2.2. Les tests effectués 6

L’hypothèse avancée dans le premier chapitre prédit que les déterminants dont l’emploi en français diffère de celui en allemand posent plus de problèmes aux apprenants germanophones que ceux où l’utilisation se ressemble. Ainsi, nous avons supposé que c’est surtout la forme identique de l’article indéfini au pluriel en français avec d’autres mots contractés (comme de + les = des) et les irrégularités de sa forme (règle de cacophonie et réduction de des en de) qui posent problèmes aux apprenants. Pour vérifier cette hypothèse, nous nous sommes décidé d’effectuer un test auprès des étudiants suivant la préparation du DELF. Le but de ce test était de voir si les apprenants maîtrisaient les déterminants différents. Pour tester les compétences d’un apprenant, la meilleure façon serait d’analyser l’output dans une conversation libre. Ainsi, il peut choisir ce qu’il veut dire et déterminer lui-même les formes nécessaires pour exprimer un certain sens. Malheureusement, nous n’avons pas eu l’occasion d’enregistrer des conversations libres des apprenants et nous avons donc dû avoir recours à l’écrit. Ceci a comme avantage de ne pas seulement tester ce qui est acquis, mais de voir également ce qui est appris et ce qui se trouve alors dans le moniteur, puisque à l’écrit, l’apprenant a plus de temps pour réfléchir et peut alors avoir recours à son moniteur 7 . Il peut appliquer les règles apprises ou, si cela est déjà le cas, avoir recours à ces compétences acquises, puisque nous n’avons pas demandé d’expliquer des règles et de montrer des connaissances métalinguistiques. Par contre, comme nous voulions tester toutes les fonctions établies dans le premier chapitre, nous nous sommes décidée à donner aux apprenants un test à trous. Ainsi, toutes les fonctions différentes ont pu être testées. En ce qui concerne les déterminants plus simples, ceux qui expriment l’identification explicite et implicite préalable et l’absence d’identification préalable, il a été possible de proposer une conversation écrite. Dans cette conversation écrite, alors un contexte déterminé, les déterminants avaient été effacés et le texte devait alors être reconstruit par les apprenants. En ce qui concerne les autres fonctions, il n’était malheureusement pas possible d’introduire de longs textes pour donner un contexte, puisque nous voulions avoir un test assez court et faisable en une dizaine de minutes. Ces phrases ne pouvaient souvent pas être placées dans un contexte précis, ce qui s’est avéré difficile pour les apprenants 8 . Le vocabulaire choisi était assez simple, mais surtout au niveau A1 et A2, il fallait s’attendre à des problèmes de vocabulaire.

Au total, 10 étudiants ont effectué le test, dont 3 du niveau A1, 2 du niveau A2, 4 du niveau B1 et 1 du niveau B2. Nous sommes consciente du fait qu’un tel test ne peut pas rendre une image représentative des connaissances et compétences des apprenants. On peut pourtant relever des régularités en ce qui concerne les bonnes et les mauvaises réponses. Si par exemple tous les étudiants de tous les niveaux commettent les mêmes erreurs, il faut en conclure que c’est un point de grammaire que n’est ni acquis ni appris. Il faut alors se demander si et comment il est traité en cours. Il sera alors possible de proposer, dans le dernier chapitre, une manière d’enseigner les déterminants en cours de langue française.

En ce qui concerne le test, il fallait remplir 48 trous dans une trentaine de phrases. Pour tester chaque fonction des déterminants, au moins deux phrases ont été développées pour chaque fonction. Ainsi, pour tester par exemple la règle de cacophonie, les deux phrases suivantes ont été proposées 9  :

63. Il m’a parlé ____ choses et d’autres. (parler de qqch.).

64. Un groupe ___ élèves est venu me voir pour se plaindre.

Ici, nous testons la règle de cacophonie (phrase 63). Nous avons également placé la phrase 64 sous la règle de cacophonie parce qu’il s’agit d’un groupe indéfini d’élèves. De même, on aurait aussi pu la classer sous la définition de quantification + substantif.

