1.2 ENTRETIEN N°2

3 juin 2003, Nantes.

Q1 / Pouvez-vous m expliquer en quoi consiste, selon vous, le travail d’un professeur du second degré, en dehors de son service devant élèves ?

Alors… Donc, en dehors du service… Donc, Euh ! ça va être surtout, pour moi… une projection sur le temps de classe, ce qui va consister essentiellement à partir d’un programme de…non-officiel, d’essayer d’établir des séquences de classe. Tout ça donc, en prenant en compte, la composante de l’élève, même si on doit quand-même se projeter en classe lorsque l’on prépare les cours. Donc pour moi c’est à partir du programme, d’essayer de proposer, d’établir des séquences de cours pour les effectuer en classe. Et puis, donc, toujours partir des représentations des élèves et donc, déjà d’abord, proposer soi-des pré-textes sur des grands thèmes généraux. Déjà le premier point en fait, ça va être à partir du programme de dégager les points-clés, centraux du programme quoi… Et puis, de là, essayer de trouver des documents, des activités pour faire émerger ces notions du programme. Voilà, donc ça nécessite une bonne planification sur l’année et puis une projection sur le moment au niveau de l’année, quoi. Voilà, en quelques mots, sinon…(…) Non, je… Sinon, ça pourrait… Bah ! essayer aussi d’établir, Euh ! Qu’en fait y’a un aspect dans le programme et un aspect méthodologique aussi, donc, voir aussi… essayer d’établir, éventuellement, de… des outils méthodologiques, pour permettre aux élèves de progresser chacun à leur manière, pour individualiser un peu l’enseignement. Donc, dans ce contexte-là, aussi, regarder… au niveau de la préparation des séquences essayer de voir un petit peu quelle représentation ont les élèves de certains thèmes. Donc, pour ça éventuellement, chercher dans des ouvrages didactiques pour essayer de sa faire déjà une petite idée de leurs réponses sur le temps de classe.

J’entends dans ce que vous me dites : documentation, programmation…

Hum, hum.

Euh ! recueil de données et représentations, prise en compte de la réalité des élèves, individualisation, c’est bien cela ?

Oui, oui.

Q2 / D’accord. Euh ! comment tout cela s’organise-t-il au fond ? Dans le temps, dans l’espace, en dehors du temps de service, de la classe ?

Euh ! Bah ! en fait, ça va… au niveau du temps, donc le premier point, c’est repartir toujours du programme. Au niveau de l’organisation, je sais pas, pour…pour préparer une séquence, on va dire, je vais partir du bulletin officiel. Donc, de là essayer de dégager les thèmes centraux, les points essentiels. Et puis, je vais essayer dans un second temps, Euh ! de voir, de quel… comment je peux faire émerger les conceptions des élèves sur ces thèmes centraux. Donc, recomposer les pré-textes, les choses comme ça que je vais essayer de mettre en place. Et puis, suite à ça, je vais essayer de voir du coup quelles directions peuvent prendre les élèves et essayer de me faire un recueil donc, je vais soit garder les ouvrages du secondaire, éventuellement des ressources Internet ou des choses comme ça, pour trouver tout un amas de documentation qui se reporte à ce thème-là. Et puis essayer ensuite…, Bah ! de proposer des activités à partir de ces supports-là et après, en fonction, en fait, de l’évolution aussi dans la classe, des choses comme ça, privilégier plutôt tel document ou telle piste, c’est un petit peu comme ça que j’envisage la chose. Et puis, Bah ! suite à ça, en fait, aboutir, Bah ! pour moi, je me prépare un peu les notions qui vont être construites suite à ça, quoi. Et puis, j’essaie de suivre un peu, de faire un cahier d’élève, pour voir un petit peu comment ça se construit dans l’espace… au niveau des élèves. Mais, l’important, c’est surtout d’essayer de voir, au niveau, ouais des, des ouvrages, Euh ! des sites Internet, également du site de…, académique, etc.… Pour voir un petit peu quelle source documentaire, je peux…

Recours aux outils…informatiques ?

Oui, voilà. Informatique, également pour la discipline, aux expériences, etc.… quoi. Essayer de voir aussi le matériel de l’établissement, voir ce que l’on peut faire.

Sur cet établissement, ce travail, beaucoup ?

Non, beaucoup…à domicile…j’ai l’accès à Internet donc c’est vrai que…et puis Bah ! notamment pour la première année, c’est vrai qu’on a beaucoup de temps, je vais dire entre guillemets… Donc, c’est vrai… Pour l’instant, j’ai du mal à travailler sur le lieu, l’établissement en fait, mais bon le fait aussi, que je suis proche de mon domicile, c’est vrai que ça… J’ai tendance à plus aimer travailler chez moi, mais bon, je pense qu’à l’avenir, j’aurai plus tendance à essayer de rentabiliser les temps entre les cours pour faire ce travail-là. Mais bon, disons que c’est un lien… Parce que je travaille beaucoup chez moi, mais aussi j’essaie de, d’aller sur place pour, au moins, faire un état des lieux, quel matériel je dispose pour Euh ! faire la séquence éventuelle.

