Introduction

Le secteur « formel » des finances rurales au Mexique se caractérisait au début des années 2000 par une disparité importante dans la couverture des régions rurales voire la quasi-absence d’institutions financières dans certaines zones isolées [Bouquet et Cruz, 2002]. Pour illustrer cette situation, remarquons que la densité bancaire dans l’État d’Oaxaca a été évaluée à une succursale pour 29.000 habitants alors que la moyenne nationale est d’une succursale pour 12.000 habitants [Arredondo Casillas, 2003]. À côté du secteur bancaire, le secteur non-bancaire est très hétérogène tant du point de vue des modalités d’intervention et d’implantation que du point de vue des figures juridiques prises par les différentes interventions.

Cependant, malgré l’implication de l’État fédéral qui a toujours prévalu dans le secteur des finances rurales, son rôle s’est longtemps cantonné dans ce domaine à celui d’acteur, par le biais du crédit subventionné (Section 1) ou d’autres interventions mais pas de régulateur. Ainsi, l’absence de cadre juridique encadrant les activités d’une grande disparité d’acteurs a constitué jusqu’à récemment l’une des défaillances de ce secteur au Mexique. L’approbation et la mise en œuvre de la LACP (Ley de Ahorro y Crédito Popular) en juin 2001 marque un tournant dans l’histoire des finances rurales. Ce nouveau rôle dévolu à l’État a notamment été impulsé par l’apparition de nouveaux acteurs depuis une vingtaine d’années, tant au Mexique que partout dans le monde 144 et dont la philosophie orientée vers la promotion de services financiers ruraux 145 , a engendré une rupture profonde avec le traditionnel crédit agricole subventionné (Section 2). En effet, l’inadéquation de l’offre de crédit rural à la demande a laissé émerger un secteur dénommé microfinance.

L’essor de la microfinance a été favorisé par des initiatives que l’on peut qualifier de « privées » 146 ainsi que par les pouvoirs publics au travers des Etats ou des Bailleurs de fonds. Activité « rentable » ou tout au moins « pérenne » pour certains et instrument « efficace » de lutte contre la pauvreté pour d’autres, la microfinance est consensuelle dans le sens où elle réconcilie deux ambitions que l’on considérait jusque-là « inconciliables » : lutter contre la pauvreté tout en favorisant l’essor de l’initiative privée, du « marché ».

Parmi les nombreuses initiatives observées au Mexique, nous présenterons dans une dernière section le dispositif sur lequel est basée notre recherche. Nous aborderons ainsi ses modalités d’implantation et d’intervention (Section 3).

Notes
144.

Un recensement réalisé par l’IFPRI (International Food Policy Research Institute) dans 85 pays, montre l’existence de 1500 institutions de microfinance atteignant 54 millions de personnes. Ce chiffre est bien en deçà de la réalité des initiatives dans ce domaine.

145.

C’est-à-dire proposant des services de crédit, épargne, et assurance.

146.

Dans certains contextes, les banques commerciales ont été attirées par la microfinance dans la mesure où cette dernière constituait une « nouvelle niche de marché ». Cette situation est illustrée par le cas du Chili [CGAP, 2001 : 6].