§1. Un système coûteux et peu opérationnel

Les deux institutions clés du système de crédit dirigé qui a prévalu jusque dans les années 1990 étaient Banrural (Banco Nacional de Crédito Rural) et le FIRA (Fideicomisos Institutidos en relación a la Agricultura). Le premier est une banque de premier rang fonctionnant sur le schéma : une agence centrale, des centres régionaux (12) et des succursales rurales (528 en 1988). Le second est une agence financière officielle constituée de cinq fonds spéciaux (Fideicomisos), agissant comme une banque de second rang sous la tutelle de Banco de México et qui disposait de mécanismes incitatifs divers pour promouvoir la participation des banques commerciales dans l’octroi de crédit agricole. Enfin, le système comprenait une entreprise publique d’assurance agricole qui assurait les crédits octroyés par le biais de Banrural et du FIRA.

Trois facteurs ont participé à l’échec du système sur le plan financier. Le premier tient aux subventions pour conserver un niveau d’intérêt déconnecté du niveau de risque réel. Le second facteur concerne les coûts d’opération élevés résultant d’une part de l’hétérogénéité des produits proposés et d’autre part, de la faible productivité des employés en surnombre 147 . Enfin, le troisième facteur concerne le faible degré de récupération de l’argent prêté. Ainsi, en 1993, 40% du portefeuille de prêt était constitué de crédits difficilement récupérables [Tarrab, 2003] 148 .

Par conséquent, le coût fiscal annuel moyen de ce système durant la période 1983-1992 s’est révélé être très élevé : les coûts d’opération représentaient environ 13% du PIB agricole annuel tandis que les coûts générés par les taux d’intérêts subventionnés représentaient 10% de ce même PIB [Arredondo Casillas, 2003]. Ainsi, durant cette même période, le coût de ce système par dollar prêté a oscillé entre US$ 0,49 et US$ 1,03. Si la dimension financière, le système doit aussi être appréhendé du point de vue de son impact sur la sphère réelle en termes de production ou d’amélioration des conditions de vie des paysans mexicains. De ce point de vue, le système financier rural centralisé a également échoué.

Notes
147.

Le niveau de portefeuille par employé était deux fois plus faible que le ratio des employés dans les banques privées [Tarrab, 2003].

148.

Plusieurs explications sont avancées par Bouquet et Cruz [2003] : du point de vue technique, il semble que les prêts aient été octroyés sans évaluation préalable de la capacité de remboursement ou de la qualité du projet productif de l’emprunteur. Les octrois de prêts dépendaient davantage d’orientations générales sur la base des priorités nationales. L’autre dimension ayant influencé ce faible niveau de récupération des crédits octroyés par Banrural est politique puisqu’elle concerne les manipulations politiques et les condamnations de la dette à l’approche d’échéances électorales [ibid : 23].