1.2.1. Le rite de l’exposition de l’enfant au soleil (erihulikya)

Le rite de l’exposition de l’enfant au soleil (erihulukya), c’est-à-dire « faire sortir », est une célébration postnatale 44 intimement liée à l'initiation féminine. Il est célébré lors de l'entrée et de l'accueil officiel du nouveau-né dans la société. Il a lieu après la cicatrisation du cordon ombilical de l'enfant, lorsque sa mère quitte la couche d'accouchement(erilwa okokivunda). À cette occasion, elle prend un bain rituel qui marque la fin de cette forme de réclusion dans la case quand elle gardait l’enfant, et le début de la reprise des activités de la vie ordinaire.

La spécificité du rite de l’exposition de l’enfant au soleil réside dans l'imposition du nom à l'enfant pour exprimer son identité personnelle dans la famille et la société. Par le geste symbolique de faire sortir l’enfant pour la première fois de la maison (erihulukya), pour qu'il jouisse désormais des bienfaits du soleil, l'enfant communie à la nature. Cette manière de faire est à l'origine de l'expression missionnaire : « rite de l'exposition de l'enfant au soleil ». Cette expression garde également une connotation religieuse. Elle fait allusion au sacrifice offert par le mari à la divinité Nyavingi (source d'abondance) ou Nyavivuya (source de tout bien).

Par ce sacrifice, l’officiant dédie le nouveau-né au Dieu-Nyamuhanga et aux ancêtres. Par des formules similaires, l’officiant reprend éléments :

‘« O Dieu d'avant tous les siècles,
O Maître de la vie,
Géniteur de nos ancêtres !
Tu nous envoies un nouveau rejeton !
Fais qu'il pousse (croisse) bien sur cette terre !
Notre enfant est ton enfant (t'appartient).
Qu'il grandisse bien sous le soleil 45  » !

La naissance de l’enfant et le rite de son exposition au soleil sont situés dans une ambiance sacrée et religieuse qui comporte des rites et des prières : la communauté villageoise remercie Dieu et les ancêtres pour le don de la vie.. Outre la consécration de l’enfant à Dieu, ce rite a un cosmique : exposer l’enfant au soleil exprime l’homme voudrait se réconcilier avec la nature

Le rite erihulukya a aussi une signification familiale. Athanase Waswandi résume cet aspect en ces termes : « la naissance de l’enfant est une nouvelle occasion de renouveler l’alliance entre les familles, de raffermir l’amour des époux, et même de démontrer sa fierté conjugale devant les beaux-parents, le groupe des femmes et le village » 46 .

Dans une culture où la progéniture est un des aspects de la finalité du mariage, la naissance de l’enfant enlève la honte qui pouvait résulter de la stérilité de l’un des conjoints. Elle évoque la virilité et la maternité des conjoints. Cela fait l’honneur des deux familles qui ont contracté le mariage. Elles concrétisent leur joie par l’échange des cadeaux. Cet échange se traduit, parfois, du côté de la famille du conjoint, par l’offrande d’une chèvre à la belle-famille.

Dans les questions matrimoniales, la chèvre symbolise la dot qui est l’expression de l’amour du jeune homme pour sa fiancée. Comme cet amour est sans cesse renouvélé, les Nande utilisent l’expression omutahyo syehwa, c’est-à-dire « qu’on ne finit jamais de verser la dot ». Si par la dot, les Nande scellent leurs alliances matrimoniales, le don d’une chèvre à la belle-famille lors de la naissance d’un enfant est un signe qui renouvelle les liens de parenté.

La naissance de l’enfant comporte enfin une dimension sociale. Elle permet d'élargir les relations qui se concrétisent dans la fête de l'amitié (omutsumbirano). Tout au long de cette fête, la famille exprime sa gratitude à l'égard de la sage-femme qui a conseillé la nouvelle mère.

Cette fête est suivie d’autres manifestations festives entre les femmes. Elle culmine dans le repas communautaire appelé omusangano, c’est-à-dire le « repas de la rencontre » durant lequel le groupe des mamans accueille la nouvelle-mère dans la compagnie des mères. Cette occasion leur est favorable pour échanger sur leurs joies et leurs peines dans leur vie conjugales, de se réconforter, et donner quelques éléments de l’initiation féminine aux adolescentes.

Notes
44.

Lieven BERGMANS, Les Wanande, t. 3. Une peuplade aux pieds des Monts de la Lune. La vie familiale ancestrale. Editions ABB, 1973, p. 40-42.

45.

Athanase WASWANDI, op. cit., p. 90.

46.

Ibidem, p. 92.