§2. Le holisme méthodologique : une action individuelle contrainte par les normes sociales et les règles de conduite

Pour les tenants de cette approche, la société représente davantage qu’une simple collection d’individus prenant leurs décisions de manière rationnelle et autonome entre différentes alternatives dont ils peuvent évaluer les coûts et les bénéfices eu égard à leur utilité personnelle et sans se soucier des répercussions de ces choix sur les autres. L’optique holiste insiste quant à elle, sur le fait que les comportements individuels (notamment au travers de leurs décisions, choix) sont déterminés par la société saisie au travers des normes sociales, règles de conduite partagées par l’ensemble de ses membres [de la société]. Dans ce cadre, la notion même d’action ne pourra être préservée qu’au travers d’un processus d’intériorisation de ces normes, règles de comportement [Favereau, 2004].

Le dualisme méthodologique entre primauté du choix individuel et primauté de l’action sociale peut être synthétisé par le tableau 3 emprunté à Agassi [1960] et repris dans Defalvard [1992] :

Tableau 2. L’opposition Holisme et individualisme méthodologiques
Tableau 2. L’opposition Holisme et individualisme méthodologiques

Source : Agassi [1960] et Defalvard [1992].

Ces deux conceptions ont été désignées par Mark Granovetter comme étant sur-socialisée pour la première (le holisme) valorisant exclusivement la totalité sociale à laquelle l’individu se trouve subordonné et, sous-socialisée, pour la seconde (l’individualisme), dans la mesure où elle néglige la société et subordonne la totalité sociale à l’agrégation des comportements individuels [Dumont, 1983]. Pour Granovetter, malgré leur caractère à priori radicalement opposé ces deux conceptions se rejoignent sur un point fondamental qu’il récuse. Elles partagent en effet une conception de l’action comme effectuée par des acteurs atomisés.

De nombreux auteurs se sont attachés à dépasser le constat de la coexistence de ces deux approches antagonistes et ont tenté non pas de réduire l’approche adverse mais de l’intégrer dans leur propre cadre analytique de façon plus ou moins adroite. Notre ambition n’est pas ici de rendre compte de ces tentatives de manière exhaustive. Nous nous limiterons dans ce qui suit à l’évocation des plus pertinentes pour notre cheminement vers une prise en compte du rôle des influences collectives et de l’interdépendance sociale sur les comportements individuels sans nier aux individus la capacité de choix personnels, c’est-à-dire en conservant un rôle central aux acteurs.