4.2. Élargir l’emploi de structures connues

Dans le deuxième chapitre, nous avons observé que les apprenants ne savent pas utiliser le partitif avec les noms abstraits. Comme nous n’avons pas trouvé d’exercices ou de point de grammaire sur ce thème dans le manuel utilisé, nous devons supposer qu’ils ne le traitent pas ou seulement sporadiquement. Pourtant, les apprenants apprennent le partitif dans le contexte des noms de masse. Dans cette section, nous allons alors proposer comment introduire d’autres emplois d’une structure déjà traitée. Dans la section précédente, nous avons suivi l’ordre du manuel pour introduire la nouvelle structure (du partitif avec les noms de masse). Comme dans le cas du partitif avec les noms abstraits, nous ne pouvons pas nous baser sur l’ordre du manuel puisqu’il n’apparaît pas, nous proposons alors de l’introduire en même temps que la substantivation. Les noms abstraits sont souvent des substantifs à base d’adjectifs, comme patient – patience, gentil – gentillesse, immoral – immoralité etc. Pour introduire le partitif avec des mots abstraits, il faut s’assurer avant tout que les apprenants ont déjà appris des mots abstraits. On peut ainsi lier les deux points de grammaire pour que les apprenants apprennent également comment utiliser immédiatement les mots abstraits.

Nous avons constaté que les cours de français à l’université d’Oldenbourg suivent la progression du manuel et introduisent les nouvelles structures dans un schéma communicatif propre à chaque leçon. Ainsi, l’introduction de la substantivation a lieu dans Campus 2 (en deuxième année) et se trouve liée aux thèmes de la formation et la description des métiers (éducateur, éducatrice, substantifs en –ité, -esse etc.). On note que le partitif n’y est pas traité.

Après avoir appris à focaliser sur la forme des substantifs, il nous semble nécessaire de se focaliser également sur leur emploi avec le partitif. L’enseignant commencera le cours en donnant un grand nombre d’input de la structure partitif + noms abstraits. Il choisira un sujet (telle que : quelles qualités doit avoir un bon professeur ?) et commencera à faire une énumération de ces qualités en utilisant le partitif (Un bon professeur, pour moi, doit avoir de la patience, il faut avoir de l’intérêt pour les étudiants. etc.). Pendant son monologue, il encourage les apprenants à donner leurs opinions et à essayer de participer en utilisant la même structure. Il peut également poser des questions encourageantes. Après un certain temps d’input, il faut amener les apprenants à analyser la structure utilisée. Ainsi, en posant des questions comme Qu’est-ce qu’on a fait ? Quelles formes avons-nous utilisées ? Pourquoi pensez-vous que nous les avons utilisées ?, l’enseignant peut rassembler au tableau les idées des apprenants concernant la structure et le contexte entendus. Ainsi, les apprenants s’approchent lentement de l’idée que le partitif est utilisé avec les noms abstraits. Nous avons choisi un input à l’oral et non pas un texte écrit parce que nous pensons que les apprenants sont dans ce cas bien capables de l’analyser. Ainsi, ils connaissent non seulement les mots mais également la forme utilisée. L’enseignant devrait ensuite attirer l’attention sur la forme même du partitif. Il devrait demander où les apprenants ont déjà vu cette structure (avec les noms de masse) et pourquoi ils pensent qu’elle est également utilisée avec les noms abstraits (mots non-comptables). Ensuite, les règles seraient à nouveau marquées au tableau, et bien sûr formulées par les apprenants mêmes et non pas par l’enseignant. Cette reformulation mène à une répétition de la structure et surtout du contexte dans lequel elle est utilisée. Le nouvel emploi de la même structure (le partitif) est élargi et les connaissances de l’emploi du partitif avec les noms de masse sont transférées à celui avec les noms abstraits.

Par la suite, l’enseignant doit donner l’occasion aux apprenants de s’entraîner à ce nouvel emploi. Nous proposons alors une activité en groupe de deux à trois apprenants. Leur tâche consistera à se mettre d’accord sur des caractéristiques qu’il faut avoir pour être un bon ou mauvais professeur, un bon ou mauvais élève, ou un bon ou mauvais parent. Dans les cours à l’université d’Oldenbourg, un grand nombre d’apprenants font des études pour devenir professeur et il pourrait alors être plus intéressant pour eux de poser la question du bon ou mauvais professeur que celle du bon ou mauvais parent. Nous pensons également que l’enseignant doit dire explicitement qu’il s’agit d’essayer d’utiliser la structure partitif + nom abstraits le plus souvent possible (pour éviter des phrases comme il faut être patient au lieu de il faut avoir de la patience). La consigne pourrait alors être la suivante :

‘Quelles qualités doit avoir un bon professeur ? Faites une énumération en essayant d’utiliser des noms abstraits quand cela est possible.’

L’enseignant passera dans les groupes pour les aider à trouver et à former les substantifs. Les résultats seront écrits sur une affiche et présentés aux autres apprenants.

Le résultat  pourrait ressembler au tableau suivant :

Tableau 6 : Exemple d’affiche de l’activité sur les noms abstraits.
  • Un bon professeur doit avoir :
    de la patience
    de l’amour pour son métier
    de la compréhension pour les problèmes de ses élèves
    de la sensibilité
    de l’intérêt pour la langue enseignée etc.
  • Les affiches permettront une discussion des résultats, aussi bien sur le contenu que sur la forme.

    Pour consolider cet emploi du partitif, l’enseignant peut ensuite proposer l’activité suivante : il peut présenter une liste d’adjectifs (une vingtaine de mots), dans laquelle chaque groupe d’apprenants doit choisir huit. Ces huit adjectifs seront substantivés et ensuite imaginés dans un contexte (une phrase ou une petite suite de phrases). La consigne pourrait être la suivante :

    ‘Choisissez huit adjectifs de la liste et transformez-les en substantifs. Essayez ensuite d’intégrer les substantifs dans un contexte précis.’ ‘Exemple : courageux – courage – Elle l’a confronté à ses peurs. Elle a vraiment du courage pour faire cela.’

    Il n’est pas obligatoire de former des phrases dans lesquelles figure un partitif. Il va en effet être beaucoup plus facile pour les apprenants de former des phrases avec des noms abstraits accompagnés d’un article défini (par exemple : Le courage est une vertu importante). L’enseignant devrait veiller à ce que les phrases proposées contiennent les deux formes. Ainsi, après une présentation des formes produites, il sera possible d’analyser la différence entre le partitif et l’article défini avec les noms abstraits.

    Dans cette section, nous avons proposé une façon d’élargir l’emploi d’une structure déjà apprise. Il est important d’explicitement lier le nouvel emploi à l’emploi déjà connu. De plus, il faut assurer qu’en faisant des activités, les apprenants ont la possibilité de consolider le nouvel emploi.