Conclusion de chapitre

À l’évidence, il n’y a pas disparition du recours aux sources de liquidité antérieures comme les transferts privés. Le microcrédit ne fait que différer la contrainte de liquidité laquelle est réglée en dernière instance par le recours aux transferts privés ou d’autres sources de prêt et, au mieux, il résout en partie seulement ou temporairement le problème de la disponibilité financière. Le rôle social de la dette rend improbable la substitution totale tant qu’il existe un certain degré d’interdépendance socio-économique entre les personnes. La réussite du dispositif de microfinance est en grande partie déterminée par les relations sociales et financières au sein de la communauté. Les emprunteurs de la microbanque continuent ainsi à mélanger les différentes modalités pour obtenir de la liquidité et participent ainsi à l’entretien du système d’« enchaînement des dettes » (chapitre 4, section 3), la substitution est donc dite limitée. Le microcrédit « offre » de la liquidité mais il donne également du temps et sa complémentarité à l’ensemble des autres dettes permet aux jeux sociaux de s’épanouir.

Ces stratégies sont dédiées –dans le contexte des communautés indigènes étudiées- à l’activation, l’intensification et l’accélération de la circulation de l’argent au sein de la famille et du réseau social 195 .

S’il n’y a pas substitution totale des pratiques ou liens de dettes/créances préexistants par la source exogène, formelle de crédit, il n’y a pas pour autant« subordination » totale du microcrédit aux différentes dimensions de la réalité sociale, culturelle du contexte d’étude. La relation n’est univoque ni dans un sens ni dans l’autre, elle est dialectique. Or, mettre à jour les ressorts de cette dialectique passe par l’exploration de l’imbrication entre certains éléments de la réalité sociale et la réalité ou l’acte économique, en l’occurrence ici, les mécanismes sociaux d’appropriation par les ménages, d’insertion dans leurs pratiques de gestion de la liquidité, de l’offre exogène de crédit incarnée par le dispositif de microfinance étudié. L’analyse se situe donc à la fois à un niveau individuel et collectif. L’approche contractuelle n’est dans cette optique pas adaptée puisque trop restrictive.

Notes
195.

A ce sujet, se référer à l’article de F. Lartigue [1993].