Quand vous parlez de matériel, vous parlez de matériel de laboratoire par exemple ?

Oui, par exemple, c’est cela oui. J’ai aussi l’accès Internet si jamais je fais une séquence… Puis, bah ! également voir au niveau des collègues, prendre appui aussi pour voir un petit peu comment… comment fonctionne, en fait, comment, eux, ils envisagent de faire la séquence etc.… Pour éventuellement aussi être un petit peu sur la même longueur d’ondes, au niveau de la séquence, quoi, de la programmation.

Ca a son importance, ça ?

Oui, je pense, le travail en équipe, ouais je pense…Bah ! d’autant plus, profiter de l’expérience des collègues. Elles, sur un domaine précis, elles peuvent déjà savoir la réaction des élèves, voir ce qui va le plus fonctionner, etc.… C’est important après de se faire son expérimentation, de tester les choses, mais c’est vrai qu’avoir cet avis-là, c’est important. (…) Pourquoi pas, même, construire ensemble des, des séquences de classe. C’est important…

Oui, c’est quelque chose d’important selon vous ?

Ouais, le travail en équipe, pour moi, c’est important.

Pouvez-vous-m’en dire plus ?

Euh ! ça permet, disons, que lorsqu’on prépare une séquence, souvent, on est dans notre… Déjà, on a, nous, notre vécu, notre construction de savoir selon nous, quoi. C’est vrai que des fois, y’a un aspect qu’on envisage pas ou dans notre séquence, y’a quelque chose qui fonctionne pas, les élèves vont buter sur tel point. Donc, c’est vrai que le fait d’échanger, soit déjà, commencer à préparer une séquence ensuite de la montrer à un collègue qui peut, lui la tester, si ça fonctionne ou pas, ou autrement, également d’échanger carrément sur un point, donc, pour voir un petit peu, lui ce qu’il en pense, puis moi ce que j’en pense. Pour vraiment apporter chacun une idée novatrice. On a pas toujours la même façon… façon d’enseigner, de voir les choses… au niveau de la construction des séquences, de la pédagogie, etc.…(…)

Q3 / Et… l’année prochaine, vous serez à temps plein… Vous disiez tout à l’heure que vous avez un temps restreint cette année…, de responsabilités…Vous êtes en formation… Dès l’année prochaine, au mois de septembre, vous allez être en responsabilités à temps plein. Pensez-vous que ça change quelque chose dans l’organisation de votre temps de travail, hors temps de service ?

Bah ! à mon avis, ça va changer quelque chose dans la mesure où… Bah ! là, cette année, je n’avais qu’une classe, donc c’est vrai que j’admets… c’était bien et pas bien. Bien, j’étais vraiment à temps plein… Et pas bien parce que, on a pas de moyen de comparer, en fait, puisqu’on est très près des élèves, on a un groupe classe. Donc c’est vrai qu’on peut pas forcément savoir tous les points, en fait, qui fonctionnent pas dans notre… si ça vient de nous, si ça vient de… des élèves, si ça vient de pleins d’autres facteurs. Donc là, l’avantage, c’est d’avoir plusieurs classes. Ca permet donc, déjà au niveau de la pédagogie, Bah ! de… pouvoir comparer et puis, Bah ! se rendre compte finalement, est ce que ça vient vraiment de moi ou est ce ce qui’a des facteurs dans la classe… Donc, ça, c’est un point important. Et puis, Bah ! effectivement aussi, ça va rendre un peu plus difficile. Je vais avoir plusieurs programmes à gérer et puis donc, ça nécessitera une planification, Bah ! une organisation bien arrêtée. C’est vrai que cette année, euh ! je dirai, que comme c’était la première année, que je découvrais un programme et tout…j’ai eu du mal, quand même, à me projeter dans une année entière et à planifier les séquences de façon manuelle. Donc, là je pense qu’il va falloir plus de rigueur l’année prochaine pour cette planification-là. Et puis, Euh ! donc, c’est vrai, faudra plus gérer le temps entre les cours, pour vraiment le maximiser.

C’est un temps mobilisable, selon vous ?

Euh ! oui…Je pense, oui. Notamment un temps entre deux….Oui, si on a plus d’une heure entre deux cours. Bah ! déjà, ça peut être, pas forcement mobilisable dans la construction de séquence, mais ça peut l’être dans la correction de copies ou même dans la, l’évaluation formative de l’élève, si on veut prendre les cahiers, pour un petit peu individualiser… les élèves. Je pense que çà peut être mobilisable dans cette optique.

Q4 / Et au fond, ce dont vous me parlez, depuis le début de l’entretien, Euh ! est-ce que c’est quelque chose que vous avez découvert cette année ou est-ce que non, au fond, vous vous attendiez à cette organisation ?

