Chapitre 3. Méthode de collecte et d’analyse des données :

« toute science serait superflue si l’apparence et l’essence des choses se confondaient » [Marx, 1976 III :739].

Introduction

Les données empiriques, provenant d’enquêtes de terrain réalisées dans le contexte mexicain, constituent le matériau de base de ce travail de recherche. Or, tout processus de recherche empirique pose d’emblée trois grands types de problèmes. Le premier concerne la posture méthodologique adoptée pour situer les données empiriques et attribuer un statut aux hypothèses de recherche. Le rejet d’une coupure totale entre la sphère économique et la réalité sociale nous a conduit à une position épistémologique en rupture avec l’individualisme méthodologique. Or, la science économique moderne adjoint au postulat de l’individualisme méthodologique, une approche formaliste visant à dissocier faits et valeurs 58 laquelle s’appuie sur une méthode dite hypothético-déductive privilégiant les hypothèses et reléguant l’observation empirique à un rôle de validation de ces dernières.

Positivisme, approche hypothético-déductive et individualisme méthodologique constituent donc les trois piliers d’une science économique qui ne serait ni politique (dégagée de tout jugement de valeur) ni sociale. La méthode tente d’articuler observations et hypothèses de manière itérative et non totalement définitive (Section 1). Elle n’est donc ni inductive, ni déductive. Par ailleurs, contrairement au positivisme, notre approche va plus loin que l’apparence des choses observées pour tenter de faire ressortir leur contenu profond et ce dans l’optique de relier chaque expérience singulière aux vues générales de la réalité qui sont incorporées en eux. Nous nous inscrivons donc davantage dans la démarche défendue par Max Weber du Verstehen mais plus proche de l’approche fondée sur les idéaux-types proposée par Peter Winch [1958].

Le second problème touche à la méthode de collecte des données de terrain. Notre méthode découle de notre posture quant aux relations qu’entretiennent observation et hypothèses. Les outils de collecte d’information mobilisés visaient à répondre à deux exigences : appréhender la dynamique des décisions des acteurs, en privilégiant l’articulation entre modes d’action individuelle et contraintes collectives, poids des normes sociales, pour interroger les processus de décision en dehors du cadre fourni par l’approche standard et faire émerger, entre autres, certaines pratiques échappant à la conscience même des acteurs et identifier des récurrences. Dans cette optique nous avons couplé des outils qualitatifs et quantitatifs de collecte de données (section 2).

Enfin, le troisième problème s’intéresse à la méthode adoptée pour analyser ces données (Section3).

Notes
58.

Dans cette optique, la science économique ne serait qu’une science descriptive de lois générales « is » et non une science normative visant à formuler des recommandations d’ordre politique « ought » [Blaug, 1980 : 129 et sq.].