2) Robert Creeley comme « exégète idéal »

L’intérêt de Creeley pour l’art est confirmé par son activité critique. C’est d’ailleurs par cette activité qu’il approche pour la première fois les rapports art-littérature car, avant même de collaborer, Creeley avait mis son écriture au service de l’art d’un certain nombre de peintres comme René Laubiès, Franz Kline, Henri Callahan, Willem de Kooning dont il traitait dans ses essais publiés dans la Black Mountain Review. L’activité critique de Creeley en tant qu’écriture « sur » l’art constitue donc à nos yeux un axe de compréhension de son travail collaboratif particulièrement en ce qui concerne la définition du rapport existant entre l’écrivain et le domaine du « visible ».

Étant le produit d’un processus d’articulation à travers lequel le critique essaye de dire, ou mieux, d’exposer par les mots, le travail visuel du peintre, l’activité critique se fonde sur une situation dont le modèle est à rechercher dans la création ekphrastique. Or, comme dans ses collaborations, nous remarquons une ambivalence de Creeley par rapport à cette activité car, tout en voulant « dire » le travail de l’artiste, Creeley semble refuser toute passivité descriptive et toute violence interprétative volontaires. Sa critique ne veut pas nous « faire voir » les images mais elle veut permettre au lecteur/spectateur de prendre conscience de ce qu’est une œuvre d’art et de la façon dont elle agit sur lui. Creeley insiste ainsi sur deux motifs principaux : d’une part il souligne la matérialité de l’œuvre, mettant en valeur son statut d’objet indépendant ; d’autre part, il s’intéresse à la façon dont on la regarde, se focalisant sur l’activité perceptive de l’observateur. L’action de l’objet en tant que producteur d’une réponse, tout comme celle du sujet en tant qu’observateur, fondent donc ses préoccupations esthétiques, ce qui montre comment l’herméneutique de l’image occupe un rôle secondaire dans la critique de Creeley par rapport à la compréhension du fonctionnement de l’activité esthétique elle-même.

Déjà dans Divers Sentiments et René Laubiès : an Introduction, deux essais critiques consacrés au travail de l’artiste qui, quelques années plus tard, deviendra son premier collaborateur, Creeley exprime son refus de l’interprétation, dévoilant sa tendance à mettre en évidence l’importance de l’image en tant que telle, objet qui par sa seule présence physique s’offre aux yeux du spectateur. « I am tired, as I suppose many others are, of reading of deep, deep symbolism and mutterings of a soul, and so on », écrit-il. « These are all, at last, much too far from that very thing we might otherwise notice – the work itself » 447 . Comme il l’explique ensuite, une image est, avant tout, à considérer pour ce qu’elle est effectivement, c’est-à-dire le produit de l’installation de couleurs sur la toile: « A picture is first a picture, the application of paint or ink or whatever to a given surface – which act shall effect a thing in itself significant, an autonomy » 448 . Le tableau est donc un objet doué d’une certaine autonomie, susceptible de produire une certaine réponse chez l’observateur. Creeley réaffirme la même idée à propos de l’art de Franz Kline essayant de combattre, dans ce cas, tout scepticisme à propos de l’art abstrait. « At least no man can point at a painting and say it’s nothing, he’ll be lucky if it doesn’t come down off the wall and club him to death for such an impertinence » 449 , affirme-t-il. La seule présence de l’objet d’art suffit alors selon Creeley à lui donner un statut d’objet digne de considération : « If it’s there,/ it’s something » 450 , affirme-t-il dans le premier vers d’un poème écrit pour une collaboration.

Par ce désir de mettre en avant la matérialité de l’œuvre d’art, Creeley semblerait anticiper la réaction d’une certaine partie de la critique d’art américaine contre l’interprétation pendant les années soixante 451 . Dans son célèbre essai « Against Interpretation » (1963), Susan Sontag écrit :

‘Transparence is the highest, most liberating value in art – and criticism – today. Tansparence means experiencing the luminousness of the thing in itself, of things being what they are. […]
The aim of all commentary on art now should be to make works of art – and, by analogy, our own experience – more, rather than less, real to us. The function of criticism should be to show how it is what it is, even that it is what it is, rather than to show what it means. In the place of a hermeneutics we need an erotics of art 452 .’

