1.2.1. L’article défini

L’article défini sert à référer à des entités qui sont identifiables. De plus, l’article défini seul peut indiquer l’existence et l’unicité du référent. Ainsi, dans la phrase 24, seul l’article le donne des indications sur l’existence du groupe nominal.

24. Passe-moi le livre. Riegel et al. (1994 : 155)

Comme déjà mentionné plus haut, l’article défini peut avoir des emplois spécifiques et génériques. En effet, l’article défini dans la phrase 24 désigne une entité spécifique, c’est-à-dire il désigne un individu particulier d’une classe. Dans la phrase 25, nous pouvons observer qu’il désigne un ensemble d’une classe.

25. Il faut que le livre cesse d’être une marchandise comme une autre. Riegel et al. (1994 : 155)

L’article défini au pluriel se distingue du singulier en visant « l’ensemble maximal des objets désignables par une telle expression » (Riegel et al. (1994 : 155)). La conséquence est que le générique est moins fort que si on utilise l’article défini au singulier. Ainsi, il résulte qu’il est plus facile d’exclure des éléments de la classe quand cette classe est désignée par un article défini au pluriel (phrases 26 et 27).

26. J’aime les romans, mais pas celui-ci. Riegel et al. (1994 : 155)

27. ??J’aime le roman, mais pas celui-ci. Riegel et al. (1994 : 155)

Comme en allemand, il existe des phrases où le groupe nominal n’a pas encore été identifié auparavant mais qu’il est pourtant bien précédé d’un article défini. Il est alors également nécessaire d’ajouter un complément pour identifier mieux le groupe nominal.

28. Il s’assit à la table à laquelle il s’asseyait toujours. Pattee (1994 : 68)

Flaux (1997 : 23f) remarque que l’article défini au singulier avec un sens générique peut être utilisé avec des substantifs comptables ou non, tandis que l’article défini au pluriel est plus restreint. Ainsi, avec des noms massifs, le pluriel doit le plus souvent être utilisé avec un modifieur qui provoque une altération de sens : « les vins de France » (Flaux (1997 : 24)). Dans les cas où le modifieur est absent, le groupe nominal peut être ambiguë. Ainsi, « les vins » (Flaux (1997 : 24)) peut d’une part signifier les différentes sortes de vin mais aussi les verres, bouteilles ou tonneaux de vin. Dans ce cas, le contexte est décisif.

Il faut également faire une différence entre l’article défini au singulier et au pluriel quand il se trouve en position de sujet. Ainsi, Van De Velde (1997 : 85) remarque que certains prédicats ne sont pas compatibles avec les deux articles mais qu’il y a une certaine préférence pour l’article défini au singulier (cf. phrases 29 et 30)

29. L’homme est une abstraction. Van De Velde (1997 : 85)

30. ?? Les hommes sont des abstractions. Van De Velde (1997 : 85)

De plus, l’article défini précède les substantifs massifs pour exprimer leur valeur générique (cf. phrase 31). Dans cette construction, l’article défini désigne toujours la classe dans un sens général au début de la phrase, à la différence du partitif qui est utilisé au milieu de la phrase (cf. 1.2.3.)

31. Le vin réjouit le cœur de l’homme. Pattee (1994 : 219)

Le fait que l’article défini peut établir des références spécifiques et génériques peut entraîner des ambiguïtés. Ainsi, le groupe nominal de la phrase 32 peut établir l’un et l’autre. Il peut s’agir d’un chien spécifique qui est en train d’aboyer ou d’une description de ce que font tous les chiens.

32. Le/les chien(s) aboie(nt). Riegel et al. (1994 : 155)

De plus, Riegel et al. (1994) remarque que l’article défini peut dans certains contextes reprendre une information déjà donnée auparavant. Ainsi, il fait référence au pronom qui le précède pour indiquer l’appartenance du groupe nominal à celui-ci (cf. phrases 33 et 34).

33. Il a les yeux bleus. Riegel et al. (1994 : 155)

34. Il s’est lavé les mains. Riegel et al. (1994 : 155)

Selon Vergnaud et Zubizarreta (1992), ces phrases doivent avoir une dépendance sémantique pour qu’elles soient grammaticales. Ainsi, le groupe nominal les yeux bleus de la phrase 33 dépend du pronom personnel il, puisque c’est ce dernier qui le définie. Même si ce groupe nominal ne contient pas de pronom possessif, il a quand même une valeur possessive. Vergnaud et Zubizarreta (1992) constatent pourtant que cela est seulement possible dans les contextes où les substantifs font partie d’une grande entité, comme c’est le cas pour toutes les parties du corps, faisant partie d’un être humain. D’autres substantifs (comme par exemple des vêtements ou des substantifs indiquant la parenté) peuvent également avoir une valeur possessive, ce qui est pourtant moins accepté et dépend alors des locuteurs.

35. Les enfants ont levé la main. Vergnaud/Zubizarreta (1992 : 596)

La phrase 35 est alors ambiguë, puisqu’en français, l’article défini peut désigner une main spécifique, c’est-à-dire que les enfants lèvent tous ensemble une main qui n’est pas la leurs. L’article défini peut également désigner les mains des enfants, c’est-à-dire que tous les enfants lèvent une de leurs mains.