2.3. L’analyse des tests effectués

L’analyse des tests sera effectuée pour chaque emploi des déterminants à part. Ainsi, nous pourrons voir de plus près quel emploi de déterminant pose le plus de problèmes aux apprenants des niveaux différents.

2.3.1. L’emploi spécifique des déterminants français

En ce qui concerne l’identification explicite ou implicite préalable, nous avons opté pour intégrer les phrases dans un contexte spécifique pour que l’apprenant puisse facilement définir si les substantifs en question ont déjà été mentionnés. Nous avions constaté dans le premier chapitre que cet emploi ne devrait pas poser de problème aux apprenants, puisqu’il est le même en allemand et en français.

Les phrases suivantes visaient à voir si l’emploi des déterminants avec une fonction anaphorique avait déjà été acquis 11 . Le cd, le mot pour lequel doit être choisi le déterminant correspondant, a déjà été introduit dans le contexte. Dans les phrases suivantes, les trous doivent alors tous être remplis par l’article défini.

71. Oui, il y en a, mais ils sont mélangés avec ___ cds neufs.

72. Nous n’avons pas de rayon séparé pour ___ cds d’occasion.

73. Je voudrais acheter ___ dernier disque de Céline Dion.

74. ___ cds sont indiqués par une étiquette jaune, comme ça.

Comme déjà prédit dans le premier chapitre, les apprenants de tous les niveaux montrent qu’ils savent utiliser les déterminants ayant une fonction anaphorique. Ainsi, dans chaque niveau, trois quarts ou plus des réponses données ont été correctes. Les apprenants ayant choisi le mauvais déterminant, ont tous choisi l’article indéfini. 12

En ce qui concerne l’absence d’identification préalable avec un complément explicatif, où dans les deux langues, il faut utiliser l’article défini, nous avons proposé les phrases suivantes :

75. A midi, elle a mangé ___ pizza qu’elle mange toujours.

76. En passant, il regardait ___ porte, comme toujours.

77. ___ chiens qu’il a vus hier ont disparu.

78. Parle-moi ___ semaines que tu as passées en Angleterre! (parler de qqch.)

Selon nos attentes, seulement la phrase 78 pouvait poser des problèmes, puisqu’il fallait faire une contraction de la préposition de et du déterminant les. Les apprenants du niveau A1 ont eu plus de difficultés que les niveaux plus élevés. En effet, les trois apprenants ont seulement répondu correctement à la phrase 77. Il faut également tenir compte du fait qu’il s’agissait seulement de deux vrais débutants et d’un apprenant ayant déjà passé plusieurs mois en Afrique francophone. Cet apprenant (n°1) montre qu’il maîtrise cet emploi des déterminants, tandis que les deux autres ne le maîtrisent pas encore. Il faut également tenir compte du fait que les vrais débutants ont eu des difficultés de compréhension et de reconnaître certaines structures. On peut supposer que s’il s’était agi de phrases formulées avec leurs propres mots et selon leur intérêt, ils n’auraient pas commis ces erreurs. Les apprenants du niveau A2 montrent qu’ils maîtrisent cet emploi de l’article défini. Toutes les phrases sont correctes. Un apprenant a préféré l’article démonstratif cette au lieu du déterminant la, mais cela montre seulement qu’il était conscient du fait qu’il s’agissait d’un emploi défini. Les apprenants du niveau B1 ont quelques difficultés avec le choix du défini, mais réussissent bien dans la globalité. Ici, aucun problème de contraction se pose, comme déjà observé pour les apprenants du niveau A2. L’apprenant de B2 maîtrise également cet emploi de l’article défini.

En ce qui concerne les déterminants indéfinis qui marquent l’absence d’une identification préalable (utilisé dans les deux langues), nous avons choisi les phrases suivantes.

79. Euh… est-ce que vous avez ___ cds d’occasion?

80. Vous cherchez ___ disque en particulier?

81. Alors j’essaie de trouver ___ copie d’occasion.

82. Les cds d’occasions sont indiqués par ___ étiquette jaune, comme ça.

Les phrases 79 à 82 sont régulières, tandis que les phrases 83 à 85 testent également la capacité des apprenants de réduire la forme des à de, dans ces cas obligatoire à cause de l’adjectif qui précède le substantif.

83. ___ nouvelles maisons ont été construites.

