Introduction

« American poets are solitaries who go in company; it is useless if not impossible to go alone » 1 écrit Susan Howe dans un article publié en 1991 consacré à l’œuvre de Robert Creeley. Ancienne collègue et amie du poète, Howe saisit pleinement la dialectique fondant l’œuvre de Creeley entre le personnel et le commun, l’affirmation individuelle et le partage, le désir et la crainte de l’autre, le « I » et la « Company ».

Cette étude suit la même ligne directrice, essayant de parcourir le chemin du poète à l’intérieur du domaine des arts et choisissant la pratique de la collaboration comme son objet d’étude, celle-ci étant l’expression la plus directe du rapport entre l’individualité et le partage. Le choix de Robert Creeley (1926-2005) a résulté du désir d’explorer ce rapport si complexe entre le travail individuel et la création en commun, tout comme de comprendre le fonctionnement des interactions entre le visible et le lisible lorsqu’ils partagent le même espace de l’œuvre d’art. Peu d’artistes américains contemporains ont si bien montré, par leurs œuvres, la complexité de la pratique collaborative, dévoilant son aspect polymorphe et l’impossibilité de la fixer dans une définition exhaustive. Tout au long de sa vie, Robert Creeley n’a jamais cessé de collaborer produisant presque une cinquantaine d’œuvres collaboratives avec des nombreux artistes américains et européens parmi lesquels René Laubiès, Dan Rice, Fielding Dawson, R.B. Kitaj, Marisol, Bobbie Louise Hawkins, Arthur Okamura, Robert Indiana, Cletus Johnson, Jim Dine, Georg Baselitz, John Chamberlain, Donald Sultan, Francesco Clemente, Elsa Dorfman 2 . La pratique collaborative n’occupe donc pas une place secondaire dans son expérience créative mais elle s’impose comme activité nécessaire et complémentaire à la production poétique « pure ».

Au long de cette étude nous essayerons ainsi de répondre à un ensemble de questions : Pourquoi collaborer ? Qu’est ce que c’est qu’une collaboration ? Que signifie collaborer pour Creeley ? Comment le visible et le lisible interagissent-ils dans le livre? Quelle est la relation entre Creeley et son partenaire et comment affecte-t-elle la production de l’œuvre collaborative ? Quelle est la nature de l’échange ayant lieu entre le poète et l’artiste ? Quels sont les bénéfices d’une telle activité ? Afin de répondre à des telles questions nous avons choisi de nous concentrer sur deux mots clefs nécessaires pour la compréhension de l’œuvre collaborative du poète : « eye » et « company ». Par le premier nous voulons souligner le rôle central de la vision dans l’écriture de Creeley, particulièrement lorsqu’elle naît de l’observation d’une image. Le poète préfère en effet travailler à partir du visible plutôt que produire un texte qui ensuite sera utilisé en tant que modèle par l’artiste. Ceci est intéressant pour deux raisons : d’une part, parce que Creeley est un poète ayant perdu un œil 3 et écrivant à partir de l’observation d’images ou de sculptures ; d’autre part car nous pouvons établir des liens entre sa perception spécifique du visible et l’autobiographisme de son écriture. Par le second terme, qui représente le mot fétiche de Creeley, partie intégrante de plusieurs poèmes mais aussi du langage quotidien du poète, nous voulons montrer comment l’activité collaborative de Creeley n’est que le produit de sa quête d’une « compagnie » 4 , quête ayant marqué toute sa carrière d’écrivain.

Dans une première partie, « The Company », nous allons reconstruire le processus de rapprochement de Creeley vers l’art, soulignant son évolution tout comme l’évolution de son rapport avec le visible. Nous allons également insérer l’aventure de Creeley dans le monde artistique à l’intérieur du contexte historique et culturel de l’Amérique des années 1950-1960, mettant en avant la perte de repères généralisée et le désir d’appartenance à une communauté (littéraire, artistique) caractéristiques de toute une génération. Nous étudierons particulièrement l’expérience du poète au Black Mountain College 5 pendant les années 1950 en tant que première étape d’un processus de rapprochement à l’autre.

