A. Évidence empirique de l’influence de la concurrence sur les performances de remboursement des emprunteurs

La théorie économique estime généralement que la concurrence est positive, elle est considérée comme l’état social optimal. Cependant, les innovations technologiques mises en œuvre par les dispositifs de microfinance dans les pays du Sud pour réduire les risques de défaut de remboursement liés à la situation d’asymétrie d’information qui caractérise le marché du crédit dans ces contextes sont susceptibles d’êtres moins efficaces si la concurrence est élevée [Morduch et Armendariz de Aghion, 2004].

L’opportunité d’emprunter à nouveau auprès d’un autre prêteur à des conditions similaires réduit la portée du mécanisme incitatif rempli par l’octroi ultérieur de nouveaux prêts et affaiblit par ailleurs, l’effet incitatif pour l’emprunteur lié au fait d’acquérir une réputation de « mauvais payeur ». La concurrence élevée est donc perçue comme un problème dans le domaine de la microfinance. Les problèmes liés à la concurrence sont apparus en premier lieu dans les contextes où le développement d’intervention en matière de microfinance avait été le plus précoce : le Bangladesh et la Bolivie 242 . Mais d’autres contextes notamment les plus accessibles d’entre eux (milieux urbains) ont également été concernés par ce phénomène. Deux stratégies aux implications similaires sont décrites par les travaux sur le sujet :

  • L’emprunteur emprunte simultanément plusieurs prêts auprès de prêteurs différents ;
  • L’emprunteur emprunte dans un premier temps à un prêteur qu’il ne rembourse pas mais peut solliciter des fonds auprès d’un autre prêteur, et ainsi de suite.

Observant l’évolution du secteur au Bangladesh, Imran Matin rapporte qu’environ 15% des emprunteurs interrogés dans son étude avaient emprunté auprès de plusieurs institutions. Les résultats de l’étude menée auprès des clients de la Grameen Bank montrent par ailleurs que l’accès à plusieurs dispositifs de microfinance a un effet négatif sur la performance de remboursement de l’emprunteur [Matin, 1997]. Ce résultat fait écho à l’hypothèse de Yaron [1994] laquelle suggère que l’accès à des sources « alternatives » de crédit est susceptible de réduire la performance au remboursement de l’emprunteur. Par ailleurs, il explique la baisse importante des performances de remboursement subies par Grameen Bank au milieu de années 1990.

La contribution de Macintosh et al. [2005] confirme ces résultats dans le contexte Ougandais : l’entrée de nouveaux prêteurs tend à réduire les taux de remboursement des emprunteurs. En revanche, les auteurs n’observent pas d’augmentation du taux d’abandon mais au contraire une multiplication du nombre de prêts sollicités par les emprunteurs.

Par ailleurs, la concurrence peut ne pas être bénéfique pour les emprunteurs et notamment les plus démunis d’entre eux.

Notes
242.

En Bolivie, Bancosol a souffert de la concurrence de compagnies financières telles que Acceso FFP, une structure financière chilienne qui s’est implantée de manière très agressive dans les zones d’intervention de Bancosol. En effet, après seulement trois années d’opération, Acceso atteignait le niveau d’activité (nombre de prêts octroyés) que Bancosol avait mis 12 années à atteindre [Morduch et Armendariz de Aghion, 2004].