§3. Augmentation progressive de la durée des prêts et stratégies individuelles divergentes

Examinons à présent la variable DIFTERM qui illustre la différence entre le terme théorique proposé par la microbanque et le terme sollicité par l’emprunteur. En effet, au cours de différents cycles de crédit, l’IMF propose des durées d’octroi des prêts de plus en plus longues, allant de quatre mois pour le premier crédit à une année pour le cinquième crédit. L’analyse statistique de la variable d’observation, au niveau individuel, de la différence entre le terme théorique (durée que l’IMF est prête à accorder) et le terme réellement sollicité et obtenu par les membres du groupe révèle un accroissement de la valeur de cette variable au cours des différents cycles de crédit. Autrement dit, les emprunteurs ont de plus tendance à demander un terme inférieur au terme proposé par l’IMF.

Tableau 61. Évolution de la variable DIFTERM au cours des renouvellement de crédit
  N Minimum Maximum Moyenne Écart-type
Premier cycle 487 0 2,00 ,0246 ,1679
Second cycle 352 0 3,00 ,1933 ,6295
Troisième cycle 297 0 5,00 ,7306 1,452
Quatrième cycle 213 0 8,00 2,028 1,625
Cinquième cycle 112 0 4,00 2,776 1,112

Source: Morvant [2005b]

Au sein du groupe solidaire, cette pratique peut occasionner des problèmes si les exigences temporelles des membres du groupe ne coïncident pas. Par ailleurs, il arrive que les membres du groupe souhaitent, de commun accord, écourter la durer du prêt pour liquider la dette parfois en vue d’obtenir rapidement le prêt suivant d’un montant plus élevé. Nous avons observé cette situation entre les membres d’un groupe de solidarité de San Agustin Loxicha.

Encadré 13 Stratégies collectives pour écourter la durée du prêt et hétérogénéité des besoins au sein du groupe solidaire
Grâce à nos séjours répétés dans ce village, nous avons assisté à de nombreuses séances d’octroi de crédit et de remboursement et avons réalisé des entretiens avec la totalité des emprunteurs du groupe. Margarita est l’une des membres du groupe formé à partir de l’interconnaissance des membres par le biais de la coopérative des producteurs de café (UPIZSSUR). Elle est mariée et vit avec son fils encore scolarisé. Lors des séances d’octroi du crédit nous avons été témoin de son incapacité à compter les billets. Par ailleurs, elle parle difficilement espagnol et a du mal à mémoriser les informations. Nous avons donc réalisé avec elle un entretien en zapotèque grâce à l’appui d’un traducteur. Pour le quatrième crédit, les six autres membres du groupe ont souhaité rembourser avant l’échéance initialement convenue avec le salarié de l’IMF (8 mois). Certains membres voulaient obtenir rapidement un nouveau prêt plus faible et le remboursement précoce leur permettait de ne pas payer des intérêts sur une somme qu’ils n’utilisaient pas, d’autres voulaient au contraire obtenir rapidement des montants plus élevés.
Or, Margarita n’avait à ce moment-là pas réuni la totalité de la somme lui permettant de rembourser les US$400 empruntés. Les autres membres se sont donc arrangés pour lui procurer une partie de cette somme (US$196, obtenus via la coopérative). Le microcrédit suivant de Margarita, obtenu une semaine plus tard a amputé de la somme obtenue auprès de la coopérative des producteurs de café.

Source : Enquêtes Morvant [2003]

Ce résultat semble rejoindre l’une de nos conclusions principales dressées au chapitre 7 qui énonçait que le microcrédit en tant que nouvelle opportunité de se procurer de la liquidité s’insère dans la diversité des sources à disposition du ménage qui les mobilise tour à tour afin de gérer l’inadéquation temporelle des différents flux de liquidité (avancée au chapitre 4, section 3, §3).