1.2.2. L’article indéfini

L’article indéfini au pluriel ne peut jamais suivre la préposition de (cf. phrase 37). Tandis que nous pouvons observer que pour l’article indéfini au singulier, cela est possible (cf. phrase 36), l’article indéfini au pluriel est alors émis pour que la phrase 38 soit grammaticale (règle de cacophonie).

36. Ils sont venus d’un pays lointain. Riegel et al. (1994 : 166)

37. *Ils sont venus de des pays lointains. Riegel et al. (1994 : 166)

38. Ils sont venus de pays lointains. Riegel et al. (1994 : 166)

L’article indéfini connaît également des emplois spécifiques et génériques. Ainsi, Riegel et al. (1994) explique qu’en emploi spécifique, l’article indéfini décrit un élément particulier qui fait partie d’une classe spécifique. Cet élément particulier n’a pas encore été mentionné auparavant et n’a alors pas de référent. Ceci devient clair quand on observe l’exemple 39. En effet, il ne peut pas s’agir du même homme dans les deux phrases, mais on comprend les deux groupes nominaux comme des individus différents qui n’ont pas encore été mentionnés auparavant.

39. Un homme descendit de la voiture. Je vis un homme sortir un pistolet. Corblin (1987 : 38)

En ce qui concerne l’emploi générique de l’article indéfini, Corblin (1987 : 47ff) constate qu’on peut noter trois règles qui doivent être respectées. Ainsi, il constate d’abord que les contextes doivent permettre que l’article indéfini exprime un générique, c’est-à-dire qu’il y a des opérateurs dans la phrase comme toujours, en général, souvent (cf. phrase 40). En l’absence de ces opérateurs, la phrase doit pouvoir être interprétée comme un fait qui peut être généralement vérifié.

40. Un homme est souvent mécontent de son sort. Corblin (1987 : 47)

Riegel et al. (1994 : 160) ajoute que la grammaticalité dans une telle phrase dépend également de la nature du prédicat. Il doit s’agir d’un « prédicat de genre », c’est-à-dire d’un prédicat qui est valable pour la classe entière (comme par exemple le verbe être de la phrase 40). De plus, rien ne doit faire penser à un fait particulier. Ainsi, dans la phrase 41, l’opérateur toujours est bien présent, pourtant, le mot me indique qu’il s’agit d’une personne en particulier et que le groupe nominal un client ne peut alors pas être appliqué à tous les membres de la classe.

41. Le matin, un client vient toujours me déranger. Corblin (1987 : 49)

La deuxième règle que nomme Corblin (1987 : 50f) est le fait que l’indéfini générique ne peut pas être comparé à la quantification universelle (comme c’est le cas pour l’article défini). Ainsi, dans la phrase 42, rien ne garantit l’exhaustivité. Le singulier décrit que chaque société vérifiée repose en effet sur des valeurs, mais que jamais toutes les sociétés dans leur complexité ne seront vérifiées. Dans certains contextes, la généralité exprimée n’est pas absolue, comme nous pouvons l’observer dans la phrase 43. En effet, la phrase peut être interprétée comme généralement, souvent, un enfant aime sa mère.

42. Une société repose sur des valeurs. Corblin (1987 : 50)

43. Un enfant aime sa mère. Corblin (1987 : 51)

La troisième observation que fait Corblin (1987 : 52f) est que le générique exprimé par l’article indéfini n’atteint l’espèce qu’à partir de l’individu. Ainsi, il constate que dans certaines phrases, le groupe nominal avec un article défini est générique et désigne alors une espèce entière (cf. phrase 44). Cette même phrase n’est plus générique si l’article défini est remplacé par un article indéfini, puisque dans ce contexte, la généricité ne vaut pas pour l’individu de cette espèce, que l’article indéfini désigne (cf. phrase 45).

44. L’homme a marché sur la lune. Corblin (1987 : 52)

45. Un homme a marché sur la lune. Corblin (1987 : 52)

L’article indéfini au singulier pose problème quand il n’est pas en position de sujet. Dans la phrase 46, le groupe nominal « un animal » ne peut que désigner un individu, tandis que le groupe nominal contenant un article défini (cf. phrase 47) reste générique.

46. ?J’aime un animal. Flaux (1997 : 30)

47. J’aime les animaux. Flaux (1997 : 30)

Dans la troisième observation de Corblin entre également celle fait par Flaux (1997 : 30) qui remarque qu’il est peu naturel d’ajouter une négation à une phrase contenant l’article indéfini au singulier qui exprime le générique. En effet, la phrase 48 semble être plus grammaticale en cas de dislocation à gauche (cf. phrase 49). Comme nous pouvons l’observer dans les phrases 50 et 51, la négation ne pose aucun problème avec les articles définis au singulier et au pluriel.

48. ?Un homme n’aime pas vraiment les animaux. Flaux (1997 : 30)

49. Un homme, ça n’aime pas vraiment les animaux. Flaux (1997 : 30)

50. Les hommes n’aiment pas vraiment les animaux. Flaux (1997 : 30)

51. L’homme n’aime pas vraiment les animaux. Flaux (1997 : 30)

Galmiche (1986 : 51) explique que l’article indéfini au pluriel ne peut pas exprimer un générique en se trouvant en position de sujet (cf. phrase 52) (sauf en position disloqué (cf. phrase 53) ou modifié par une phrase relative (cf. phrase 54)).

52. *Des chats sont de mammifères. Galmiche (1986 : 51)

53. Des chats, c’est des mammifères. Galmiche (1986 : 51)

54. Des rosiers qu’on ne taille pas ne donnent pas de belles fleurs. Galmiche (1986 : 51)

Corblin (1987) conclut alors que l’article indéfini singulier n’est pas en soi générique mais que c’est plutôt la combinaison des opérateurs avec celui-ci qui produit une validité pour toute une classe à partir de chaque individu.