B- Facteurs déterminant l’accessibilité des services

Le cadre d’analyse appréhende l’accessibilité des services de l’IMF à la fois du point de vue de l’offre et de la demande.

Figure 15. Un accès déterminé par les caractéristiques respectives de l’offre et de la demande

Source : à partir de Vaessen [2001].

Du côté de l’offre, la première catégorie de facteurs concerne les stratégies et objectifs du dispositif, lesquels vont façonner les services offerts (produits de crédit et d’épargne principalement). Une contradiction potentielle peut surgir entre différents objectifs impliquant des actions allant dans des directions opposées. Ainsi, les objectifs de réduction des coûts ou d’expansion très forte (breadth of outreach) peuvent contrevenir à l’intention affichée d’inclusion des populations particulièrement exclues de l’accès aux services financiers (depth of outreach) [Rhyne, 1998]. Soulignons qu’un autre facteur déterminant dans cette première catégorie concerne l’identification et la définition d’un groupe-cible comme l’objectif fréquemment affiché de ne compter parmi les bénéficiaires que des femmes ou dans notre cas les populations rurales (géographiquement et socialement marginalisées).

La seconde catégorie de facteurs qui prévaut du côté de l’offre doit prendre en considération les caractéristiques des produits financiers proposés : taux d’intérêt 166 , durée des prêts, montants prêtés, garantie exigée. Entrent également dans cette catégorie les critères officiels de sélection des emprunteurs notamment les critères relatifs aux garanties adossées aux contrats de prêts : matérielle ou sociale.

Enfin, le dernier groupe de facteurs influençant l’accessibilité des services du côté de l’offre nous invite à nous intéresser à la face moins tangible des critères de sélection des bénéficiaires/ clients de l’IMF. Ainsi, par-delà les critères officiels affichés des éléments ayant trait aux modalités de promotion des services de l’IMF (réseaux de dissémination de l’information) auront une influence certaine sur la participation de certains groupes socio-économiques plutôt que d’autres.

Le second élément officieux qui peut éclairer l’inclusion ou l’exclusion de certaines catégories de la population tient compte des modalités d’acquisition de l’information utile à l’évaluation de la crédibilité des clients potentiels par rapport à leurs capacités et prédispositions à rembourser le crédit octroyé. Quel est le temps alloué à ce processus de collecte d’information par les salariées du dispositif de microfinance ? Sur quelles sources d’information s’appuie ce processus de sélection ? Le rôle joué par la subjectivité des salariés de l’IMF ne doit, par ailleurs, pas être négligé. Les éléments d’information sur les liens entretenus par les salariés avec une certaine partie des clients/bénéficiaires doivent êtres intégrés à l’analyse de l’accessibilité des services. Enfin, cette catégorie doit tenir compte des incitations envers les salariés telles que les éventuelles primes corrélées à des objectifs précis, etc.

Du côté de la demande, l’accès au crédit résulte des différents facteurs qui déterminent l’accessibilité, ces derniers étant contrôlés par la disposition ou volonté du ménage de s’endetter auprès de l’organisme étudié. Évoquons brièvement les facteurs mentionnés dans la Figure 15.

Le critère d’appartenance du ménage au groupe-cible, renvoie aux caractéristiques de l’offre évoquées ci-dessus. La définition d’un groupe-cible pour son intervention par l’IMF conduit à l’exclusion des ménages ou personnes ne présentant pas les caractéristiques pré-définies. Soulignons par ailleurs qu’à l’évidence, le ménage doit vivre dans la zone d’implantation et d’intervention du dispositif de microfinance. La capacité à solliciter un prêt renvoie à la possibilité du ménage à répondre aux exigences requises par l’organisme de prêt pour la sélection des emprunteurs ainsi qu’à ses attentes en termes de capacité de remboursement et de garantie en cas de défaillance.

Le facteur « accès à des réseaux d’information et de recommandation » souligne l’influence des liens entre les ménages non-clients vivant dans la zone d’attention et les ménages clients du dispositif de microfinance. De façon plus générale, il s’agit de prendre en considération le rôle de l’insertion dans les réseaux sociaux dans l’accessibilité des services financiers procurés par les IMF. Ce rôle est notamment primordial pour les IMF appuyant leur intervention sur le prêt de groupe à responsabilité conjointe qui implique l’auto-sélection des membres du groupe de prêt (peer selection) 167 . Le fait que les emprunteurs ne se regroupent pas de manière aléatoire mais au contraire se sélectionnent sur la base de leurs caractéristiques et donc de leur connaissance mutuelle conduit à donner d’autant plus de poids aux relations et interactions préalables, à la position de chacun au sein du réseau social ou encore aux jeux de pouvoir extérieurs à l’IMF.

Finalement, la décision de solliciter un crédit est déterminée par la prédisposition du ménage à emprunter. Cette dernière dépend de la perception de l’acte de s’endetter. Le désir du ménage de s’endetter est soumis à des facteurs autonomes comme l’aversion à l’endettement, par exemple, mais dépend également pour une large part de l’image renvoyée par le dispositif de microfinance dans son environnement d’insertion. Chaque ménage évalue à son niveau l’utilité et l’attrait de l’emprunt auprès du dispositif de microfinance selon des critères personnels (opportunité d’obtenir la liquidité étant données les circonstances présentes et la projection dans le futur de sa situation) et en fonction des éléments d’information dont il dispose sur les conditions de l’emprunt auprès de l’IMF considérée (taux d’intérêt, formalités à remplir, coûts de transactions, etc.). L’attrait que représente l’acte de s’endetter auprès de l’IMF pour le ménage est aussi déterminé par les possibilités et conditions d’accès à des sources alternatives de liquidité en dehors de l’IMF que détient le ménage. Le lien de causalité n’est cependant pas immédiat et peut varier.

Notes
166.

Un taux d’intérêt trop élevé risque d’évincer les emprunteurs les plus pauvres ainsi que les emprunteurs adverses au risque au profit d’emprunteurs plus riches et plus enclins à réaliser des investissements risqués [Hoff et Stiglitz, 1990].

167.

Ce mécanisme implique que les salariés du dispositif de microfinance n’interviennent pas dans le processus de sélection des emprunteurs, l’objectif étant de résoudre le problème d’asymétrie de l’information et de tendre vers des coûts de transactions plus faibles.