§2. Allier rationalité cachée et confrontation statistique

Les différentes postures méthodologiques s’opposent donc sur les hypothèses qui fondent leur démarche théorique et le statut de celles-ci. Elles s’opposent par ailleurs sur le plan empirique : les anthropologues, sociologues ou économistes dits hétérodoxes appuient leur démarche sur la compréhension de ce qui se joue au travers des pratiques des acteurs alors que les économistes orthodoxes visent à décrire le résultat de la décision des individus laquelle est mue par un arbitrage entre fins et moyens.

Si l’on caricature quelque peu, il existe au sein des deux communautés d’économistes de vraies réticences à ne pas considérer l’intérêt de chaque posture et de n’en retenir que les limites. Cette méfiance nous semble partiellement résulter d’une méconnaissance réciproque des techniques utilisées. Si l’empirisme « hétérodoxe » exclue d’emblée l’utilisation d’outils quantitatifs, pour les économistes orthodoxes, la méthode qualitative est source de suspicion et de méfiance quant à la « scientificité » de la méthode de collecte de données. Le recours à la compréhension des mécanismes sous-jacents à la décision (analyse qualitative) n’intervient dans le meilleur des cas qu’à la fin de l’analyse, de façon résiduelle, c’est-à-dire si les résultats des estimations économétriques ne correspondent pas aux hypothèses du modèle théorique sous-tendu. Notre position sur ce dernier point est que l’une des limites centrales des analyses empiriques orthodoxes est de ne jamais questionner la qualité des informations collectées. Or, celle-ci est cruciale et s’avère particulièrement complexe lorsque l’on aborde les pratiques monétaires et financières des acteurs. Notre démarche est sous-tendue par l’abandon de l'hypothèse des préférences révélées. Dans ce cadre, intégrer la compréhension de logique sous-jacente, la rationalité cachée des acteurs à la collecte des informations ne nous semble pas accessoire mais au contraire fondamental.