Au niveau artistique, ce désir de se concentrer sur le tableau en tant qu’objet indépendant est témoigné par le travail de Frank Stella, un peintre que, comme nous l’avons vu, était très admiré par Creeley. A propos de sa peinture Stella affirme : « ma peinture se fonde sur le fait qu’il n’y a rien d’autre [sur la toile] que ce qu’on peut y voir. Elle est réellement un objet » 453 . La critique de Creeley témoigne ainsi d’une même attitude face à l’objet d’art même si elle n’atteint pas le pôle extrême représenté par la description comme dans le cas de Susan Sontag. Celle-ci suggère de remplacer l’interprétation de l’œuvre par sa description minutieuse, démarche que Creeley, nous le savons, ne peut pas suivre vu sa position critique par rapport à l’illustration 454 . Dans sa critique l’objet, tout en occupant une place centrale, n’efface donc pas le rôle du sujet qui regarde tout comme n’empêche pas le critique de considérer le rôle de l’artiste qui l’a produit.

L’insistance sur la choséité de l’œuvre d’art se développe ainsi, dans la critique littéraire de Creeley, parallèlement à un souci d’affirmer le rôle actif du sujet en tant qu’observateur. Le poète veut surtout définir la position du spectateur face à l’image, soulignant comment en tant que critique il embrasse la thèse que toute considération théorique à propos de ce que l’on voit suit (et non pas précède) l’acte de regarder lui-même : « A man doesn’t have to develop theories to look at anything, all he has to do is open his eyes and look » 455 , affirme-t-il. Insistant sur l’importance du « regard », Creeley dévoile ainsi le fonctionnement du rapport observation-création : celui-ci se fonde sur l’oubli, car tout processus de réinvestissement d’une image de la part du sujet à lieu à distance, c’est-à-dire lorsque l’objet a été partiellement oublié. Le spectateur pourra ainsi essayer de le « reconstruire » grâce au travail combiné de sa mémoire rétinienne, qui a saisi les lignes de force de l’image, et de sa mémoire mentale qui a de son côté enregistré l’émotion éprouvée face à l’objet d’art. « Much that we see, we forget » 456 , déclare Creeley. L’écrivain ainsi, se questionnant à propos d’une image qu’il a partiellement oubliée, ou qu’il cherche à oublier pour pouvoir la réinvestir d’une façon critique, produit un discours qui trouve sa raison d’être dans la démarche interrogative qui le fonde.

La critique de Robert Creeley donc ne se contente pas uniquement de porter les traces du questionnement qui la produit, elle veut les exposer de façon à mettre l’accent sur le processus critique plutôt que sur ses résultats. Par l’enregistrement volontaire de ses interrogations, de ses autocorrections et de ses doutes, Creeley fait ainsi du questionnement sur l’œuvre d’art de la part de l’observateur le sujet même de sa critique d’art. Il exalte alors le processus de rencontre entre l’objet et le spectateur montrant comment ils s’affectent réciproquement. « Is this thing on the page opposite looking at you too? », écrit-il à propos de l’art de Kline. En s’adressant à nouveau au spectateur à propos de cet échange vectoriel ayant lieu entre l’objet et l’observateur, il confirme ainsi la fonction essentiellement stimulatrice de sa critique littéraire qui, comme la pratique collaborative, est orientée vers le récepteur. En bon pédagogue, Creeley veut, encore une fois, pousser vers le questionnement plutôt que fournir des réponses qui d’ailleurs, à ses yeux, ne seraient que provisoires et personnelles.

Sa critique diffère ainsi du modèle du New Criticism 457 contre lequel il se battait pendant sa jeunesse : l’analyse formelle de l’œuvre (suggérée aussi par Sontag) est ainsi remplacée par l’exposition de son propre questionnement, par lequel Creeley souhaite encourager celui du lecteur. Il lui montre ainsi l’inévitable présence du doute, l’angoisse de la perte de repères, la frustration de la remise en question inhérente à toute confrontation esthétique.