Poursuivant ensuite l’analyse des débuts collaboratifs de Creeley, nous allons nous interroger sur la nature des désirs qui poussent un artiste et un poète vers la collaboration. Nous essayerons ainsi de classifier les projets collaboratifs du poète mettant en évidence la spécificité de cette pratique. L’étude d’œuvres spécifiques nous conduira à prendre en compte deux traditions à la lumière desquelles il est pertinent d’évaluer la nature de la pratique collaborative chez Creeley : la tradition collaborative (à l’intérieur de laquelle nous retrouvons la tradition du « livre d’artiste ») et celle de l’ekphrasis (la description de l’œuvre d’art). Dans cette première partie enfin, nous analyserons les processus de recodage et de réponse opérés par le poète lorsqu’il crée à partir du visible : on essayera ainsi de développer un modèle des collaborations de Creeley et de mettre en valeur le rôle spécifique du lecteur/spectateur des œuvres d’art collaboratives. On soulignera également l’influence de la pratique de la critique d’art de Creeley sur son écriture inspirée par le visuel.

Dans la deuxième partie, « The Eye », nous nous concentrerons sur le rôle central de la vue dans l’écriture collaborative du poète, en essayant de montrer comment la spécificité de sa vision est traduite dans ses vers. L’étude de sa perception monoculaire nous permettra de mettre en évidence deux aspects : la souffrance inhérente à sa perception du réel, et le plaisir dérivant de l’observation d’images dont le manque de clarté stimule la recherche, de la part de l’œil du poète, des chemins visuels tracés par l’artiste. Dans cette deuxième partie nous nous concentrerons également sur la problématique capitale du rapport entre les deux systèmes sémiotiques engagés dans la collaboration et sur leur relation dans le livre. John Baldessari, dans son tableau provocateur « What is Painting », affirme : « Art is a creation for the eye and can only be hinted at with words ». Il met ainsi en évidence la problématique de la représentation visuelle qui, comme le souligne W.J.T. Mitchell, ne peut pas se représenter elle-même : « Like the masses, the colonized, the powerless and voiceless everywhere, visual representation cannot represent itself ; it must be represented by discourse » 6 .

1. John Baldessari. What is Painting ? 1968. Polymère synthétique sur toile. (172 x 144 cm). The Museum of Modern Art, New York.

Nous allons ainsi tenter de comprendre comment le visible passe dans le lisible en utilisant la notion de rythme qui se révèle essentielle pour l’étude des rapports entre le texte et l’image. D’ailleurs, comme Creeley lui-même le souligne, dans la collaboration il ne s’agit pas de comprendre les images, mais de saisir leur rythme: « It’s not a question of understanding the paintings, but of picking up their vibes – more like playing in a band » 7 . Ainsi, même si ses collaborations avec des musiciens sont beaucoup moins fréquentes, les notions de performance et d’échange direct sont essentielles pour la compréhension de l’ensemble des projets collaboratifs du poète. Il est en effet extrêmement important de considérer le rapport entre les collaborateurs 8 tout comme la chronologie du texte et de l’image :

‘It matters […] who is initiating the action – who starts first. It matters too whether or not it’s an active give and take, having a spontaneous occasion with both people present. Such was the case with Cletus Johnson [sculptor], despite the demand of the materials (his elegant boxes). Most often one begins it, then the other works to that proposal, [you could] call it. I worked to Robert Indiana’s numbers. Jim Dine worked with my Mabel: A Story text. And so on. […] The most particular change is that one is no longer working to one’s own initiative simply. It’s a multiple focus and effect either way 9 .’

Dans la troisième partie, « Le Eye/I dans la Company », nous nous concentrons sur le rapport entre le « I » et l’autre essayant de l’analyser à travers l’étude du concept de lieu commun (the commonplace), central dans l’œuvre de Creeley. Ceci nous permettra d’une part de mettre en évidence la coïncidence de propos entre le poète et ses collaborateurs lorsqu’ils mettent en place des processus de défamiliarisation, d’autre part de souligner la spécificité de l’écriture de Creeley qui souvent est le produit de l’application de techniques formalistes comme la grille et la série.

