Conclusion du chapitre

La science économique contemporaine a érigé l’abstraction formaliste fondée sur le raisonnement hypothético-déductif comme étant la seule démarche scientifique rigoureuse et valide pour l’étude des phénomènes économiques. Cependant, si l’analyse micro-économique est de nature compréhensive elle se limite bien souvent à l’aspect standard du comportement humain sans l’enrichir de la part de relativité fournie par la compréhension des altérités ou des normes sociales [Mahieu, page personnelle sur internet]. La théorie des jeux constitue dans ce sens une démarche importante permettant de soulever les limites inhérentes à la recherche d’un comportement humain standard. À notre sens, au-delà des outils mobilisés, la limite principale de la microéconomie provient donc du fait que celle-ci se cantonne à l’analyse du résultat de la décision en ne remettant jamais en cause ses hypothèses et préjugés quant à ce qui guide ce comportement. Elle ne s’interroge pas sur le processus de décision en lui-même mais sur son résultat.

L’intention des acteurs doit donc être dévoilée par d’autres approches. C’est ici que la méthode qualitative à micro-échelle intervient : elle autorise le chercheur à ne pas dissocier totalement faits et valeurs pour accéder à la compréhension des mécanismes sous-jacents à la décision et de pénétrer leur dimension à la fois intéressée et morale et appréhender les contraintes, objectives ou subjectives, qui président à leur élaboration.

Notre démarche, qui s’inscrit dans la continuité des travaux réalisés par les chercheurs du Centre Walras sous la direction de Jean-Michel Servet, vise en s’appuyant sur l’analyse micro-échelle, à appréhender les acteurs non comme des individus isolés mais en interaction les uns avec les autres. Ce positionnement découle de la conception que l’opposition qualitatif/quantitatif ne peut pas être enfermée totalement dans la dichotomie individualisme méthodologique et holisme méthodologique. Sur le plan théorique,l’approche institutionnelle nous permet de dépasser cette dichotomie et d’appréhender les interactions entre les acteurs et les règles de l’environnement social dans lequel ils évoluent.

Soulignons enfin l’originalité de notre positionnement. Le conflit méthodologique que nous avons mentionné opposant notamment les tenant de l’approche qualitative contre les tenants de l’approche quantitative (ou encore inductivisme versus déductivisme) semble d’autant plus insoluble qu’il est généralement entretenu par la méconnaissance réciproque des instruments d’analyse mobilisés. Notre démarche tente modestement de faire tomber certaines barrières en réunissant des outils méthodologiques empruntés aux deux approches au sein de la même démarche de recherche.