Section 1. Principaux éléments de l’organisation des communautés indiennes paysannes au Mexique

L’organisation politico-administrative des régions qui constituent la république mexicaine est homogène sur l’ensemble du territoire y compris dans les régions majoritairement indiennes 82 . Elle est fondée sur l’entité municipale héritée de l’indépendance au cours du XIXe siècle. La municipalité est régie au niveau de chacun des États constituant la confédération, par le biais de lois et de constitutions étatiques. La municipalité est d’une façon générale « investie du pouvoir exécutif et de certaines compétences judiciaires » [Dehouve, 2003 : 5] et est normalement gouvernée par un conseil municipal élu pour une durée de trois ans par le biais d’un vote populaire direct.

Cependant, deux principaux aspects distinguent les municipalités de l’État d’Oaxaca situé au sud-ouest du Mexique (§1). Le premier tient à la taille et au nombre des entités municipales qui y sont recensées et le second tient au cadre légal de cet État qui reconnaît –depuis quelques années- certaines des spécificités de l’organisation indigène venues se greffer sur le système politique imposé par le fédéralisme 83 . La taille de la municipalité est très variable suivant les États, dans l’État d’Oaxaca, celle-ci correspond à un village de quelques milliers d’habitants alors que dans l’État du Chiapas, un municipe peut rassembler jusqu’à 100 000 habitants [ibid : 6]. Ainsi, le morcellement caractérisant l’État d’Oaxaca peut être illustré par le fait que cet État ne compte pas moins de 570 municipalités (sur 2400 dans toute la fédération qui comprend 31 États) alors que le Chiapas en compte 112 84 . La seconde spécificité évoquée traduit un tournant dans le statut des indigènes dans l’État d’Oaxaca.

Plusieurs modifications législatives ont en effet depuis la fin des années 1980 conduit à une reconnaissance des droits des populations indigènes [voir Annexe 3]. Ce processus a abouti à la reconnaissance des particularités électorales pratiquées par les communautés ou villages indigènes et basé sur le système des « us et coutumes » (à côté du système par les partis politiques) 85 que l’État d’Oaxaca est seul à reconnaître. Par ailleurs les municipalités ont le droit d’exiger de leurs citoyens une sorte d’impôt en nature sous la forme d’une participation non rémunérée aux travaux publics, connu sous le nom de tequio, constituant l’essentiel du système des charges civiles et s’ajoutant aux charges religieuses (§2). En revanche, l’État d’Oaxaca n’a pas étendu la reconnaissance de la spécificité indigène au domaine agraire, élément crucial autour duquel s’articule la survie de la majorité des ménages de ces villages, qui reste régi par l’État fédéral (§3).

Enfin, de la marginalité économique et sociale élevée qui caractérise les populations indigènes étudiées résulte une politique sociale mise en place par le gouvernement Fédéral prenant principalement la forme de transferts monétaires (§4).

Notes
82.

Les études menées sur les populations parlant une langue amérindienne estiment qu’elles représentent qu’environ 7% de la population totale du Mexique. Ces populations sont cependant inégalement réparties sur le territoire. Elles vivent en effet principalement dans les États du sud de la république : Oaxaca, Yucatán, Guerrero, Chiapas et Veracruz. L’État de l’Oaxaca selon l’évaluation réalisée par l'Institut National de Statistiques, Géographie et Informatique (INEGI), 37% des personnes âgées de plus de cinq ans sont Indigènes : 1.2 millions de personnes seraient donc d'origine indienne (INEGI, 2000). Devineau [2003b] note cependant que selon l'Institut National Indigéniste (INI), cette population représenterait 57% de la population totale de l’État.

83.

Au sujet de l’inclusion des peuples indigènes et de l’absence de reconnaissance des droits et libertés collectifs par l’État fédéral mexicain, voir Nahmad Sittónin León Pasquel, (coord.), [2001].

84.

Pour certains, ce morcellement illustre l’enjeu que représentent les aides financières octroyées par municipalités sous l’impulsion du gouvernement de Salinas de Gortari à la fin des années 1980, avec la création du PRONASOL (Programme National de Solidarité). En effet, une partie de l’argent destiné à la construction d’infrastructures, d’écoles qui était auparavant gérée à un niveau supérieur, a été décentralisée et directement versée aux municipalités [Dehouve, 2003].

85.

Si la municipalité adhère au système de us et coutumes, cela implique que les responsables soient désignés à main levée dans des assemblées auxquelles participent quelquefois les anciens et les femmes et pour une durée de un an au lieu de trois années dans le système des partis. Les autorités municipales assument la charge sans percevoir de salaire.