La plupart des fonctions de déterminants sont testées plus souvent, entre 3 et 9 fois (souvent avec plusieurs trous dans la même phrase). Ainsi, l’absence des articles en combinaison avec les noms propres a été testée 5 fois :

65. Pierre est ___ Français et vient de ___ Paris.

66. ___ Pierre a appelé ___ Marie.

67. Marie est ___ professeur de français.

Pour être sûr que les phrases sont compréhensibles et que les réponses évidentes, le test a également été effectué par une personne de langue maternelle française. A la suite, quelques modifications ont été effectuées surtout en ce qui concerne le choix des temps verbaux 10 . La personne de langue maternelle française nous servait d’indicateur de ce qui est correct et de ce qui ne l’est pas. Avec son aide, nous avons alors pu établir une liste des déterminants qui peuvent être utilisés avec chaque phrase du test. Comme le contexte manque, l’interprétation de l’erreur doit en effet se faire de manière assez souple, puisque quelques phrases ne sont pas très claires. Ainsi, la phrase 68 ne dit pas clairement s’il s’agit d’un enfant en particulier ou d’enfants en général. C’est pourquoi nous avons accepté plusieurs réponses. En ce qui concerne la phrase 69, il est vrai que le mot la porte n’est pas très bien choisi. Nous avions comme but de prendre des mots connus par tout le monde, et malheureusement, le sens a été oublié parfois.

68. ___ enfant aime sa mère.

69. En passant, il regardait ___ porte, comme toujours.

Nous avons pourtant décidé de garder ces phrases dans notre test pour voir comment les étudiants réagissent.

La consigne du test était la suivante : « Ajoutez les articles appropriés (article défini, indéfini, partitif ou absence de l’article) dans les espaces suivants. » Si souhaité, nous avons fait une énumération des formes possibles (le, la, les, un, une, des, de, de la, du ou rien), en mettant en même temps en évidence qu’il y a souvent plusieurs possibilités. Nous leur avons expliqué qu’il ne fallait pas trop réfléchir mais plutôt réagir et faire confiance à son sentiment si on ne savait pas (ou même donner plusieurs possibilités si on hésite). S’ils en ressentaient le besoin, ils avaient également le droit d’ajouter d’autres mots, comme sa, son, ce, celui etc. Avec ce dernier conseil, nous voulions d’une part laisser aux apprenants au moins un peu de liberté pour remplir les trous. Les phrases n’étaient pas construites par eux-mêmes et nous ne voulions pas les limiter encore plus dans leur choix. D’autre part, nous voulions également laisser la possibilité aux apprenants de donner des réponses qui ressemblent aux réponses allemandes mais qui seraient fausses en français. Dans la phrase 70 par exemple, un allemand aurait peut-être plus de tendance à ajouter le mot leur que la.

70. Quand j’ai posé la question, tous les enfants ont levé ___ main pour répondre.

En leur permettant d’ajouter ce qui leur convenait le mieux, nous voulions ainsi laisser ouverte cette réponse.

Notes
6.

Nous voulons mettre en évidence qu’il ne s’agit en aucun cas d’un test traditionnel qui sert à juger les apprenants de leurs compétences. Nous avons expliqué clairement aux apprenants qu’il sert uniquement à analyser l’acquisition d’un point de grammaire spécifique dans le cadre de l’apprentissage d’une langue étrangère.

7.

Pour la différence entre l’acquisition et l’apprentissage et la définition du moniteur, nous renvoyons au chapitre suivant.

8.

Nous allons aborder ce problème plus tard dans ce chapitre.

9.

Pour voir toutes les phrases classées par leur fonction, nous renvoyons à l’annexe n°1.

10.

Malheureusement, quatre tests ont dû être effectués avant ce changement. Pourtant, nous sommes convaincue que les résultats n’auraient pas changé significativement, puisque les apprenants ont aussi bien pu comprendre le sens de la phrase avant qu’après le changement.