La perspective dans laquelle s’insère ce travail est interdisciplinaire. L’intérêt de cette étude est principalement d’analyser le rôle de l’art dans l’écriture de Robert Creeley comme de comprendre le fonctionnement de cette activité complexe qu’est la collaboration. En même temps, nous souhaitons explorer le territoire où se nouent les rapports entre les systèmes sémiotiques et, principalement, entre le langage et l’image, territoire qui s’annonce riche en découvertes. Nous nous positionnons ainsi à la frontière entre les disciplines, occupant la zone d’ombre qui s’étend entre le visible et le lisible, conscients de l’instabilité qui la caractérise et du risque que tout discours théorique court lorsqu’il essaye d’explorer les confins entre les arts. L’étude des rapports entre littérature et art figuratifs est bien, comme l’énonce Nicolas Wanlin, une équation à deux inconnues : « Alors qu’une inconnue unique est susceptible de recevoir une définition stable, deux inconnues ne peuvent se définir que l’une par rapport à l’autre. Il ne s’agit donc pas d’élaborer un discours sur un objet mais de régler le rapport entre deux discours portant sur deux objets » 10 . Nous avons choisi d’analyser le rapports entre les deux discours, comme les liens entre les deux objets (littéraire et artistique), à travers une étude directe des œuvres : une attention particulière sera accordée au livre collaboratif, lieu hybride où le texte devient presque visible et l’image, à son tour, lisible.

Cette approche qui se concentre sur les œuvres ne sera pas toutefois la seule adoptée. Comme nous l’avons souligné plus haut, nous allons également nous intéresser aux désirs des collaborateurs nous interrogeant sur la raison pour laquelle Creeley collabore et sur le rôle de l’écriture collaborative dans son processus d’individuation et de socialisation. Une approche formaliste pourrait critiquer des tels propos, en les considérant comme l’expression de ce que W.K. Wimsatt, en collaboration avec Monroe Beardsley, a définit comme « The Intentional Fallacy » dans la critique littéraire, c’est-à-dire la tendance de la part du critique à accorder trop d’importance aux informations personnelles et biographiques de l’auteur, informations que Wimsatt considère comme « extérieures » aux œuvres elles-mêmes 11 . Tout en considérant l’approche formaliste valide et utile pour un certain nombre d’études, il nous semble que dans la perspective d’une étude consacrée à l’écriture collaborative de Robert Creeley, elle ne doive pas être considérée comme l’unique approche utile, vu l’importance que le biographique revêt dans son œuvre. De plus, l’activité collaborative étant avant tout le produit de la rencontre de deux créateurs, il nous semble nécessaire de considérer, outre le rôle joué par l’union de leurs langages, le désir du poète et de l’artiste d’établir un dialogue actif et de partager un espace commun au moment de la création. Ainsi, tout en accordant aux œuvres collaboratives l’importance qu’elles méritent à travers des analyses directes, nous intégrerons dans l’étude formelle des œuvres, la recherche d’une coïncidence, ou d’une éventuelle discordance, des œuvres elles-mêmes par rapport aux revendications de l’artiste. Ce dernier ne cesse de souligner le rôle du « je » dans son écriture collaborative, mettant en avant la façon dont elle contribue à son processus d’individuation. Conscients que l’approche formaliste doit toujours être prise en compte en tant que rappel de l’importance d’une étude directe des œuvres, nous utiliserons ainsi les revendications de l’auteur en tant qu’outils heuristiques : tout en présupposant leur véracité, nous rechercherons ensuite leur écho dans les œuvres, ce qui parfois va dévoiler des coïncidences, parfois va mettre en évidence des divergences, entre les affirmations de l’auteur et sa pratique.

Souhaitant privilégier une approche thématique à une approche chronologique 12 , (convaincus aussi qu’elle est préférable dans la perspective de l’étude des œuvres collaboratives des Creeley), nous avons décidé d’analyser les collaborations selon l’apport que chacune d’entre elles fournit au développement de certaines thématiques parmi lesquelles le scepticisme de Creeley par rapport à la description, sa conception du mot en tant que « chose », le réinvestissement du motif pictural caractéristique de ses poèmes, le questionnement du poète concernant les mécanismes de la vision, l’utilisation de techniques formelles pour atteindre la liberté créative, l’exploration du concept de « lieu commun », ou encore l’exaltation des relations avec les autres. A partir d’un ensemble de 47 projets collaboratifs différents, nous nous sommes concentrés sur ceux qui, à notre avis, illustrent le mieux le travail de Creeley avec l’image et mettent en évidence sa conception spécifique de l’activité collaborative. Vingt-quatre collaborations différentes seront ainsi analysées en détail, même si tous les chapitres se présentent riches en références à la totalité des projets collaboratifs du poète 13 .

