4.3. Restreindre l’emploi de structures connues

Dans le deuxième chapitre, nous avons constaté que la règle de cacophonie n’est ni apprise ni acquise par les apprenants. Elle sera alors traitée dans cette section. Cette règle est surtout intéressante parce que les apprenants connaissent déjà tous les éléments qui sont nécessaires pour utiliser des phrases avec la règle de cacophonie (comme par exemple les verbes suivi de la préposition de) et ont déjà vu d’autres restrictions (comme par exemple la restriction des quantificateurs + de), mais ne connaissent tout simplement pas encore celle-ci. La règle et son contexte sont tout à fait nouveaux ici. Les tests effectués dans le deuxième chapitre ont montré que les apprenants germanophones ont tendance à faire le contraire de ce qu’il faut faire. Ainsi, dans une phrase telle que *ils viennent de des pays différents, ils préfèrent écrire la préposition de au lieu du déterminant des (*ils viennent des pays différents) et ne sont pas conscients du fait qu’ils changent alors le sens de la phrase, du générique au spécifique. Dans un cours qui traite la règle de cacophonie, il faudra alors également revenir sur l’emploi connu de l’article indéfini.

Il faut alors trouver un moment dans le curriculum pour introduire la règle de cacophonie. Comme elle est fortement liée à l’emploi de la préposition de qui est souvent utilisé après un verbe (par exemple ils sont venus de pays lointains, il m’a parlé de personnes inconnues etc.), il ne faut pas l’introduire avant que les apprenants maîtrisent ces verbes. De plus, il peut être raisonnable d’attendre également la maîtrise du passé composé, pour pouvoir placer la règle de cacophonie dans un contexte passé. Cependant, nous n’avons pas trouvé de moment précis dans le curriculum qui se prête mieux que d’autres pour traiter ce point.

Nous avons vu dans le chapitre précédent qu’il est parfois recommandé de ne pas commencer l’introduction d’une nouvelle structure par l’induction mais qu’il peut également être intéressant de débuter le cours en question avec l’approche déductive. Ainsi, nous avions constaté que quand les apprenants ont déjà des connaissances préalables, il est souvent judicieux de les répéter avant d’introduire la nouvelle structure. Ceci peut avoir un effet positif : les apprenants se rendent compte de toutes les connaissances qu’ils ont déjà et que quelques structures leur semblent déjà tellement évidentes qu’il n’est, selon eux, plus la peine d’en parler. Nous supposons que cela est le cas dans notre situation. Ainsi, nous proposons que l’enseignant annonce au début du cours qu’un nouveau point sera traité dans ce cours, mais qu’il est nécessaire de le lier à d’autres structures et emplois que les apprenants connaissent déjà 24 . Il demande aux apprenants de se mettre en groupe de deux ou trois et de faire une liste des déterminants qu’ils connaissent. Il leur demande également d’essayer d’utiliser les déterminants trouvés en formulant au moins deux phrases par déterminant. Il nous semble préférable de formuler deux phrases par déterminant, puisque sinon, les apprenants seraient forcés de se décider pour un emploi spécifique tandis qu’avec deux phrases, ils ont la possibilité d’étudier deux emplois différents du même déterminant. L’enseignant passera dans les groupes pour aider, et pour proposer quelques déterminants si les groupes en oublient. Ainsi, il est très probable que les apprenants choisissent les déterminants le, la, les, un, une, des, mais oublient le partitif ou le de précédé d’un quantificateur. L’enseignant pourrait attirer l’attention vers ces déterminants oubliés. Après une dizaine de minutes, une mise en commun au tableau aura lieu. Les déterminants (et les phrases) seront triés, puis les apprenants se remettront en groupe pour essayer de trouver des explications sur le sens que le déterminant en question pourrait exprimer. Pour les aider, l’enseignant peut fournir un exemple, comme :

‘Je mange les pommes sur la table. = il y a des pommes très spécifiques que je mange, je vois les pommes, je ne mange pas n’importe quelles pommes etc.’

Cette activité aidera les apprenants à identifier les emplois différents des déterminants et facilitera la compréhension de la règle de cacophonie. Il semble très important de faire la différence entre le spécifique et le générique (bien sûr sans utiliser expressément ces mots) pour faire la différence entre des phrases comme il m’a parlé d’enfants et il m’a parlé des enfants. Puis, ces explications seront présentées et discutées.

Ensuite, nous proposons une introduction de la règle de cacophonie à l’aide de l’induction. Le but est de montrer aux apprenants que la forme de + des se différencie de la forme de + les, structure déjà connue, et qu’il ne s’agit pas d’une forme tout à fait nouvelle mais plutôt d’un développement de formes déjà connues. La classe est divisée en groupes de deux ou trois apprenants, la moitié des groupes reçoivent le texte 1, l’autre moitié des groupes reçoivent le texte 2 25 . Nous avons choisi deux textes différents pour assurer une plus grande variété de structures. Ainsi, le premier texte contient la structure parler de qqch. (par exemple parler de chevaux), tandis que le deuxième texte contient la structure venir de (par exemple venir de pays industrialisés). Dans les deux textes se trouve également la forme de + les = des, une forme importante pour bien développer la différence entre la forme des et de dans le même contexte. Il peut être nécessaire de fournir quelques traductions, surtout dans le deuxième texte qui est un texte officiel. Après avoir distribué les extraits de texte, l’enseignant donnera le temps aux apprenants de le lire, puis posera quelques questions pour être sûr que les apprenants le comprennent.

