielles, mais s’avère inadéquat par rapport au volume ou au type d’activités qui doit y être accompli.

Hypothèse 3 : « Il existe des similitudes entre l’organisation du travail personnel du professeur-stagiaire 259 et la conception qu’il se fait du travail professionnel en dehors de la classe qui sera le sien une fois qu’il assurera un service à temps-plein ; ces similitudes peuvent concerner le temps et l’espace de travail. »

Dans les quatre entretiens de ce sous-groupe, on souligne la place des habitudes, des pratiques, des méthodes que l’on envisage, une fois en service à temps-plein, de « garder » (E5, E7, E8), « conserver » (E8), moduler, mais « sans perdre en qualité » (E6), effectuer « de la même façon » (E5). Les composantes du mode de travail personnel mises en exergue relèvent de registres différents selon les entretiens considérés : rythme de préparation des cours, mise en forme sur informatique et usage de l’ordinateur, mode d’illustration du cours par des exemples (E5) ; continuité dans le travail en bibliothèque, conçu comme le prolongement d’une pratique étudiante rassurante (E7) ; maintien de l’habitude du travail en soirée, dont la lecture, en particulier, et nécessité d’un volume important de recherche en bibliothèque.

Sous cet angle, nous pouvons dire qu’il existe indéniablement des similitudes entre la pratique déclarée et la projection dans un service à temps complet ; la présence d’indices discordants nous conduit cependant à nuancer ce point de vue.

Dans l’entretien 5, la stabilisation ultérieure des conceptions exposées peut être sujette à caution car notre interlocutrice déclare : « j’l’ai préparé y’a deux ou trois semaines ; à cette époque-là, j’avais pas les mêmes conceptions, tout à fait, de l’enseignement. » Bien que la remarque soit relative à la situation au moment de l’entretien et puisse donc être motivée par la première phase du stage en responsabilité, nous devons prendre en considération la potentielle malléabilité des conceptions exposées, dès lors qu’elles font l’objet d’une projection à plusieurs mois. Naturellement, cette remarque pourrait potentiellement valoir pour les autres entretiens mais nous n’y trouvons pas trace du même type de point de vue.

Dans l’entretien 6, la situation est singulière : en réalité, il n’y a pratiquement pas de continuité entre l’organisation décrite et la perspective dans laquelle tente de se projeter l’informatrice. L’absence de mise en place d’un schéma stable et, surtout, fiable explique cette difficulté. La maîtrise d’un service à temps-plein dépend de plusieurs conditions : « gagner en organisation 260  », « acquérir une organisation », pour « que ce soit moins long. »

Pour l’entretien 7, seul le volet temporel de l’activité est réellement évoqué, et d’une manière indirecte de surcroît, puisqu’il est envisagé de préparer des séquences pendant les vacances ; cela permettrait de gagner « beaucoup de temps » estime le professeur-stagiaire. Elle aspire à une diminution de la pression exercée par son organisation actuelle de travail personnel : « je s’rai beaucoup plus calme, et beaucoup plus… sereine. »

En revanche, dans l’entretien 8, nous trouvons une confirmation de la perspective de continuité de l’organisation qui serait progressivement mise en place dans l’année en cours ; on mettrait ainsi à profit la situation à 4-6 heures pour affiner le dispositif et bénéficier, ultérieurement, des effets positifs attendus : « …] j’pense que j’vais essayer d’travailler là-d’ssus cette année […».

Nous pouvons donc conclure, pour ce sous-groupe, qu’il existe bien des similitudes entre l’organisation mise en œuvre et l’organisation projetée, et qu’elles peuvent concerner des aspects spatiaux ou temporels ; pour autant, cela n’équivaut pas à une transposition terme à terme et n’entrave pas le principe d’amélioration.

Hypothèse 4 : « Les phénomènes liés au temps et à l’organisation du travail de l’enseignant ne sont pas appréhendés de manière systématique et cohérente par le futur enseignant en cours de formation initiale. »

Ce sous-groupe constitue un ensemble assez homogène par rapport à la quatrième hypothèse. Dans chacun des entretiens, l’expression relative à l’appréhension en question est du registre empirique ; elle laisse transparaître la prédominance d’une forme d’autorégulation des phénomènes auxquels les professeurs-stagiaires se trouvent confrontés en matière d’organisation de leur travail personnel.

