Section 1. Analyses univoques des relations prenant place entre la finance formelle et la finance informelle

Les premières recherches relatives à la finance informelle ont été initiées à partir des années soixante-dix par le Bureau International du Travail (BIT) dans le cadre d’un programme de recherche consacré à l’emploi [Lelart, 1995]. Il faut pourtant attendre le début des années 1980 pour que les économistes « standards » entreprennent de s’y intéresser 196 . Les recherches concernant la finance informelle s’inscrivent dans le cadre du courant de l’économie de l’information qui a développé l’idée d’imperfection de l’information (ou asymétrie d’information) 197 , cause possible de défaillance de certains marchés au travers de deux phénomènes principaux : l’anti-sélection et le hasard (ou aléa) moral [Akerlof, 1970 ; Stiglitz et Weiss, 1981]. Dans le contexte des marchés ruraux de crédit, l’asymétrie d’information prend place entre le prêteur et les emprunteurs potentiels. Elle serait la cause principale de phénomènes tels qu’un niveau élevé des taux d’intérêts ; la segmentation du marché et le rationnement du crédit (voir partie 1, chapitre pour une analyse de l’efficacité de ces mécanismes à réduire le risque de défaut de remboursement pour le prêteur).

La littérature étudiant les interactions entre le secteur financier formel et la finance informelle a dans un premier temps accordé beaucoup d’importance à l’analyse théorique et empirique de l’évolution des conditions de l’offre de crédit par le prêteur informel suite au développement d’une offre formelle aux caractéristiques divergentes. Deux catégories d’interactions sont envisagées par ces contributions orientées vers l’analyse de l’offre.

L’interaction de type horizontale analyse la concurrence directe qui s’établit entre les « marchés » informel et formel de crédit suite à l’apparition de ce dernier Bell [1990] et Kochar [1991].

L’interaction de type verticale considère que les prêteurs informels re-prêtent à leurs clients l’argent qu’ils ont eux-mêmes emprunté auprès du secteur formel. Dans ce cadre, de nombreuses contributions ont étudié les répercussions sur les conditions d’accès aux prêts dans le secteur informel suite à une évolution des conditions d’octroi dans le secteur formel. Par exemple, le développement de l’offre du secteur formel engendrera-t-il, par le biais d’une baisse du prix d’accès aux fonds pour le prêteur informel, des conséquences positives sur les conditions offertes par ce même prêteur à ses clients? Parmi les contributions majeures à l’optique verticale, mentionnons celles de Hoff et Stiglitz [1996], Bose [1994] et Floro et Ray [1997]. L’objet n’est pas ici de livrer une analyse circonstanciée des résultats mis en évidence par ces contributions.

Par la suite, les recherches se sont orientées vers les évolutions engendrées par le développement du secteur formel (particulièrement illustré par le déploiement de nombreux dispositifs de microfinance dans la majorité des contextes) sur la demande d’emprunt émanant des ménages. Ceux-ci vont-ils délaisser le secteur informel et recourir prioritairement au secteur formel?

Notes
196.

Voir en particulier l’ensemble des contributions réunies dans le troisième chapitre du livre dirigé par Pranab Bardhan [1989].

197.

Ce courant oppose à l’hypothèse de perfection d’information l’idée que certains individus puissent détenir davantage d’informations que d’autres sur un bien ou sur les « états de la nature ». Cette asymétrie d’information peut limiter voire même empêcher que des transactions s’établissent entre ces deux individus ou catégories d’individus [Guerrien, 2000].