Ensuite, des groupes de deux ou trois apprenants devront repérer la préposition de et les articles qui les accompagnent. La consigne pourrait être la suivante :

‘Repérez toutes les phrases qui contiennent la préposition de. Repérez également les déterminants qui accompagnent la préposition de.’

Nous proposons de procéder comme dans la première section de ce chapitre. Une mise en commun aura lieu dans laquelle les structures seront triées et présentées au tableau. Ceci donnera la possibilité aux apprenants de prendre connaissance des phrases et structures dans le texte qu’ils n’ont pas traité. Le résultat au tableau pourrait ressembler au tableau suivant :

Tableau 7 : Exemple du remue-méninge
Parler de jeux,
Qui viennent de pays en développement,
Le forum des passionnés de chevaux,
Parler d’histoires etc.
Discuter des fêtes,
Forum du comité des fêtes,
Parler des films que vous avez vus etc.

Ensuite, les apprenants se remettent en groupe avec la consigne d’essayer d’expliquer pourquoi les verbes ou substantifs sont quelquefois suivis du mot de et quelquefois du mot des. Leur tâche est d’essayer de trouver des régularités ou des règles qui expliquent ce phénomène. L’enseignant passera dans les groupes pour les aider. En cas de besoin, il peut attirer l’attention des apprenants sur le sens des phrases et le sens des mots qui suivent la structure en question afin de faciliter le processus. Après une quinzaine de minutes, les apprenants mettent en commun les résultats (les règles) qu’ils ont trouvés et donnent également des exemples. Ces règles sont discutées en classe. Il me paraît important que la discussion tourne surtout autour des idées de la généricité et de la spécificité. Ces mots ne sont bien sûr pas indispensables mais l’enseignant doit assurer que les apprenants sont bien conscients du fait que le changement entre de et des entraîne également un changement important du sens de la phrase. Si les apprenants ne trouvent pas par eux-mêmes, il pourra donner plus d’exemples. Ensuite, il pourra également demander aux apprenants de formuler quelques phrases (le mieux bien sûr dans un certain contexte) pour voir s’ils ont bien compris la différence.

La consolidation devra probablement se faire dans le cours suivant. Nous proposons l’activité suivante. Les apprenants forment des pairs. Un apprenant s’imagine son appartement (ou un autre lieu) et explique à son partenaire ce qu’il y a dans son appartment (par exemple : Dans mon appartement, il y a des chaises, une table, des lampes etc.). Le partenaire devra répéter ce qu’il y a dans l’appartement en utilisant l’expression : il/elle m’a parlé de (par exemple il m’a parlé de chaises, d’une table, de lampes etc.). S’il oublie des objets, son partenaire pourra l’aider en utilisant la même structure (je t’ai parlé de lampes etc.). Il est évident qu’il ne s’agit pas d’un exercice communicatif, mais plutôt d’un exercice structural (très répétitif), mais il nous semble important de passer par cette étape. Il semble être difficile pour les Allemands d’intérioriser le déterminant de quand un pluriel le suit. Dans cette activité, il faudra alors faire la différence entre les objets au singulier (accompagné de la préposition de et l’article indéfini au singulier) et les objets au pluriel (accompagné du de de la règle de cacophonie).

Ensuite, l’enseignant peut opter pour un autre exercice structural, comme un texte à trous. Celui-ci peut être effectué en cours, ou à la maison.

112. Dans une vallée, on est entouré ___ montagnes.

113. Dans les villes universitaires, la construction ___ restaurants universitaires est très importante.

114. Il nous a parlé ___ membres de sa famille qu’il a invité à son anniversaire.

Cet exercice permet aux apprenants de faire la différence entre les substantifs génériques et spécifiques et de choisir le déterminant approprié.

Il est bien sûr nécessaire de consolider encore plus la structure en question. Pourtant, il est difficile de trouver des contextes dans lesquels la règle de cacophonie est appliquée fréquemment. Cette introduction aura au moins attiré l’attention des apprenants sur le fait qu’il y a des contextes où on doit utiliser la préposition de bien qu’un substantif au pluriel suive ensuite. La tâche de l’enseignant est de consacrer du temps à cette structure dès qu’elle réapparaît dans des documents (écrits et sonores) et dès que les apprenants l’utilisent dans leurs productions. Ceci vaut bien sûr pour toutes les nouvelles structures, mais spécialement pour celle-ci qui ne se trouve pas dans le manuel et qui ne se trouve par conséquent pas non plus dans le livre de grammaire utilisé.

Notes
24.

Pour voir un aperçu complet du cours, nous renvoyons aux annexes n°7.

25.

Pour lire les textes complets, nous renvoyons aux annexes n°8.