Une démarche empirique qualitative et quantitative

Face aux enjeux soulevés par l’objet d’étude, norte réflexion s’appuie sur des données empiriques collectées dans des communautés ou villages indiens situés dans des zones montagneuses retirées au Sud-ouest du Mexique, dans l’État d’Oaxaca. Le travail de terrain s’est réalisé dans deux régions principales aux caractéristiques socio-économiques distinctes :

  • La Sierra Sur, région montagneuse caractérisée par une proportion relativement faible de la population vivant et travaillant dans d’autres États du pays ou aux États-Unis;
  • La Mixteca, région montagneuse caractérisée par une proportion élevée de la population vivant et travaillant dans d’autres États du pays ou aux États-Unis. Ce niveau élevé de migration constitue l’une des particularités de la région puisqu’il est à l’origine de flux importants de liquidité entre les membres du ménage ayant émigré et ceux qui sont restés vivre dans le village d’origine.

Le choix du contexte d’étude a été motivé par deux caractéristiques principales :

  • Le qualificatif “indien” n’a rien d’instrumental ou d’exotique, il renvoie à l’appartenance à un groupe linguistique mais aussi et surtout à un modèle d’organisation sociale, une cohésion interne. Cependant, loin d’être totalement étanche ou “fermée” comme certains chercheurs l’ont longtemps considéré, l’organisation sociale de la communauté est le fruit d’une appropriation, une adaptation parfois même d’une résistence par ses habitants aux dynamiques et influences externes.
  • La faiblesse de l’offre en services financiers procurés par des dispositifs de microfinance et l’absence totale ou quasi-totale d’institutions bancaires en fait un contexte d’analyse stimulant.

Par ailleurs, le dispositif de microfinance que nous avons étudié plus spécifiquement incarne véritablement le volotarisme de dépasser les contraintes physiques (éloignement, difficultés d’accès), sociales (langue, confiance) et économiques (absence de garanties matérielles) à l’emprunt afin de leur permettre d’accéder à un service de crédit et d’épargne de proximité.

La méthodologie d’enquêtes et de traitement des données de terrain a tenté modestement de coupler deux approches correspondant à deux postures méthodologiques et épistémologiques distinctes : l’une dite qualitative et l’autre quantitative. La première basée sur la compréhension de ce qui se joue au travers des pratiques des acteurs devait nous permettre d’accéder à la fois aux logiques sous-jacentes aux processus de décision individuels et à la part d’universel que contient chaque processus individuel pris isolément. Il s’agissait ainsi, au fil de la recherche d’opérer un retour incessant sur les présupposés initialement formulés afin de les affiner, les valider ou dans le cas extrême, les rejeter. Basée sur ungrand nombre d’observations, cette méthode doit faire émerger une idée plus assurée des mécanismes à l’œuvre. La seconde approche aborde l’épreuve des faits du point de vue de l’agrégation statistique et de la mise en relation économétrique. Elle vise la confrontation des mécanismes à l’oeuvre à l’observation du résultat des décisions individuelles. Soulignons que la pertinence de la collecte et de l’analyse quantitatives des données dépend fortement de la réalisation préalable d’un travail qualitatif de collecte d’information.

Au total, la recherche s’appuie sur de nombreux entretiens approfondis menés essentiellement auprès des bénéficiaires du dispositif de microfinance, sur des observations réalisées au cours de nombreux séjours prolongés dans les villages et enfin sur une base de données compilant les informations obtenues par enquête auprès de 319 ménages. Par ailleurs, nous avons eu accès à la base de données de l’IMF récapitulant l’historique des prêts obtenus par 488 emprunteurs constitués en groupes solidaires dans les villages étudiés localisés dans la Sierra Sur.

Utilisées conjointement, ces deux méthodes de collecte et d’analyse des informations de terrain devaient nous permettre de mettre en évidence les dimensions collectives et individuelles de l’appropriation d’un dispositif de microfinance au travers des modalités d’accès, d’utilisation des services de crédit et au travers des interactions qui s’établissent entre ce dispositif et les pratiques de dette/créance lui préexistant.