Apport méthodologique issu de la confrontation de deux approches distinctes du processus de la collecte de données de terrain 

Rappelons la distinction fondamentale qui oppose les approches qualitatives et quantitatives de production de données empiriques : elle concerne les critères de fiabilité de l’information collectée. Si l’approche qualitative interroge les biais générés lors de la collecte de l’information et qui pourraient faire obstacle à l’obtention d’une information fiable l’approche quantitative s’intéresse davantage aux biais a priori, c’est-à-dire lors de la construction de l’échantillon, elle se penche également a posteriori sur la cohérence des données collectées mais ne questionne pas le statut du chercheur dans la relation qu’il établit avec les personnes au moment de l’enquête. En effet, la qualité de la relation détermine la qualité des informations collectées. Cela est d’autant vrai lorsque l’on aborde des questions comportant des dimensions aussi intimes que celles relatives à la monnaie et ses usages et aux dettes/créances qui constituent le cœur de notre recherche.

Or, il nous semble que l’approche quantitative devrait se soucier davantage de la qualité intrinsèque de l’information produite par le biais des outils de collecte de données standardisés. Au-delà de la délimitation de la collecte d’information aux seules variables jugées utiles au vu du modèle de comportement déterminé a priori, il nous semble que l’outil même du questionnaire n’est pas d’emblée robuste pour fournir une information reflétant au mieux la réalité. Les outils quantitatifs standardisés ne sont donc pas applicables tels quels au risque de laisser de côté une part conséquente d’une même réalité. Cette observation est particulièrement vraie pour ce qui concerne les recherches menées sur les pratiques monétaires et financières des ménages et ce quel que soit le contexte d’étude. Conjointement au caractère limitant d’établir un modèle de comportement, de décision a priori sur la base duquel on collecte des données qui vont infirmer ou confirmer ces hypothèses, le questionnaire d’enquête n’est pas optimal pour faire émerger spontanément une information permettant d’observer de manière fiable le résultat de la décision des ménages.

Notre expérience basée sur un maniement conjoint des deux approches suggère un degré élevé de « déperdition d’information » entre les informations collectées avec des outils basés sur une démarche qualitative et des outils basés sur une démarche quantitative. Précisons qu’en aucun cas nous ne considérons que l’approche qualitative soit un rempart contre cette « déperdition d’information » car garantissant intrinsèquement la qualité de l’information collectée. Nous jugeons en revanche que l’approche qualitative peut être utile au chercheur pour qu’il prenne conscience que la réalité des comportements, décisions monétaires et financières ne se livrent pas spontanément et totalement au chercheur et qu’il l’évalue et intègre cette limite dans sa propre démarche de recherche au moment de l’analyse notamment. À l’issue de ce travail nous souhaitons donc insister sur la portée méthodologique de coupler ces deux approches afin d’en éclairer les limites respectives et de les intégrer à l’analyse.