84. Il tenait ___ petits chiens sur son bras.

85. Il y a ____ autres biscuits dans la cuisine.

Dans les trois phrases, le choix de notre personne francophone était clair : elle a toujours choisi l’article indéfini. Pourtant, après l’avoir demandé une deuxième fois plus précisément, elle admet que dans les phrases 83 et 84, on peut également ajouter l’article défini, si on suppose l’existence d’un contexte où les substantifs ont déjà été identifiés auparavant. C’est alors finalement seulement la phrase 85 qui montrera définitivement si les apprenants savent utiliser l’article indéfini de forme réduite.

Les apprenants de tous les niveaux ne montrent pas vraiment de difficultés en ce qui concerne les phrases 79 à 82. En effet, plus de trois quarts des apprenants de chaque niveau donnent une réponse correcte 13 . Dans les phrases 83 et 84, tous les apprenants du niveau A1 ont ajouté un article défini, et dans la phrase 85, seul un apprenant a tenu compte de la réduction de l’article indéfini. Il faut pourtant mentionner que les autres ont su qu’il fallait ajouter un article indéfini, mais ne savaient pas que la forme des était incorrecte ici. En ce qui concerne le niveau A2, les phrases 84 et 85 sont difficiles à interpréter, vu qu’il n’y a que deux étudiants qui ont fait le test. Un apprenant semble connaître la règle de réduction de l’article indéfini et ajoute le bon déterminant à la phrase 85. Par contre, dans la phrase 84, il ne le réduit pas. L’autre apprenant ajoute même un article zéro dans la phrase 85, comme il l’aurait fait dans une phrase allemande. Pourtant, dans la phrase 84, il ajoute l’article indéfini (sans réduction). Au niveau B1, trois des quatre apprenants ne savent pas qu’il faut réduire l’article indéfini devant un adjectif (phrase 85). Pour la phrase 84, ils ont également tous choisi ce qui leur semblait le plus facile : l’article défini. L’apprenant du niveau B2 a fait la même chose. Par contre, la phrase 85 a été correcte.

Ces résultats montrent alors qu’au niveau A2, B1 et d’un certain côté également au niveau B2 prévaut une grande confusion sur la façon de traiter les déterminants indéfinis qui ne sont pas suivis du substantif. De plus, aucun apprenant n’a choisi l’article indéfini dans la phrase 83et seulement un l’a ajouté dans la phrase 84, pourtant la réponse la plus logique. Ils ont préféré la réponse qui pose le moins de problèmes.

En ce qui concerne l’article indéfini au singulier qui est employé avec des prédicats spécifiants mais dont l’identification ne joue pas de rôle, nous avons proposé la phrase 86.

86. Il mangeait ___ saucisse quand j’arrivais.

Cette phrase semble poser beaucoup de problèmes, et cela dans plusieurs sens. Ainsi, les apprenants du niveau A1 ne savent pas s’il faut mettre l’article défini ou indéfini. A partir du niveau A2, les apprenants semblent penser qu’il s’agit d’un emploi du partitif. Ainsi, la plupart des apprenants des niveaux A2 et B1 ont ajouté le partitif. L’apprenant du niveau B2 a préféré l’article défini.

En ce qui concerne le déterminant zéro devant les noms propres, les villes, le métier et la nationalité, nous avons proposé les phrases suivantes.

87. ___ Pierre a appelé ___ Marie.

88. Pierre est ___ français et vient de ___ Paris.

89. Marie est ___ professeur de français.

On peut observer qu’à part quelques exceptions, les apprenants de tous les niveaux savent que les noms propres etc. sont précédés d’un déterminant zéro. Seule la phrase 89 semble être difficile, la plupart des apprenants choisissant ou l’article indéfini ou défini. Selon notre référent francophone, ceci serait seulement possible s’il y avait un complément explicatif dans la même phrase, tel que Marie est un professeur que j’ai rencontrée il y a plusieurs années, ou Marie est le professeur de Julie.

Les noms de masse qui décrivent une variété particulière ont été testés dans les phrases suivantes :

90. ___ vins de France sont connus dans le monde entier.

91. Je préfère ___ eaux minérales qu’on peut acheter dans les supermarchés.

En ce qui concerne la phrase 90, tous les étudiants ont choisi le bon déterminant. La phrase 91 a pourtant causé plus de difficultés. Apparemment, les apprenants ont eu des problèmes pour se décider s’il fallait utiliser le partitif (des, de l’) ou même une mauvaise forme de celui-ci (de). Ce problème persiste dans tous les niveaux.

Le quantificateur suivi de la préposition de sans article semble être un des problèmes les plus importants. On peut observer une augmentation de fautes jusqu’au niveau B1.

