B. Comportements financiers des ménages : répartition par quartiles de revenus, transferts privés et des cription des comportements d’emprunt

1. Répartition des ménages selon le revenu monétaire

La littérature économique s’intéressant aux déterminants des comportements d’emprunt des ménages respectivement auprès des secteurs formel et informel suggère que les ménages les plus riches auront tendance à se tourner davantage vers le secteur formel (lequel englobe le secteur bancaire) en raison de l’obstacle que représente, pour les moins riches, la garantie matérielle exigée par ce secteur. L’étude empirique de Besleyet al. [2001] réalisée dans le contexte népalais confirme cette hypothèse pour les ménages ruraux : plus le niveau de consommation par tête au sein du ménage augmente plus ceux-ci ont tendance à se détourner du secteur informel et à emprunter auprès du secteur bancaire. En milieu urbain, leurs résultats ne permettent pas de conclure à une différence de revenus entre les ménages empruntant auprès du secteur informel et ceux empruntant auprès du secteur formel.

L’analyse de la corrélation entre niveau de revenu et l’emprunt auprès du secteur de la microfinance ou autres catégories intermédiaires de crédit, livre des résultats plus nuancés. La majorité des clients de ce secteur ne se situe ni dans les niveaux de revenus les plus faibles ni dans les plus élevés mais dans les revenus « moyens ». En somme, le recours à ce secteur ne décroît pas avec le niveau de richesse du ménage sauf pour les ménages les plus riches de l’échantillon. Ce constat est valable à la fois pour le contexte urbain et pour le contexte rural [ibid.].

Une analyse similaire dans notre contexte d’étude souligne l’existence d’une corrélation négative significative entre l’accès à la microbanque et le niveau de revenu correspondant au quartile le plus faible (Tableau 43).

Tableau 43. Recours à la microbanque en fonction du niveau de revenus monétaires
    DUM1REV DUM2REV DUM3REV REVMEDIA
CODSOCNS Pearson Correlation -,125* -,097 -,092 ,097
  Sig. (2-tailed) ,026 ,085 ,102 ,085
  N 319 319 319 319
* Correlation is significant at the 0.05 level (2-tailed).

En revanche, les autres IMF semblent attirer, volontairement ou non, la frange des ménages les plus riches. La corrélation entre le recours à ces dispositifs et le niveau de revenu monétaire des ménages se situant en deçà du revenu médian ou dans les 75% des revenus les plus faibles est significativement négative (Tableau 44). Ce résultat est sans doute en partie imputable aux modes d’intervention de ces dispositifs. En effet, l’intervention de Caisse Populaire Mexicaine, qui constitue dans la Sierra Sur l’unique alternative “formelle” dans le village de San Agustin Loxicha et l’une des principales alternatives dans la Mixteca, repose sur le principe de l’épargne préalable (20% du montant du crédit sollicité), principe excluant pour la frange la plus pauvre de la population (voir infra, chapitre 10).

Tableau 44. Recours aux dispositifs de microfinance en fonction du niveau de revenus monétaires
    DUM1REV DUM2REV DUM3REV REVMEDIA
IMF Pearson Correlation -,114* -,153** -,198** ,153**
  Sig. (2-tailed) ,042 ,006 ,000 ,006
  N 319 319 319 319
* Correlation is significant at the 0.05 level (2-tailed).
** Correlation is significant at the 0.01 level (2-tailed).

Étudions enfin le comportement des ménages en fonction de leur niveau de revenu vis-à-vis de l’emprunt informel. Le test de corrélation n’établit aucune dépendance significative entre ces variables, l’accès à l’emprunt informel n’est pas corrélé au niveau de revenu (Tableau 45) 214 .

Tableau 45. Recours à l’emprunt informel en fonction des revenus monétaires
    DUM1REV DUM2REV DUM3REV REVMEDIA
BIGTINDU Pearson Correlation -,044 -,039 -,014 ,039
  Sig. (2-tailed) ,434 ,483 ,803 ,483
  N 319 319 319 319
* Correlation is significant at the 0.05 level (2-tailed)
** Correlation is significant at the 0.01 level (2-tailed)

Au total, le rôle du revenu dans l’accès aux différentes sources de liquidité (IMF et secteur informel) semble jouer un rôle significatif pour l’accès aux IMF uniquement. Ce résultat confirme certaines études empiriques évoquées plus haut [Hulme et Mosley, 1996 ; Navajas et al. 2000 ; Hashemi, 1997 et Sarap, 1990] (voir supra, chapitre 6, section 1, §2). L’absence de lien significatif entre le fait de s’endetter auprès du réseau social et le niveau de revenus monétaires confirme nos observations qualitatives (voir supra, chapitre 4, sections 3 et 4). En revanche, les résultats économétriques établissent un lien évident entre le niveau de revenus monétaires et les montants empruntés auprès du secteur informel, du réseau social (corrélation significative positive pour le troisième quartile le plus riche).

Notes
214.

Précisions que la corrélation que nous testons ne tient pas compte du montant emprunté mais de l’acte même de s’endetter auprès du secteur informel (variable dummy).