1.3. Analyse contrastive

Après avoir présenté les manières principales d’exprimer le générique et le spécifique en allemand et en français, il faut constater qu’il n’y a pas un générique et un spécifique et que les déterminants jouent un rôle primordial pour la détermination de quel générique ou spécifique il s’agit. Afin de pouvoir se faire une meilleure idée des résultats de la section 2.1. et 2.2., nous allons présenter tous les emplois des articles en forme de tableau.

Voici d’abord tous les emplois spécifiques des articles français et allemands :

Tableau 1 : L’expression du spécifique en allemand et en français.
Description du spécifique Déterminant utilisé en allemand Déterminant utilisé en français
1. Identification explicite ou implicite préalable, fonction anaphorique, unicité Défini sg & pl Défini sg & pl
2. Absence d’identification préalable + complément explicatif Défini sg & pl Défini sg & pl
3. Absence d’identification préalable Indéfini sg & pl Indéfini sg et pl
4. Emploi de prédicats spécifiants, identification ne joue pas de rôle Indéfini sg Indéfini sg
5. Noms propres, animaux, villes, pays, fêtes, nationalité, origine, métier, fonction, religion Ø Ø
6. Noms de masse, noms abstraits = variétés, particularités, activités isolées Indéfini pl + substantif au pl Défini pl
7. Quantificateur + substantif Sans déterminant De + Ø
8. Valeur possessive, dépendance sémantique Sans déterminant/ Pronom possessif Défini sg & pl

Pour faire un énoncé spécifique, nous pouvons observer qu’il n’y a pas de différence entre les langues en ce qui concerne les emplois les plus communs : ceux où le groupe nominal est déjà ou pas encore identifié, où l’identification ne joue pas de rôle ou quand il s’agit de noms propres etc. Ce qui est différent dans les deux langues est l’expression de la quantité et des noms de masse. Ainsi, les noms de masse spécifiques sont précédés de l’article défini au pluriel en français, tandis que nous avons vu qu’en allemand, c’est l’article indéfini au pluriel qui précède les substantifs en question.

En ce qui concerne les quantifications en français, nous ne les avons pas traitées dans les sections précédentes, puisqu’elles ne sont pas exprimées à l’aide d’un article mais sont marquées par son absence. Comme en allemand, aucun article ne peut précéder le substantif. Ce qui est pourtant la grande différence, et c’est pour cela qu’il nous semble important d’intégrer ce point dans ce travail, c’est qu’au lieu d’avoir le quantificateur et le substantif comme en allemand, le quantificateur français se compose du quantificateur même, suivi de la préposition de et du substantif. L’absence de l’article en présence d’une préposition peut poser des problèmes à des germanophones dans la construction de phrases contenant une quantification.

La dernière grande différence dans l’expression du spécifique est la valeur possessive que peuvent avoir les articles définis en français. Tandis qu’en allemand, ce même effet est exprimé par des pronoms possessifs ou par l’absence de l’article, ce sont les articles définis qui peuvent l’exprimer dans certains contextes en français.

Voici les expressions différentes du générique et les déterminants utilisés en allemand et en français :

Tableau 2 : L’expression du générique en allemand et en français.
Description du générique Déterminant utilisé en allemand Déterminant utilisé en français
9. Généralisation extensionnelle Défini sg & pl Défini sg & pl
10. Généralisation exemplaire Indéfini sg & pl Indéfini sg
11. Noms de masse, noms abstraits Sans déterminant + substantif au sg Défini sg / partitif
12. Effet de massification, substantifs comptables (Indéfini pl) partitif

En ce qui concerne l’expression du générique en allemand et en français, nous pouvons observer que l’emploi des déterminants se différencie plus que pour exprimer le spécifique. Ainsi, les mêmes articles sont seulement utilisés pour exprimer la généralisation extensionnelle. Une différence importante peut être notée dans la généralisation exemplaire. Dans les deux langues, c’est l’article indéfini qui la désigne, mais tandis qu’en allemand, aussi bien le singulier que le pluriel peuvent être utilisés, en français, l’emploi est plus limité. En effet, l’article défini au pluriel n’est pas grammatical pour exprimer la généralisation exemplaire.

Comme nous l’avons vu auparavant, les noms de masse et les noms abstraits en allemand sont toujours utilisés sans être précédés d’un déterminant. Ils se trouvent au singulier. En français, ils sont précédés de l’article défini au début de la phrase et du partitif au milieu de la phrase.

L’effet de massification semble être un phénomène qui est beaucoup plus rare que les autres. Ainsi, il nous semblait important de noter les différences (en allemand, cet effet n’existe pas selon notre connaissance), mais nous proposons de ne pas le retenir. Il ne semble pas être un problème que les apprenants du français rencontrent lors de leur apprentissage.

Les articles qui s’opposent alors en allemand et en français pour exprimer le spécifique sont les suivants :

a) Ø Weine – les vins.

b) Zwei Flaschen Ø Wein – deux bouteilles de vin.

c) Ø blaue Augen / seine Hand heben - les yeux bleus / lever la main.

Le articles qui s’opposent en allemand et en français pour exprimer le générique sont les suivants :

d) Die Katze /Katzen – Les chats

e) Wein – le vin / du vin

Cette énumération nous montre qu’un apprenant germanophone doit savoir bien distinguer le générique du spécifique et qu’il doit être conscient de ce qu’il veut exprimer. Ainsi, pour exprimer un groupe nominal qui, en allemand, n’est pas précédé d’un déterminant, il y a 4 possibilités en français (cf. a, b, d et e). En dehors de ces emplois, il ne faut pas oublier les emplois réguliers, c’est-à-dire les emplois des articles qui ne sont pas différents de la langue allemande. S’y ajoutent alors encore les noms propres etc. (cf. n°5 du tableau) et l’emploi de l’article indéfini au pluriel (cf. n°3 du tableau). Un apprenant germanophone qui veut dire une phrase en français dans laquelle il y a un groupe nominal sans déterminant, aura alors à faire un choix multiple entre les déterminants différents.

Si l’on part du mot français des, on peut noter qu’il peut également représenter plusieurs emplois. Il peut s’agir d’un article indéfini au pluriel (voir l’emploi 3 du tableau) et de la combinaison des mots de + les (qui pourrait alors être utilisé sous 1 et 2 du tableau). Un apprenant germanophone aura également tendance à généraliser le fait que le mot des est l’article indéfini au pluriel et pensera qu’il peut alors être utilisé dans de nombreux autres cas, surtout dans des conditions où l’on ne trouve pas de déterminant en allemand. Il voudra alors mettre le mot des dans les emplois de 7, 8 et 11 du tableau. Il devra également tenir compte du fait que l’article indéfini sera réduit à de s’il n’est pas suivi d’un subjonctif. Par conséquent, l’apprenant aura des difficultés d’utiliser les déterminants qui doivent être utilisés en français pour exprimer le spécifique et le générique sous 7, 8 et 11, qui sont surtout le partitif et de + Ø. La règle de cacophonie entraîne encore plus d’insécurité pour l’apprenant puisque même si, selon les règles, il serait correct d’utiliser des, la préposition de entraîne la suppression du mot. Quand cela est le cas, nous supposons que l’apprenant ne soit souvent pas conscient de ce mécanisme, mais le confondra avec le partitif ou de + Ø.