‘So what is form, if it comes to that. That question I once tried to answer in relation (as they say) to the theater. I was convinced that a man, formally, is no more and certainly no less than a chair. Fool that I was, I took two chairs, placed them either side of me, and sat down on the floor. The answer was, from these friends: Who would go to the theater to see a man be a chair? 458

En exposant les égarements de sa pensée, Creeley fait alors une critique qui mine ses propres bases et affaiblit son autorité. Il est en effet convaincu qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un statut pour regarder et apprécier une œuvre d’art, mais que la seule condition nécessaire à la perception du message silencieux qu’elle transmet est représentée par la possibilité de la voir. Il n’utilise alors aucune astuce formelle pour distancier son lecteur, lui adressant la parole en tant que spectateur, tout comme lui, d’un même « spectacle ». D’ailleurs, lorsque il affirme dans un de ses essais critiques, « qu’aucune question ne possède une réponse » 459 , il nie ce même pouvoir explicatif/interprétatif qui est généralement reconnu à toute œuvre critique et qui constitue sa véritable raison d’être en tant que discipline. Toute critique est supposée fournir des réponses : Creeley fournit au contraire à son lecteur de nouvelles interrogations auxquelles se confronter.

Sa critique, face au formalisme du New Criticism, est « in-formelle », ce qui s’exprime par un style caractérisé par un ton familier et direct, enrichi par des exemples tirés de la vie quotidienne. Pour illustrer le rôle de l’obscurité et des contrastes ombre-lumière, dans l’art de Franz Kline par exemple, l’écrivain ouvre son essai critique par une métaphore plutôt inhabituelle:

‘There are women who will undress only in the dark, and men who will only surprise them there. One imagines such a context uneasily, having no wish either to be rude or presumptuous. Darkness, in effect, is the ground for light, which seems an old and also sturdy principle. […] There are some men for whom it seems never to get dark. As, for example, for Klee it never quite seems to be sun, etc. 460

Il est évident qu’il y a, de la part de Creeley, une volonté non seulement de rentrer en contact direct avec les lecteurs par un style familier, mais aussi de provoquer un certain nombre de critiques par l’affirmation d’un nouveau genre de critique d’art en opposition avec les modèles dominants. Il ne faut pas oublier que les essais de Creeley, surtout au début de sa carrière, étaient publiés dans la Black Mountain Review (dont il était d’ailleurs le directeur) qui, étant le journal porte parole du collège éponyme, tentait d’en représenter l’esprit expérimental et non programmatique 461 . D’autre part, son manque d’expérience par rapport à l’activité critique le poussait à utiliser un type de langage dans lequel il se sentait à l’aise, langage bien différent de celui de la tradition critique.

‘I [couldn’t] use the vocabulary of the usual art critic. But I could, in Olson’s sense, give testament, bear witness to this. My notes where of that order. I thought, I’m not arguing my experience as something as an ego proposal. But all I want to do is to say this has been seen in the world and this is my experience of it. Not as argument, but as invitation to come 462 .’

Ce qui nous intéresse en premier lieu dans ces textes critiques, c’est exactement cet intérêt de Creeley pour la dynamique de la perception : n’analysant pas en détail l’objet, mais se concentrant sur l’effet qu’il produit chez lui et sur les stimuli visuels qu’il engendre, l’écrivain enregistre les produits de la rencontre de son œil avec l’image, remarquant le décalage entre la perception et l’expression et le proposant à son lecteur. Ainsi, après avoir insisté sur l’immanence des photographies d’Henri Callahan, qui à ses yeux ne constituent pas des « indicateurs », des « réminiscences », ou des « expériences », mais qui représentent de véritables « faits », il expose la faiblesse de ses moyens d’écrivain face à la puissance du visible : « There is no quicker eye to see, nor mind, equally, to seize upon the instant, of chance. All of which (words) here go flaccid against the dry, clear “eye” of it all » 463 .

Creeley n’hésite pas à montrer sa vulnérabilité ou ses faiblesses littéraires et physiques. Ainsi, tout en parlant d’art il nous informe indirectement de ses propres préoccupations face à toute image : les adjectifs utilisés pour qualifier l’œil de Callahan (« dry », « clear ») sont révélateurs de la fragilité visuelle de Creeley dont l’œil manquant, secrétant en permanence des larmes, évoque plutôt des acceptions d’humidité et d’opacité 464 . L’exégèse de Creeley acquiert ainsi, parfois, les traits d’une « eiségèse » : tout en restant explicatif, son discours critique semble être le produit d’une lecture volontairement subjective de l’œuvre d’art.

