B. Les charges religieuses

À côté de cette multitude de charges civiles, les citoyens doivent également remplir un certain nombre d’obligations religieuses en nature ou financière. En dehors des fonctions cérémonielles sous forme de travail, les charges religieuses comprennent des obligations financières importantes. Les estimations dont nous disposons concernent deux villages étudiés :

Tableau 6. Coopérations financières pour les fêtes (en US$)
Tableau 6. Coopérations financières pour les fêtes (en US$)

Source : à partir des enquêtes Morvant [2004b].

La plus connue de ces obligations est dévolue à un groupe de personnes, ou groupe de dévotion chargé d’organiser et la fête su Saint patron local et d’assumer les dépenses festives : acheter les animaux qui seront consommés, le maïs, les boissons, etc. [Voir Annexe 4]. Le groupe de dévotion ou confrérie est rassemblé autour du majordome (mayordomo) nommé par l’assemblée communautaire et qui s’entoure ensuite d’autres hommes de sa famille ou des voisins qui vont l’aider dans sa tâche 88 . Dans les villages que nous étudions, les membres du groupe de dévotion assument personnellement ces dépenses en travaillant (travail salarié agricole, migration) ou en s’endettant. La préparation se réalise sur une année au cours de laquelle les membres du groupe se réunissent chez le majordome lequel doit habiter au centre du village. D’autres groupes de majordomie sont désignés pour l’organisation de fêtes moins importantes comme le vendredi saint ou d’autres patrons locaux.

En dehors de ces groupes de dévotion, l’Église peut solliciter l’ensemble des citoyens catholiques pour une contribution financière en vue d’améliorer l’église elle-même par exemple 89 . A côté des autorités civiles et religieuses, l’autorité agraire constitue un point central de l’organisation de la vie de la communauté, voire de la municipalité toute entière.

Notes
88.

Au sujet des groupes de dévotion, voir Dehouve [1990].

89.

Plusieurs religions peuvent coexister dans un même village. Depuis quelques années le nombre d’Évangélistes a beaucoup augmenté dans ces villages. Ceux-ci refusent de prendre part aux fêtes organisées autour du calendrier catholique. Ils ont leur propre système de contribution financière ou effective. Notons que la cohabitation n’est pas toujours pacifique, elle peut se traduire par des expulsions ou perte de la citoyenneté communautaire (perte de la qualité de comunero). Le cas de San Juan Métaltepec dans la région Mixe illustre une situation conflictuelle liée aux motifs religieux. Les deux conflits survenus en 1987 et 1998 dans cette localité ont conduit à l’expulsion de la communauté de plusieurs familles (sept en 1987 et dix en 1998) et la perte de la qualité de comunero. Les deux situations conflictuelles ont une double origine : elles portaient à la fois sur la volonté des évangélistes de faire construire un temple sur le territoire de la communauté et sur leur refus de prendre part à certaines obligations relatives aux pratiques coutumières. En 1998, la privation du statut de comunero découle de la privation des droits agraires basée sur le nouveau statut agraire de 1997 dont l’article 43 dispose que : “perdront leur qualité de comunero (et donc leur droit de résider dans la communauté) ceux qui fomenteront la division dans la communauté ou ceux qui n’accompliront pas les charges et services traditionnels suivant les us et coutumes de la communauté” [Macaire, 2004]. Deux des principaux chefs d’accusation utilisés en 1987 apparaissent dans ce qui vient d’être mentionné. À l’heure actuelle, les évangélistes de Metaltepec se trouvent toujours réfugiés à Oaxaca où ils sont appuyés par une organisation de défense des droits de l'homme, et espèrent récupérer leurs droits sur leurs terres via les procès en cours qui n’ont pas encore débouché.