Le recours aux sources “informelles” de liquidité est mis au service de la préservation du droit d’accès aux services de crédit de l’IMF

L’hypothèse théorique qui sous-tend le mécanisme incitatif du renouvellement du crédit est que la capacité de remboursement du montant emprunté à échéance (effectuée en une ou plusieurs tranches) constitue un révélateur approprié des profits générés par l’accès au microcrédit et donc du niveau de bien être de l’emprunteur.

Or, nous démontrons que le remboursement du crédit est susceptible d’être accompli grâce au recours au « secteur financier » informel. En effet, dans la mesure où le microcrédit est principalement dédié à des dépenses non-productives, il ne fait bien souvent que différer la contrainte de liquidité laquelle est réglée en dernière instance par le recours aux transferts privés ou à d’autres sources de prêt et, au mieux, il résout en partie seulement ou temporairement le problème de la disponibilité financière. En effet, la rareté relative de la liquidité qui caractérise le contexte d’étude suggère que préserver l’accès à la source de crédit procurée par l’IMF constitue un enjeu individuel de taille pour les emprunteurs pour qui cette source de liquidité constitue d’abord un instrument essentiel de lutte contre l’incertitude sur les revenus et les dépenses et la rareté relative ou inter-temporelle en liquidité. Dans cette optique, les stratégies adoptées dépassent bien souvent le cadre de l’action individuelle et s’appuient sur un recours prononcé aux réseaux informels d’accès à la liquidité.

Au total, les emprunteurs de la microbanque continuent à mélanger les différentes modalités pour obtenir de la liquidité et participent ainsi à l’entretien du système d’« enchaînement des dettes », la substitution est donc dite limitée. Ces résultats qualitatifs sont confirmés par une analyse statistique et économétrique qui démontre que l’accès au microcrédit ne va pas à l’encontre de l’endettement auprès de l’entourage et n’induit pas non plus de réduction de l’offre de liquidité envers l’entourage.

La relation dialectique est validée au travers de la forte interaction qui s’établit : le microcrédit s’insère dans l’ensemble des relations de dettes / créances que les personnes, ménages tissent avec leur entourage. Il les fait évoluer, en génère de nouvelles et en renforce d’autres. Parallèlement, ces pratiques jouent un rôle décisif dans la performance de l’IMF appréhendée au travers des taux de remboursement. Cette interaction révèle selon nous l’importance pour les ménages de préserver la porte ouverte aux différentes sources de liquidité. Microcrédit et pratiques informelles de liquidité sont mobilisés tour à tour par le ménage et mis l’un au service de l’autre afin de générer une plus grande marge de manœuvre pour le ménage dans la gestion temporelle des différents flux de liquidité. Dans cette optique il ne s’agit pas de substituer les « droits d’accès » à des ressources, même si ceux qui prévalent au sein du réseau social sont autant de sources d’obligations, mais de les faire interagir. La relation n’est donc pas univoque, elle est dialectique.

Le microcrédit autorise donc la personne, le ménage à remplir certaines obligations envers le réseau social et favorise ainsi l’acquisition de nouveaux droits à faire valoir dans un futur plus ou moins proche. À l’inverse, le recours au réseau social pour rembourser le crédit contracté auprès de la microbanque permet à l’emprunteur de ne pas défaillir et autorise ainsi la reproduction du droit d’accès à la liquidité de la microbanque. L’acquisition de ce droit émane des principes mêmes qui guident le fonctionnement de l’IMF et qu’organise le mécanisme dit du renouvelement du crédit.

Ces résultats comportent une double implication pratique :

La sauvegarde du droit d’accès à la liquidité procurée par la microfinance justifie le recours à une forme d’action collective pour faire face aux exigences de remboursement, elle motive également l’adoption de stratégies collectives et individuelles pour « mettre à profit » et ajuster au mieux l’offre relativement indifférenciée de l’IMF aux besoins différenciés des emprunteurs.