Le désir fondant cette recherche a été sans doute de proposer une étude complète d’une partie de la carrière de Robert Creeley jusqu’à présent insuffisamment examinée. Peu d’études ont été consacrées aux collaborations du poète, ce qui fait qu’aujourd’hui nous ne disposons que de quelques essais critiques accompagnants des collaborations spécifiques mais d’aucun ouvrage complet à l’exception du catalogue de l’exposition itinérante organisée aux Etats-Unis en 1999 14 . En même temps, à travers le parcours de l’écrivain nous désirons également mettre en avant la valeur de la pratique collaborative et souligner la nécessité d’une interrogation constante sur les rapports entre les arts et sur la valeur de l’interdisciplinarité, regardée trop souvent avec suspicion à cause de la nature hybride de ses produits. Nous nous positionnons ainsi dans le même champ que les collaborateurs, choisissant l’équilibre précaire produit par la fusion des langages, essayant d’enrichir notre texte de nombreuses images de nature différente (reproductions des tableaux et des dessins, photographies, images des sculptures etc.) et basant notre étude sur plusieurs types de textes qui vont de la poésie à la prose. Comme le souligne bien Creeley, par la fusion des arts « on se propose de vivre dans le monde entier » 15 . C’est à partir de ce besoin que se génère la pratique collaborative du poète et, avec elle, le désir de l’auteur de cette étude de l’explorer.

Notes
1.

Howe. « Robert Creeley and the Politics of the Person ». Poetics Journal 9 1991 : 158.

2.

Creeley n’a pas uniquement collaboré avec des peintres, des photographes et des sculpteurs mais aussi avec des musiciens parmi lesquels Steve Lacy (“Word and Music”, performance, 2004) and Steve Swallow (Have We Told You All You’d Thought to Know?, 1998; The Way Out is Via the Door, 2002). A propos de ces collaborations Creeley raconte: « I worked with a great cluster of musician friends dubbed Trio Courage for the occasion, in Austin, Texas’ One World Theater. Some of the same group had had a great evening earlier at Hallwalls here in Buffalo - and that’s coming out as a CD thankfully: Have We Told You Everything You Thought to Know? The friends for that occasion were the great and abiding bass player, Steve Swallow. Then a younger friend from here [Chicago], drummer Chris Massey, and a friend of his, David CasTi, reeds. And great guitar and technomix genius, David Torn. Steve Swallow had generously set ten poems of mine some years back for another CD, Home, and that was a great delight. Then there was a CD by soprano sax master, Steve Lacy – who loves poets! – Futurities. Finally there were some students of mine who became Mercury Rev, and they did a couple of singles with two tracks of my poems. I’ve been well treated, to put it mildly. But only the first would seem an active collaboration in fact of my being directly involved ». (Creeley. « Verse and Vision ». The Poetry Center of Chicago <www.poetrycenter.org>). Dans cette étude, tout en soulignant le rôle central de la musique dans le développement de l’écriture de Creeley, nous avons toutefois choisi de nous concentrer uniquement sur ses collaborations avec des peintres, photographes et plasticiens, d’une part à cause de leur nombre, largement plus important par rapport à celui des collaborations avec des musiciens, d’autre part car notre sujet d’études étant déjà très vaste (rapports entre l’écriture, poésie et prose, et la peinture, la photographie, la sculpture, le dessin) nous ne voulions pas perdre de vue la spécificité des collaborations de Creeley, ce qui aurait pu être le cas si on avait dû considérer la notion de « performance » et l’échange oral inhérents à la collaboration entre un poète et un musicien. Convaincue que cet aspect de la carrière de Creeley ne soit pas toutefois à ignorer, nous souhaitons le proposer comme une possible piste de recherches futures concernant aussi bien la pratique de la collaboration dans l’œuvre du poète que le rapport entre les différentes formes de « collaboration ».

3.

Voir la deuxième partie de notre texte.

4.

Voir le chapitre A, partie I.

5.

