Introduction

Conserver le « droit d’accès » au dispositif de microfinance participe de l’un des objectifs que la majorité des emprunteurs de l’IMF souhaite accomplir. Pour se prémunir des défauts de remboursement, outre les techniques de caution solidaire, les institutions de microfinance appliquent des mécanismes dits incitatifs [Morduch, 1999]. Parmi, ceux-ci, le renouvellement du crédit est décidé en fonction de la qualité de remboursement du prêt antérieur par l’emprunteur. Ainsi, si le signal envoyé par l’emprunteur au moment du remboursement du crédit répond aux exigences de l’IMF, celle-ci formule une nouvelle offre de crédit souvent plus élevée (ce mécanisme d’augmentation des montants prêtés est dit progressive lending) [Morvant, 2005a]. L’hypothèse sous-tendue est que la capacité de remboursement du montant emprunté à échéance (effectuée en un ou plusieurs paiements) constitue un révélateur approprié des profits générés par l’accès au microcrédit et donc du niveau de bien être de l’emprunteur.

Or, il a été démontré que la relation entre la performance au remboursement et les profits dégagés par l’emprunteur lui permettant de faire face au remboursement du capital et des intérêts n’est pas automatique. Le remboursement du crédit est susceptible d’être accompli grâce au recours au « secteur financier » informel. L’étude très stimulante de Sinha et Matin [1998] réalisée auprès d’emprunteurs ruraux au Bangladesh montre ainsi que la majorité des clients du dispositif étudié obtiennent de bonnes performances de remboursement par le recours à l’emprunt auprès du secteur informel 177 .

Nos observations de terrain vont également dans ce sens. La situation quasi-monopolistique du dispositif de microfinance étudié dans notre contexte d’étude rend cette ressource en services de crédit aux caractéristiques spécifiques relativement rare. Préserver l’accès à cette source de crédit constitue un enjeu individuel de taille pour les emprunteurs pour qui cette source de liquidité constitue d’abord un instrument essentiel de lutte contre l’incertitude sur les revenus et les dépenses et la rareté relative ou inter-temporelle en liquidité. (Section 1). Les stratégies adoptées dans cette optique dépassent bien souvent le cadre de l’action individuelle et s’appuient sur un recours prononcé aux réseaux informels d’accès à la liquidité (Section 2).

Notes
177.

Sinha et Matin [1998] insiste sur la responsabilité d’une mise en œuvre trop rigide des mécanismes incitatifs comme facteur principal autorisant la stratégie de « cross financing » par les emprunteurs. En effet, la promesse d’octroi d’un nouveau crédit en fonction de sa performance au remboursement du crédit précédent assure à l’emprunteur la capacité à rembourser le prêteur informel avec le nouveau prêt octroyé par l’IMF.