Introduction générale

1. Problématique et contenu du sujet

Notre recherche est intitulée : Naissance et croissance d’une Église locale (1896/97–1996). Le Cas du diocèse de Butembo-Beni au Congo/Kinshasa. La première date correspond à l’introduction du christianisme chez les Nande dans les territoires de Beni et de Lubero, au Nord-Kivu, à la frontière avec l’Ouganda. La seconde coïncide avec la nomination de Mgr Emmanuel Kataliko, comme archevêque de la province ecclésiastique du Kivu à Bukavu.

Cette thèse part de la conviction que la conversion d’un peuple au christianisme s’accompagne d’une transformation socioculturelle. Par ailleurs, le christianisme, pénétrant l’intériorité de l’homme dans son contexte culturel, est perçu comme porteur de nouvelles valeurs spirituelles, humaines, et matérielles. Cependant, ce contact de la culture nande avec le christianisme s’accompagna sans aucun doute de heurts, de confrontations.

Il en résulta une certaine acculturation religieuse, un phénomène de symbiose dans la continuité et la discontinuité culturelles, ainsi qu’une prise de conscience religieuse. Cela engendra une réorientation de la vie du peuple qui, par un processus d’adaptation et même de refus du christianisme, se construisit une nouvelle identité et une nouvelle histoire religieuse. Une histoire de la mission suppose ainsi une compréhension de cette confrontation culturelle et des changements subséquents qui débouchèrent sur une acculturation religieuse.

Cinq parties analysent ce processus d’acculturation. La première partie présente les Nande : leur établissement dans les territoires de Beni et de Lubero, leur organisation familiale, politique et économique. Elle dégage ensuite les rites et les célébrations de la vie humaine, et analyse la religion traditionnelle nande. Elle examine enfin les contacts des Nande avec les autres Africains, le monde asiatique, et le monde occidental, dans sa relation avec la colonisation.

La seconde partie analyse les grandes étapes de la mission chrétienne de Beni (1897-1996). Elle traite d’abord de l’introduction du christianisme dans les territoires de Beni et de Lubero par les Pères Blancs (1897-1906) en provenance de l’Ouganda. Elle examine ensuite la mission des Pères du Sacré-Cœur (Déhoniens) à Beni (1906-1929), la prise en charge de cette mission par les Augustins de l’Assomption (Assomptionnistes), son évolution juridique et les questions relatives à la passation du pouvoir missionnaire au clergé diocésain (1929-1966). Elle relate, en outre, les problèmes internes à la christianisation, la pénurie du personnel et des moyens financiers, et la question linguistique. Elle dégage enfin l’attitude de l’Église dans un contexte politique en mutations (1940-1996) : la seconde guerre mondiale, la décolonisation, la rébellion muleliste, la « zaïrianisation » et la seconde république.

La troisième partie retrace la diversité des agents de la christianisation. Elle montre l’évolution et l’implantation des congrégations missionnaires dans le diocèse de Butembo-Beni et l’intégration des autochtones en leur sein : la Province assomptionniste d’Afrique, les Oblates de l’Assomption (1935), les Orantes de l’Assomption (1969), la Compagnie de Marie (1948), les Frères et les Petites Sœurs de Jésus (1952), fondés par Charles de Foucauld, et les autres congrégations missionnaires arrivés dans le diocèse à partir des années 1980). Cette partie analyse enfin le développement de la vie religieuse autochtone dans le diocèse (1940-1996), souligne les problèmes relatifs aux catéchistes, aux vocations religieuses et sacerdotales, et dégage l’évolution du clergé, des congrégations diocésaines des Petites Sœurs de la Présentation (1948), et des Frères de l’Assomption (1952).

La quatrième partie examine le dispositif missionnaire qui consiste dans des activités pastorales et les mouvements catholiques, des œuvres scolaires qui vont de l’alphabétisation à l’université, et les œuvres sanitaires. Elle montre enfin les divers services diocésains qui cherchent à répondre aux projets de développement.

La cinquième et dernière partie de ce travail étudie la question de l’acculturation religieuse chez les Nande. Elle relate les formes de résistances à la christianisation (1930-1970), la concurrence missionnaire des protestants (1920), et de l’islam ainsi que les sectes et les nouveaux mouvements religieux, nés dans le contexte colonial : le kimbanguisme (1921) et le kitawala (1940). Elle examine ensuite la confrontation du christianisme avec la culture nande, étudie le phénomène de rupture et de continuité culturelle, et souligne les défis nés de la christianisation du diocèse de Butembo-Beni.