92. Pour préparer ce gâteau, il me faut de la farine, des oeufs, du sucre, des pommes, de l’huile et 500 g ___ beurre.

93. Il faut ajouter 100g ___ farine et 2 litres ___ lait.

94. Est-ce que tu veux boire une tasse ___ café?

En effet, les apprenants du niveau A1 sont conscients du problème et avouent qu’ils ne se rappellent plus la règle récemment apprise. Pourtant, à peu près la moitié des réponses est correcte (également celles des vrais débutants). Au niveau A2 et B1 semble dominer une grande confusion, puisque seulement deux réponses s’avèrent justes. Dans les autres phrases, le partitif a été ajouté. Seul l’apprenant du niveau B2 maîtrise la quantification sans problèmes.

Pour exprimer la valeur possessive avec une dépendance sémantique, les apprenants semblent, comme prévu, s’orienter à partir de l’allemand pour choisir l’article.

95. Elle a ___ yeux bleus.

96. Quand j’avais posé la question, tous les enfants levaient ___ main pour répondre.

97. Tu parles de Marie, la fille qui a ___ cheveux bruns?

Ainsi, les apprenants de tous les niveaux utilisent l’article indéfini au pluriel pour exprimer la caractéristique des cheveux (phrase 97 : Ø braune Haare haben 14 ). En ce qui concerne la phrase 95, il est surprenant de voir que les apprenants du niveau A1 donnent tous la bonne réponse (ils ajoutent au moins tous l’article défini), tandis que dans les autres niveaux, seulement un apprenant (du niveau B1) donne la bonne réponse. Les autres préfèrent également l’article indéfini au pluriel. La phrase 96 est celle qui a provoqué le plus de réponses correctes dans cette catégorie. Pourtant, moins de la moitié des apprenants sait quel déterminant ajouter. Trois apprenants (du niveau A2 à B2) ont même proposé d’ajouter un pronom possessif (comme en allemand).

Nous pouvons alors constater qu’en ce qui concerne l’emploi spécifique des déterminants français, nos hypothèses se sont avérées correctes. Ainsi, dans le cas où le déterminant français est utilisé de la même manière que le déterminant allemand (c’est-à-dire quand il exprime une identification explicite ou implicite préalable, une absence d’identification préalable suivi d’un complément explicatif ou quand il faut utiliser un déterminant zéro), les apprenants ont majoritairement su compléter les phrases correctement. Cependant, dans les cas où le déterminant français diffère de celui en allemand, la plupart des apprenants ont eu des difficultés considérables.

En analysant les fautes de plus près, nous avons détecté plusieurs raisons pour ces difficultés. D’abord, il semble qu’aucun apprenant n’ait jamais entendu parler du fait que le déterminant indéfini des doit être réduit devant par exemple un adjectif. Ce fait n’est alors ni appris ni acquis. Une deuxième raison pour les difficultés est le fait que quelques règles sont bien apprises mais ne sont pas encore acquises. Ainsi, le déterminant qui a une valeur possessive est en partie correctement ajouté par les apprenants du niveau A1, puisque la règle y est encore présente. Dans les niveaux plus élevés pourtant, elle s’est perdue et par conséquent, les apprenants ont choisi le mauvais déterminant. Ce même problème a pu être observé dans les phrases avec un quantificateur. Bien que les apprenants aient appris quel déterminant il faut mettre avec un quantificateur, ils n’en ont plus été capables, ne s’en rappelant plus. Dernièrement, une raison pour les difficultés est également le fait de ressentir une grande confusion en ce qui concerne les noms de masse. Les apprenants savent apparemment qu’il faut les traiter différemment mais ne savent pas exactement comment. C’est pourquoi ils ont eu des difficultés à spécifier le déterminant correspondant devant les noms de masse d’une variété particulière.

Dans la section suivante, nous allons analyser si les mêmes problèmes persistent en ce qui concerne l’emploi générique des déterminants français.

Notes
11.

Le test complet se trouve dans les annexes n°2.

12.

Deux exemples de tests remplis ainsi que les tableaux avec toutes les réponses des quatre niveaux testés se trouvent dans les annexes n°3 et 4.

13.

Dans les cas où l’apprenant a choisi le bon déterminant mais n’a pas utilisé le genre correct, la réponse est bien sûr considérée comme correcte, puisqu’il ne s’agit pas d’un test sur les genres, mais d’un test sur l’expression du générique et du spécifique.

14.

avoir Ø (des) cheveux bruns.