Collège expérimental situé en Caroline du Nord, le Black Mountain College, fondé en 1933, répète l’expérience du Bauhaus de Walter Gropius dans un contexte américain et interdisciplinaire. Toutes les disciplines y trouvent leur place : il n’existe pas de forme artistique principale comme l’était l’architecture dans le Bauhaus, ni de programme précis. Le but principal est d’encourager l’expérimentalisme et l’interdisciplinarité. Parmi les personnalités qui ont marqué l’histoire du collège figurent Josef Albers, Willem de Kooning, Robert Motherwell, Merce Cunningham, Paul Goodman, Robert Rauschenberg, Jonathan Williams, Robert Duncan, Denise Levertov, John Wieners.

6.

Mitchell. « Ekphrasis and the Other ». Picture Theory. 157.

7.

Creeley cité dans « Robert Creeley : Picking Up the Painting’s Vibes ». The Academy of American Poets. <www.poets.org>

8.

Par le terme « collaborateur » nous indiquons un artiste qui joue le rôle de partenaire de Robert Creeley pendant le processus créatif. La collaboration étant une activité qui implique la communauté du travail, le collaborateur n’est pas à voir comme subordonné au poète mais comme un participant actif du processus créatif au même titre que le poète lui-même.

9.

Creeley. Entrevue avec Heidi Broadhead. « Verse and Vision ». The Poetry Center of Chicago. <www.poetrycenter.org>

10.

Wanlin. « Littérature et peinture : de la méthode ». Fabula. <www.fabula.org>

11.

Wimsatt. « The Intentional Fallacy ». The Verbal Icon. 3-18.

12.

La liste complète des collaborations de Creeley est présentée en ordre chronologique dans la bibliographie (section « Collaborations de Robert Creeley »).

13.

Notre étude est complétée par deux annexes, une consacrée aux poèmes de Creeley analysés dans le texte, l’autre aux images de ses œuvres collaboratives qui, tout en ayant été citées dans ce texte, n’ont pas été l’objet d’analyses spécifiques. Le lecteur pourra ainsi avoir une vision plus complète de l’œuvre collaborative de Creeley.

14.

L’ouvrage de référence concernant les collaborations de Creeley est actuellement le catalogue In Company : Robert Creeley’s Collaborations publié sous la direction de Amy Capellazzo et Elisabeth Licata (University of North Carolina Press, 1999). Le catalogue est issu d’une exposition des collaborations de Creeley qui a eu lieu aux Etats-Unis d’avril 1999 à janvier 2001. L’exposition itinérante a été présentée en plusieurs lieux: Castellani Art Museum of Niagara University, New York Public Library, Weatherspoon Art Gallery, University of North Carolina at Greensboro, The University of South Florida Contemporary Art Museum, Green Library Stanford University. Le catalogue représente le produit du premier (et unique) travail consistant consacré à la pratique de la collaboration dans l’œuvre de Robert Creeley : il permet de se familiariser avec ses projets grâce également à la présence d’un CD-ROM où sont recueillies toutes ses collaborations réalisées jusqu’en 1999. Un excellent essai de John Yau (« Active Participant : Robert Creeley and the Visual Arts ») et de nombreuses entrevues avec les artistes, font de In Company un ouvrage fondamental pour le lecteur souhaitant se familiariser avec l’œuvre collaborative de Creeley. Toutefois, du fait de son statut de catalogue, In Company ne présente pas beaucoup d’analyses directes des œuvres et de la pratique collaborative elle-même qu’il faut étudier de plus près.

15.

Creeley. Entrevue avec Richard Jackson. The Poetry Miscellany 1981. Robert Creeley’s Papers, Stanford University, Department of Special Collections, Series 7 Box 1 Folder 22. Lors de cette entrevue, Creeley affirme: « I think of art as a various measure of and response to the world. There isn’t one way only. And back of it all, presumably, is the fact of being human? So I “meld” with the best of them. Otherwise one gets stuck with an “I only work here” sense of things, a very small imagination of place and function. Far better to think of it as Duncan, “I make poetry as other men make war or make love or make states or revolutions: to exercise my faculties at large…” One is proposing to live in the whole world – “Come into the world …”, as Olson says. The “subjects” are divisive, distracting. The arts are not antagonist to one another. Only the manipulators of their ‘product’ have that relation. Art is a primary information, any art – again, as Duncan might say, an in-forming. It’s Pound’s “news that stay news”. Any “news”. So one doesn’t depend on or admit even to categories. They prove a useless distraction ».