Dans le premier entretien, on mentionne ainsi deux expériences qui ont pu contribuer à cadrer le travail ; il s’est agi, en fait, de déterminer la forme du cours et les modalités de présentation de certains contenus : « ça fait plus de 5 ans que je donne des cours particuliers », « parce que je me suis rendu compte, moi-même, lorsque j’étais en cours, euh…, ce que j’appréciais, c’était avoir des cours clairs, structurés où je puisse facilement me repérer, les avoir comme référence [… » La mention d’un apport en formation est néanmoins bien présente : « Et aussi, également, mais ça c’est pas venu dès la rentrée, un petit peu après, au niveau de la formation que l’on a, en I.U.F.M. et en Institut […» ; il est question de « quelques repères /…/ quelques petits détails ». Au total, il apparaît que cela a pu avoir une influence sur les représentations initiales, puisque les conceptions « ne sont plus les mêmes » après quelques semaines.

L’entretien 6 illustre un cas différent : aucun apport informatif ou formatif n’est évoqué. La prise de responsabilité antérieure de classes en suppléances et l’immersion forcée qui en a découlé ont durablement modélisé la pratique de l’informatrice et figé ses représentations. Le rejet de toute possibilité de quantification, voire de programmation du temps de travail d’un professeur altère peut-être, dans l’immédiat, sa perception de l’intérêt de modèles proposés en formation. Deux indices nous confortent dans cette supputation : elle admet devoir ultérieurement 261 acquérir une méthode et n’avoir pas su, jusqu’ici, y parvenir.

Un autre point de vue est développé dans l’entretien 7, puisque c’est à partir des apports de l’année PLC1 que le professeur-stagiaire évalue son apprentissage des modalités de travail personnel. Le champ cité est celui de la didactique, et elle en souligne le caractère théorique pour mieux indiquer que son impact sur la pratique a été, de son point de vue, faible, voire inexistant : « On n’a pas appris du tout. Même pour la préparation des séquences, on n’a pas du tout appris à construire une séquence » Ce dont il est question dans cet argument a bien un lien avec l’hypothèse, ne serait-ce que parce que le manque de repères semble induire un surcroît de temps de conception et d’ajustement de séquences : « …] quand on s’retrouve face à un sujet et qu’on doit construire une séquence, effectivement, on a aucune méthode, on n’sait pas comment faire. »

Le dernier entretien laisse entrevoir une autre forme, empirique, d’appréhension des modalités du travail personnel d’un professeur du secondaire. Trois éléments déterminants sont mentionnés et ont constitué des points de repère que l’informatrice a estimé utiles en la matière. Il est question, à plusieurs reprises, de « redécouverte » - sauf, naturellement, en ce qui concerne la fréquentation de la salle des professeurs -; redécouverte des rythmes scolaires (« être dans une sorte d’urgence, enfin au jour le jour, comme les élèves », « je me retrouve, quelque part, un peu au même stade que mes élèves »), de l’usage du C.R.D.P. déjà fréquenté en pré-professionnalisation ; nous constatons, en revanche, une relative continuité 262 dans le travail en bibliothèque : « j’lai toujours fait. »

La diversité des sources susceptibles de favoriser, chez les quatre professeurs-stagiaires, une raisonnable compréhension des phénomènes liés au temps et à l’organisation de leur temps de travail personnel nous paraît rendre aléatoire leur apprentissage professionnel en la matière. Le caractère composite des exemples qu’elles nous ont confiés traduirait donc le degré d’incertitude avec lequel elles ont tenté de délimiter les conditions nécessaires et suffisantes qui pouvaient rendre leurs organisations de travail rationnelles et conformes aux prescriptions. L’hypothèse 4 serait ainsi validée.

Notes
257.

Moyennant une étude beaucoup plus systématique.

258.

Les raisons de l’option des responsables de l’établissement ne nous sont pas données ; nous notons que c’est dans ce collège qu’a eu lieu, avec le directeur, la discussion à propos du bureau pour les professeurs.

259.

Nous faisons ici la distinction entre les étudiants qui préparent le concours (1ère année en I.U.F.M.), et les lauréats des épreuves théoriques des concours, stagiaires rémunérés en 2ème année.

260.

Organisation « que je n’ai pas eue, que je n’ai pas su acquérir » déclare-t-elle.

261.

C’est nous qui soulignons.

262.

La considération pour ses propres apprentissages a fait place au souci des élèves.