1.4.1. Contacts avec le monde asiatique

Les premiers contacts des Nande avec les étrangers concernent le monde euro-asiatique (1879-1894) quand Beni qui devint un poste de relais des caravaniers esclavagistes. Ces trafiquants esclavagistes amenaient leurs victimes à Kindu pour les acheminer d’abord à Ujiji sur le lac Tanganyika, ensuite à Bagamoyo avant d’atteindre le port de Dar-es-Salam pour enfin les embarquer à Zanzibar pour une destination inconnue 142 .

Parmi les noms des chefs esclavagistes restés dans la mémoire, les Nande et les instituteurs de l’école primaire transmettent les noms des chefs suivants lors du rappel historique de la contrée : Ngogo Lutete,Tippi-Tip, Rachid, Sefu et Rumaliza qui occupèrent la partie orientale du Congo Belge à partir de la Lomami.

L’horreur dont témoignent les troubadours fut confirmée par les missionnaires déhoniens qui parlent négativement des Arabes et Arabisés. A leurs yeux, « Qui dit Arabes et Arabisés (…) dit aussi : règne de l’esclavage, absence de tout sentiment de moralité, aversion complète pour la doctrine austère du christianisme 143 ». Pillages, massacres, mutilations des membres et même des seins des femmes, vols, tueries, ravage d’éléphants pour trafiquer l’ivoire, et autres atrocités de ce genre signalaient leur passage.

Ces méfaits chantés par les troubadours sont confirmés par un ancien négrier. Après sa conversion au christianisme, il racontait à ses compagnons qui accompagnaient le Père Gabriel Grison lors de ses randonnées apostoliques à Beni : « En ce temps-là, on brûlait les villages, on ne faisait pas la guerre comme les blancs, on tuait, on pillait, on massacrait jusqu’aux petits enfants 144  ».

Ces faits déclenchèrent la révolte des Nande qui se réfugièrent dans les montagnes et opposèrent une résistance active aux négriers et, par la suite, à la présence des européens dans la contrée. Il fallut l’action de la colonisation belge pour repousser les négriers (1879-1894) qui venaient d’introduire l’Islam dans la contrée et abolir la traite des esclaves dans la région. Après leur défaite, Beni devint, en 1894, un poste d’occupation militaire belge.

Néanmoins cette attitude des Nande à l’égard des étrangers n’a pas été généralisée à tous. Les Grecs, les Hindous (avahindi), et les Pakistanais venus dans la contrée lors de la conquête coloniale marquèrent positivement les autochtones par leur commerce et leur établissement des magasins même dans les chefs-lieux des territoires. Ainsi, les ruines des « maison-Shun » ou de Georgandelis évoquent-elles les achats de sel, de savons, de poissons salés, de pétrole, accompagnés de matabishi, article gratuit donné en prime après l’achat. De cette présence grecque est née dans la contrée de Beni et de Butembo un noyau de l’Église orthodoxe, peu fréquenté par les autochtones 145 .

Notes
142.

Chant populaire intitulé Avaharabu, les Arabes, exécuté par les troubadours.

143.

Lettre du Père Joseph Slanden. Lokandu, le 10 janvier 1909, dans Le Règne du Sacré-Cœur (1909), p. 51-52.

144.

Journal du Père Gabriel Grison, Matetas, le 23 septembre 1909, dans Le Règne du Sacré-Cœur (1909), p. 38.

145.

Les archives, à notre portée, ne parlent pas suffisamment de cette présence orthodoxe qui ne figure que dans les statistiques diocésaines de 1987.