Introduction

L’émergence et le développement d’une offre exogène, formelle de services financiers soulèvent d’emblée la question des interactions et impacts de cette nouvelle disponibilité en liquidité sur les pratiques monétaires et financières préexistantes. L’une des questions qui se pose notamment concerne la substitution potentielle de la nouvelle offre d’accès à la liquidité aux pratiques de dette/prêt s’inscrivant dans des relations personnalisées durables et incarnant le statut respectif des échangistes. À l’encontre d’une conception purement fonctionnelle fondée sur l’hypothèse du caractère anonyme, universel et fongible des instruments monétaires, nous considérons que les flux monétaires et financiers ne peuvent êtres appréhendés comme de simples objets à vocation utilitaire. En effet, souscrire à l’approche exclusivement fonctionnelle et contractuelle laquelle ne s’intéresse qu’au résultat de l’action ne permet pas de saisir la complexité et la diversité des stratégies et pratiques des acteurs. Les modèles d’interaction entre la finance formelle et les pratiques financières informelles proposés par la littérature standard ne caractérisent le plus souvent qu’une relation univoque : l’offre formelle engendrant l’évolution de l’offre informelle et non l’inverse. Ces nouvelles caractéristiques de l’offre se répercutent sur l’évolution de la demande. En ce qui concerne les études empiriques proposées par l’analyse économique standard, les données collectées ne permettent guère d’aller plus loin dans l’analyse.

Or, les conclusions dressées aux chapitres 6 et 7 à partir d’analyses qualitatives s’appuyant sur une approche anthropologique et institutionnaliste des liens financiers suggèrent que la réalité des interactions qui prennent place est plus complexe.

Le rôle prépondérant des réseaux sociaux et des relations financières antérieures suggère une relation dialectique. Rendre compte de cette dialectique implique d’appréhender le processus d’appropriation et notamment de saisir les dimensions collectives de l’accès et la continuité de l’accès au dispositif de microfinance. Nos observations concernant l’identification des ressorts de cette dialectique rendent peu probable le scénario de la substitution totale. L’accès au microcrédit permet de relâcher les contraintes temporelles de liquidité : il diffère les anciennes pratiques de prêts et transferts voire en génère de nouvelles. L’évaluation quantitative qui suit doit nous permettre de conforter ces résultats.

La question posée dans ce chapitre est donc la suivante : quels sont les déterminants de la demande et de l’offre d’emprunt/prêt émanant des ménages étudiés auprès du secteur informel ?

Dans cette optique, nous aborderons plus particulièrement les différences de comportements entre les clients et les non-clients de l’IMF.

Une première section propose un rapide panorama des différents modèles théoriques d’interactions entre secteurs financiers formel et informel dans les pays du sud ainsi que des travaux empiriques réalisés en vue de valider ou d’invalider les modèles formulés. Les deux sections suivantes se concentrent exclusivement sur les résultats des analyses statistiques et économétriques que nous obtenons à partir de nos propres données d’enquêtes.