Ce contraste marque le paradoxe inhérent à l’activité de l’écrivain : lorsqu’il agit en tant que critique, et donc lorsque l’on attend de lui des interprétations concernant l’œuvre d’art, il nous apprend beaucoup sur lui-même ; en revanche, lorsqu’il collabore, c’est-à-dire lorsque, d’une façon volontaire, il se tourne vers lui-même en lisant l’œuvre d’art à partir de son point de vue personnel et en refusant toute interprétation, il nous dévoile son fonctionnement secret. Ainsi, peut-être inconsciemment et sûrement involontairement, dans ses collaborations Creeley incarne le rôle d’un « exégète idéal » : celui qui arriverait à produire l’interprétation ultime de l’œuvre de l’artiste tout en s’expliquant à soi-même des choses. On assiste alors à une inversion originale des rôles : ses collaborateurs plus que les artistes à propos desquels il écrit dans ses essais critiques, communiquent leur stupeur face à la capacité du poète à pénétrer leurs œuvres. Susan Rothenberg et Elsa Dorfman, mais aussi Francesco Clemente, en sont des exemples. Après avoir lu le poème écrit par Creeley suite à l’observation de ses images, Susan Rothenberg affirme avoir été positivement surprise par sa réponse à son travail. « Comment savais tu ? » est la question clef caractérisant toute réaction de ces artistes confrontés pour la première fois à l’écriture de Creeley dérivant de leurs images 465 .

Ainsi, par son activité littéraire, Creeley nous dévoile un des pouvoirs de l’activité collaborative : celui de permettre à l’artiste, comme au poète, la réappropriation de ses propres signes. Par le processus de recodage à travers lequel Creeley traduit partiellement l’œuvre visuelle en œuvre verbale, il opère une défamiliarisation par laquelle l’œuvre d’art, même aux yeux de son propre créateur, apparaît comme « nouvelle ». L’artiste arrive ainsi à revoir et donc à « lire » ses signes, couverts pendant un certain temps par plusieurs couches d’émotions, ou devenus paradoxalement indéchiffrables à cause de leur « évidence ». La collaboration se réaffirme ainsi comme une activité soulignant la nécessaire présence de l’« autre » (autre œil, autre voix) pour l’affirmation du « je ». Ce qui est vrai pour ses collaborateurs est d’ailleurs d’autant plus évident pour le poète qui, en parlant de l’« autre », se parle à lui-même en se découvrant. Le « faire ensemble » de l’acte collaboratif permet cet échange : « le peintre précise le poète et réciproquement » 466 .

‘Chacun, éclairant l’autre, se rend plus clair à soi-même. Une certaine conception de la critique d’art (l’essai poétique sur l’art) est donc le pendant du livre de dialogue. Chacun visite son voisin, son frère, lui apportant son attention, pressé de lui offrir sa lumière 467 .’

Ainsi, par l’activité critique, Creeley ne fait qu’accomplir son désir de partage et d’union fondant sa pratique collaborative, ce qui explique l’échange de rôles original évoqué plus haut et l’équivalence des deux activités chez lui. Écrivant « sur » les autres ou « avec » les autres ils nous dévoile, et il se dévoile, ainsi des vérités sur lui-même, sur son ambivalence par rapport aux images, et par rapport aux autres. Discutant la valeur des photographies de Callahan et affirmant le pouvoir actif de sa vue, il laisse notamment échapper, entre les lignes de son essai, un cri révélateur de ses conflits intérieurs : « I hate it all – pictures ! », écrit-il. « What can I do with them, except ache to be there –? Or to get away as fast as possible, turning the page » 468 . Nous découvrons dans ces mots, et Creeley avec nous, les traces d’une souffrance inhérente non seulement à l’activité collaborative ou critique, mais à la perception visuelle elle-même. Dans l’acte de regarder l’autre, en tant qu’objet ou en tant que sujet, souffrance et jouissance, douleur et plaisir alternent chez le poète. Constamment confronté à cette dualité, Creeley se questionne nécessairement sur sa vision, il examine à plusieurs reprises les étapes de sa perception essayant ainsi de les comprendre. « I think he sees so much because he has one eye. And he thinks about seeing because of that one eye. And the missing eye » 469 , affirme Elsa Dorfman. Partageant le sentiment de la photographe, nous pouvons ainsi définir l’activité critique et collaborative de Creeley comme deux pratiques distinctes et pourtant complémentaires à travers lesquelles le poète se questionne à propos de la manière dont il voit l’« autre ».