Non, j’ai vraiment découvert… Car le seul repère que j’avais, finalement dans ce métier, c’était mon vécu d’élève. Et… et pour moi, c’est vrai qu’il y avait eu, en tant qu’élève, en fait, j’ai, j’avais pas l’impression que le métier d’enseignant demandait autant d’organisation et de travail en dehors du cours. J’avais beaucoup le souvenir de cours magistraux. Donc, c’est vrai qu’il y a eu un changement, aussi, je pense au niveau du travail, enfin de la didactique, notamment en Sciences de la Vie et de la Terre, où avant c’était beaucoup, ouais, les cours magistraux, donc la pédagogie transmissive. Enfin, moi, c’est comme ça que je l’ai vécu. Alors que maintenant, on demande plus du constructivisme, c’est-à-dire de partir sur les représentations des élèves pour que les élèves construisent, eux, leur savoir, pas simplement leur donner des informations. Donc, je pense que…, au niveau de…ça demande vraiment de connaître le public en face de nous. Même d’avoir déjà, un certain recul, par rapport aux notions que l’on transmet. Moi aussi, j’ai mes représentations et je me rends compte même que je découvrais les notions en les enseignant. C’est vrai que, Bah ! des fois, on n’est pas forcément clair par rapport à ce qu’on doit enseigner. Le fait d’enseigner les choses demande quand même une maîtrise du programme très importante. Et c’est vrai que c’est une découverte totale, quoi, puisque au niveau du temps, déjà, y a le temps de préparer les séquences, quoi. Et puis, une frustration, puisque quand on prend du temps à préparer quelque chose, puis finalement en classe, on se rend compte que ça se passe pas comme on l’aurait prévu. Et ce qui rend aussi difficile la chose, c’est qu’on peut pas non plus trop planifier parce qu’il suffit qu’il y ait des écarts par rapport à ce que l’on avait prévu, on est obligé ensuite de reprendre ce que l’on avait prévu pour le modifier, etc.… Du temps aussi, au niveau des corrections de copies, je pensais pas que ça prenait autant de temps.

Ca prend beaucoup de temps ?

Ouais, moi je trouve que ça prend beaucoup de temps parce que même si on a un barème précis, je trouve qu’il est difficile d’être vraiment précis dans la notation et d’être très objectif. Effectivement, je trouve qu’il y a une subjectivité qui s’insinue dans la correction, soit en fait Bah ! parce qu’on a des attentes par rapport à la question posée. Mais souvent la formulation de l’élève n’est pas tout à fait… Moi, j’essaie vraiment de chercher Bah ! qu’est ce qu’il voulait dire précisément. Et c’est vrai que parfois ça demande plusieurs lectures. C’est pas évident à, à savoir si on peut accorder des points ou des choses comme ça, quoi. Et puis, Bah ! également, ça demande du temps, dans la mesure, où…où après la correction en classe, là doit être profitable aux élèves finalement. Il faut donc essayer d’envisager la façon de la rendre intéressante et tout. C’est vrai que moi, j’ai plus tendance à mettre, quand même, beaucoup de commentaires sur les copies, pour essayer d’orienter l’élève vers ses erreurs. Pour, ensuite, dans le temps de correction, qu’il prenne en compte cette erreur-là. Lui, éventuellement, s’auto évalue, par rapport aux commentaires que j’ai mis, aux attentes pré… puis, puis, ensuite, Bah ! on compare, on essaye de voir, où étaient les erreurs, pour éviter qu’ils ne les reproduisent.

C’est un choix personnel que vous faites ?

Oui, voilà. (…)

Q5 / J’aurais une question complémentaire pour revenir sur un thème qui n’a pas été abordé. Cette organisation du temps professionnel en dehors du temps de service, que vous avez décrite largement depuis le début de l’entretien, est-ce que vous pensez que cette organisation impose les mêmes questions, impose les mêmes contraintes, euh ! selon qu’on est un homme ou une femme ?

Euh ! Je dirai oui, oui. Pour moi, oui. Les mêmes difficultés. Après, je…enfin, à mon avis, c’est pas le sexe qui influence, quoi. C’est déjà, c’est une organisation, une méthode de travail. Certains vont, être plus rapides, avoir l’essentiel. C’est vrai que moi, j’ai toujours été lent au travail, je veux dire, quoi. Et puis, je me pose toujours des questions, donc, même en faisant une séquence, en ayant travaillé, en la reprenant, je suis toujours en train de me dire : « Est-ce que finalement, ça va tenir la route ? » Donc, c’est vrai que j’ai du mal à stabiliser la chose, quoi. Non, mais je pense que le sexe n’influence pas pour moi. Bon, après tout dépend, y’a plus après le, l’univers familial qui va changer les choses, éventuellement, donc si on a des enfants, des choses comme ça, ça demande une organisation, mais je pense qu’elle est valable homme et femme, en fonction de comment ça se passe à la maison… C’est sûr, si c’est un couple avec un enfant, et c’est la femme qui doit s’occuper de l’enfant, si en plus elle a ses préparations à faire, ça demande une difficulté, c’est une difficulté supplémentaire. Mais à mon avis, non, le sexe n’y change rien.

Très bien, Bah ! je vous remercie.

Je vous en prie.