3. Approches méthodologiques et présentation des sources

Ce travail thématique est analytique et comparatif. Il cherche à dégager des similitudes ou des dissemblances religieuses lors de la réception du christianisme par les Nande. Il porte une attention particulière à la compréhension et au vécu du message chrétien desquels provient une prise de conscience selon laquelle le christianisme est porteur de valeurs humaines et religieuses. Situé dans le temps colonial et post-colonial, ce travail maintient la terminologie des noms utilisés durant ces différentes périodes.

Notre travail est constitué à partir des sources archives. La collection de ces données a rencontré un problème majeur : celui de la destruction des archives de l’État lors de la rébellion muleliste en 1964 et des manifestations des étudiants du primaire et du secondaire en 1989. Les quelques documents restant souffrent du classement de divers archivistes ou alors du fait qu’ils sont retirés à domicile par les agents de l’État.

Néanmoins les archives, non encore travaillées, des Pères du Sacré-Cœur de Jésus (1900-1935) et Pères Assomptionnistes à Rome (1929-1985), des Oblates de l’Assomption à Paris, des Orantes de l’Assomption à Paris, des Pères Blancs à Rome, du Musée de Tervuren en Belgique, et du Ministère des Colonies à Bruxelles (1885-1955), nous ont été d’un grand appui.

Les archives de différentes congrégations religieuses sont constituées des lettres des missionnaires adressées aux membres de la curie généralice. Les rares lettres des chrétiens sont circonstancielles, lors de leurs brefs séjours auprès des missionnaires. Elles expriment la reconnaissance des chrétiens à l’égard des missionnaires et demandent souvent l’accroissement du personnel dans le rang des agents de la christianisation 3 . Toutefois, elles nous renseignent sur les lieux visités par les membres de la curie.

D’autres renseignements proviennent des Revues missionnaires. Ces petits articles des missionnaires ont pour avantage de traduire leurs situations du moment, leurs impressions sur les personnes, les lieux et les cultures rencontrées. Elles montrent aussi le progrès de leurs activités pastorales. Localement, on peut rencontrer certains numéros de la revue diocésaine Sint unum, dont le premier numéro est de 1966, lors du sacre de l’évêque issu du clergé diocésain Mgr Emmanuel Kataliko. Cette revue a une tendance pastorale : elle souligne la vie diocésaine de la chrétienté. Toutefois, de petits articles sur diverses matières peuvent y figurer.

Au diocèse de Butembo-Beni comme à Rome un chercheur peut trouver les «Prospectus ». Ce sont les Rapports annuels, rédigés par le vicaire apostolique, Mgr Henri Piérard. Ils donnent les statistiques de la vie chrétienne durant l’année écoulée qui commence à partir du 30 juin. À la fin de chaque dernière page figurent des commentaires de l’évêque qui interprètent les statistiques et reflète le projet pastoral pour l’année suivante. Depuis les années 1970, on peut, par hasard, tomber sur un numéro des Relationes quinquennalis. Elles remplacent les Rapports annuels et donnent une évaluation de la vie chrétienne après les cinq ans. Outre les données archives, cette recherche se fonde aussi sur des manuels, principalement les catéchismes et les livres de prières, et des fascicules mis à la portée de la chrétienté.

Notre recherche est aussi élaborée à partir des sources orales de différentes couches sociales et de notre expérience personnelle comme Nande. La collection directe des données a rencontré une difficulté : la répugnance de la population locale à être interviewé. Elle ne voit pas non plus la nécessité de répondre à un questionnaire. C’est pourquoi nous avons opté à rencontrer des personnes d’une manière informelle. Ces entretiens avaient comme ligne directrice ce questionnaire à la quelle une personne, le Père assomptionniste Marc Champion, (52 ans de vie missionnaire au Congo) a répondu par écrit. D’autres informations provenaient de notre correspondance avec certains membres du clergé.

Quelles peuvent être les causes du refus ou de l’acceptation du christianisme dans nos différentes paroisses et les milieux dans lesquels nous vivons ou dans lesquels vous avez vécu dans le diocèse de Butembo-Beni : l’attitude des chefs coutumiers avant et après l’indépendance, des missionnaires et du clergé local, des personnes consacrées par les vœux ou dans le laïcat, des non-croyants et des chrétiens d’autres confessions religieuses. Quel était le style de vie chrétienne dans les camps des policiers, des infirmiers, des enseignants, des cantonniers, des menuisiers ?

Quelle fut la doctrine missionnaire, le type de catéchèse diffusé et l’enseignement donné dans le processus d’une transmutation de mentalité et de culture, de l’acquisition du christianisme véhiculée par la culture occidentale. Le symbolisme des images et des cérémonies liturgiques a peut-être joué un rôle important dans la vie des chrétiens. Quelles furent les sortes d’images et médailles utilisées, le sens que le missionnaire les revêtait et le sens que le Nande en donnait. Comment la opulation locale reçoit-elle les différentes cérémonies et rites chrétiens sont-ils reçus par les convertis ?

Pouvons-nous vraiment affirmer que la christianisation du Diocèse de Butembo-Beni ou mieux que la conversion du peuple de notre contrée au christianisme s’est sensiblement accompagnée d’une transformation sociale, religieuse et culturelle. Quels sont les éléments culturels rejetés ou maintenus, et quelles sont les valeurs chrétiennes retenues.. Quelles seraient aussi les grandes réticences de la population locale à l’égard des colons et des missionnaires et de leurs œuvres pastorales, scolaires, sanitaires ? Avant la création du centre catéchétique de Butembo en 1968, y avait-il au préalable une formation initiale (de base) et suivie ? S’il y avait une formation, quelles étaient les disciplines ecclésiastiques et humaines requises pour exercer un tel ministère de catéchiste ? Les témoignages reçus sont compétés et confrontés aux ouvrages inédits et édités sur les Nande, et aux diverses monographies et mémoire de licence ou de doctorat.

Notes
3.

2 MI, 217 : Elèves de Mbingi et Watoto wa Mbao, Mbingi, le 19 mai 1956 ; et Mbao, le 23 mai 1956 ; 2 MI 151 : Jocistes au Général, Butembo, le 24 mai 1956 ; 2 MI 180 : Elèves (garçons) au Général, Butembo, le 23-24 avril 1956 ; 2 MI 204 : Jocistes de Butembo, juillet 1956 ; 2 MI 209 : Gervais Kahasa (enseignant) au Général, Kyondo, le 18 avril 1956.