Notes
447.

Creeley. « Divers Sentiments » (1953 ou 1954). A Quick Graph, 337.

448.

Creeley. « René Laubiès : An Introduction » (1954). Ibid. 339.

449.

Creeley. « A Note on Franz Kline » (1954). Ibid. 342.

450.

Creeley. « Lemons (Pear Appears) ». Visual Poetics. A ce propos voir le chapitre A 2.2, partie II.

451.

Les essais critiques de Creeley auxquels nous nous référons ont été publiés en 1954. La réaction de la critique contre l’interprétation date au contraire du début des années soixante, même si des signes d’insatisfaction étaient déjà présents pendant les années cinquante comme la position de Creeley en témoigne.

452.

Sontag. Against Interpretation and Other Essays. 14.

453.

Stella. Cité par Sandler. Le triomphe de l’art américain. 70.

454.

A propos de la description Sontag écrit : « The best criticism, and it is uncommon, is of this sort that dissolves considerations of content in those of form. […] Equally valuable would be acts of criticism which would supply a really accurate, sharp, loving description of the appearance of a work of art ». (« Against Interpretation »).

455.

Creeley. « René Laubiès : An Introduction ».

456.

Creeley. « Divers Sentiments ».

457.

L’école de critique formaliste développée dans les années 1940-1960 et connue comme New Criticism considérait l’œuvre d’art comme un objet complet, cohérent et indépendant de la vie ou l’histoire personnelle de son auteur. On se concentrait sur l’analyse formelle des textes mettant en valeur les qualités techniques de l’œuvre d’art et on opérait une distinction entre culture « élevée » et populaire. Parmi ses représentants on compte John Crowe Ransom, Allen Tate, Robert Penn Warren et Cleanth Brooks.

458.

Creeley. « A Note on Franz Kline ». A Quick Graph. 342.

459.

Idem

460.

Ibid. 341.

461.

Avec le temps le ton polémique des premiers essais critiques se réduit à mesure aussi que Creeley acquiert de l’expérience dans l’activité collaborative. Celle-ci, comme le souligne Robert Miltner (« Collaboration as Conversation »), permet d’enrichir son propre vocabulaire et de définir le processus créatif avec beaucoup plus de précision et d’objectivité. Un exemple de ce changement est fourni par l’essai écrit à propos de l’art du sculpteur et peintre John Chamberlain en 1964 (Recent American Sculpture. New York: The Jewish Museum, 1964). Dans cet essai, tout en affirmant son style direct, Creeley semble vouloir également informer son lecteur à propos de l’art de son collaborateur et s’intéresser plus à l’herméneutique de l’image qu’il semblait refuser au début de sa carrière. Le style, tout comme le contenu, acquièrent alors une forme en partie classique par rapport aux premières œuvres critiques du poète. (Creeley. The Collected Essays).

462.

Creeley. Entrevue avec Lewis MacAdams. Tales Out of School. 88.

463.

Creeley. « Harry Callahan : A Note » (1957). A Quick Graph. 344.

464.

Nous nous intéresserons à cet aspect capital de la perception de l’artiste dans la deuxième partie de notre texte.

465.

Creeley raconte avoir été appelé par Susan Rothenberg quelques jours après l’envoi de son poème « Possibilities ». L’artiste, (dont le premier commentaire à propos du poème de Creeley avait été « How did you know ? »), avait été frappée par sa réponse aux images. Il faut souligner que Creeley et Rothenberg, à l’époque de leur deuxième collaboration, ne se connaissaient pas aussi bien que Creeley et Elsa Dorfman ou Francesco Clemente, ce qui accentue la valeur du poème réalisé pour l’artiste. (Creeley, conversation avec l’auteur, Université Brown, 23 octobre 2004).

466.

Peyré. 69.

467.

Idem

468.

Creeley. « Harry Callahan: A Note ».

469.

Dorfman. Entrevue avec l’auteur, 22 octobre 2004.