4. Modalités collectives d’ajustement de l’offre de l’IMF à la demande des emprunteurs

Après avoir démontré que l’accessibilité de l’offre en services de crédit procurée par l’IMF dépendait largement de déterminations sociales, cette quatrième partie se penche sur les mécanismes d’ajustement de l’offre et la demande. La théorie économique considère que face à un niveau élevé de rationnement du crédit l’offre rencontrera systématiquement une demande au moins équivalente. Ainsi, en théorie, l’emprunteur préfèrera systématiquement emprunter le montant maximal qui lui est proposé par le dispositif de microfinance. Nos données empiriques invalident la portée explicative de ce modèle dans un contexte de situation quasi-monopolistique du dispositif de microfinance. Dans un premier temps, nous mettons en évidence que l’évolution relativement homogène de l’offre rencontre, au cours des renouvellements successifs du crédit, une demande différenciée à la fois par rapport aux règles pré-établies d’augmentation progressive des montants octroyés et entre membres d’un même groupe solidaire (chapitre 9). Le dernier chapitre s’intéresse aux stratégies collectives et individuelles adoptées par les emprunteurs pour faire en sorte que leurs besoins en liquidité différenciés concordent avec l’offre relativement indifférenciée de l’IMF. Nous proposons de d’inscrire cette réflexion dans le cadre analytique du couple défection et prise de parole élaboré par Albert Hirschman. La conclusion qui se dégage de l’analyse de nos données de terrain est qu’en situation monopolistique la stratégie des emprunteurs pour rendre l’offre de l’IMF adéquate à leurs besoins évalués collectivement se porte sur une voie intermédiaire au travers d’arrangements collectifs tacites qui ne relèvent ni de la défection ni de la prise de parole. Cette stratégie est génératrice d’une forme nouvelle d’asymétrie d’information pour l’IMF.

Par-delà l’augmentation progressive des montants prêtés, le renouvellement du crédit au cours des cycles de crédit successifs, organise en quelque sorte la reproduction d’un droit d’accès à la liquidité. Dans ce cadre, nos résultats nous enseignent que les stratégies adoptées par les emprunteurs visent au fond à faire-valoir et préserver le droit d’accès à la liquidité que pourvoit l’IMF au travers de ses services de crédit (chapitre 10).