Conclusion du chapitre

Les éléments introduits dans ce chapitre nous fournissent un cadre d’analyse de la dette, du crédit et plus généralement des pratiques financières et monétaires, qui tienne compte de leur diversité historique et coutumière ou « anthropologique » tout en insistant sur les récurrences observées dans le contexte d’étude. Loin du tout Marché ou du tout État, cette diversité peut être saisie et analysée au travers du concept d’institution qui nous autorise à dépasser cette opposition État/Marché.

Récapitulons brièvement ici les principaux éléments de notre cadre analytique. Au travers de l’approche institutionnelle telle que proposée par l’institutionnalisme américain, le cadre analytique proposé met l’accent sur :

  1. Le rôle des éléments traditionnels et coutumiers sur ce que l’on apparente à l’activité économique.
  2. Le rôle des influences collectives et sociales sur les comportements individuels.

Ainsi, face à une approche de l’échange reposant sur des comportements de maximisation d’utilités individuelles, indépendantes du contexte et de l’environnement dans lesquels elles s’inscrivent, l’optique proposée ici affirme que l’analyse de l’action économique est « inséparable des institutions et que le libre jeu des intérêts individuels n’existe pas en dehors d’un cadre social et institutionnel qui façonne la physionomie de ce ‘libre jeu’ » [Blanc, 1998 : 292].

Aussi, l’échange matérialisé par le lien financier est conçu comme d’emblée social, défini par un ensemble de règles qui en font une institution. Nous proposons d’inscrire l’analyse de l’insertion d’un dispositif de microfinance dans les pratiques monétaires et financières des individus dans ce cadre théorique.

Un pas supplémentaire reste cependant à franchir. En effet, nous avons souligné que l’institution constitue le point d’orgue de l’articulation entre logiques individuelle et collective. Dans cette optique, l’approche institutionnelle nous incite à revenir sur l’approche du comportement humain.

Le premier impératif consiste à dépasser l’individualisme méthodologique qui érige la maximisation de l’utilité individuelle en règle de comportement. Néanmoins, nous avons également souligné qu’au sein de cet ensemble de règles qui constitue l’institution, les individus contribuent, au travers de leurs actions, à faire évoluer l’institution. La subordination de l’individu à la totalité sociale n’est donc pas davantage appropriée. Il s’agira donc dans les développements qui suivent (chapitre 2), de dépasser l’opposition entre individualisme et holisme méthodologiques pour envisager les individus comme des acteurs en interaction les uns avec les autres.