1.5.1. Organisation en chefferies (1885-1955)

Après la pacification complète de la contrée de Beni et de Lubero, le Gouvernement se préoccupa de l’organisation politique de la contrée en s’appuyant sur le pouvoir local, les chefs coutumiers, et même les missionnaires. Le Rapport annuel des Affaires Indigènes et Main-d’œuvre (AIMO, dans la suite du texte) de 1938 observe : « Les relations du personnel territorial avec les missions sont comme toujours empruntes d’un esprit d’une étroite collaboration, d’entente et de compréhension mutuelle 191  ».

Malgré la fin de l’organisation politique de Lubero, les efforts furent centrés sur l’organisation interne des nouveaux groupements et la formation des autorités indigènes. Dans ce contexte, l’Administration créa à Beni la chefferie des Wanisanza et du groupe des Wanisanza détachés de la chefferie des Bashu 192 . Cette initiative s’avérait indispensable pour l’autorité coloniale afin qu’elle trouve dans les chefs indigènes des collaborateurs qui feraient disparaître les coutumes traditionnelles contraires au nouvel ordre à établir.

Depuis les années 1910, ce souci fut l’une des préoccupations du Gouvernement qui envisageait des écoles pour les enfants des chefs. Il faisait remarquer que :

‘« Il faut cependant constater que la plupart des chefs indigènes ne sont pas, au point de vue mental, dans des conditions voulues pour être investis des pouvoirs conséquents ; c’est précisément là le point faible de notre organisation en chefferies ; et il n’y a qu’un remède : la création d’écoles où les enfants des chefs et des notables surtout recevraient une instruction suffisante pou leur permettre de comprendre intelligemment leurs devoirs et leurs droits, et une éducation morale capable de faire disparaître chez eux leurs idées et leurs coutumes barbares, principale raison qui nous empêche de donner aux chefs une autorité plus grande ainsi que des droits plus larges en matière répressive 193  ».’

En réalité, les écoles des enfants des chefs n’ont jamais existé dans les territoires de Beni et de Lubero. Les futurs chefs suivaient l’enseignement primaire comme tous les élèves, ils étaient soumis à la même discipline que tous les enfants de l’école. L’unique signe distinctif qu’on pouvait remarquer quand ils venaient à manquer imprudemment à la pudeur est qu’ils n’étaient pas circoncis, car le chef doit rester physiquement intègre.

Leur initiation résidait dans le fait qu’ils recevaient des conseils particuliers auprès des chefs et leurs conseillers, et qu’ils assistaient aux réunions ou les palabres dans la contrée. C’était donc une formation personnalisée. D’une manière générale, après la pacification de la contrée, malgré les tâtonnement du début, le Gouverneur provincial pouvait apprécier la collaboration de l’Administration avec les autochtones en ces termes :

‘« Les chefs du territoire de Lubero rendent tous d’excellents services et peuvent être cités comme exemple de ce que l’on peut obtenir des autorités indigènes lorsqu’elles sont guidées. D’une façon générale, les chefs du territoire de Beni donnent satisfaction mais ils doivent, pour la plupart, être continuellement stimulés Cependant, la route de Bataligna n’est pas inachevée. C’est un lieu où s’exerce encore la contrainte mitigée. L’organisation politique de ce territoire est pratiquement terminée. Le personnel administratif s’occupe activement de la formation des chefs, du fonctionnement des tribunaux indigènes, de l’administration des caisses des circonscriptions. Les chefs locaux fréquentent les réunions des conseils de notables, mais les progrès réalisés en matière de recensement sont insuffisants tout au moins pour ce qui concerne l’établissement des fiches individuelles 194  ».’

En s’appuyant sur les chefs et les notables, le Gouvernement colonial employa une méthode, qu’il appela indirecte, dont les avantages sont définis dans cette appréciation :

‘« Nos méthodes d’Administration indirecte nous ont amené à associer toutes les autorités indigènes à notre action pour conduire les populations à un état de civilisation plus avancé au point de vue économique, intellectuel et moral. Les chefs indigènes coutumiers, extra—coutumiers ou désignés suivant des modalités compatibles avec les usages d’un groupe ethnique qui avait perdu son unité restent les éléments constructifs principaux de l’organisation administrative des chefferies, des centre extra-coutumiers et des secteurs 195  ».’

Dans ce nouvel ordre administratif, les chefs avaient entre autres charges de présider aux tribunaux indigènes, de tenir la comptabilité de la caisse administrative de leurs circonscriptions, d’assurer trimestriellement la présidence du conseil des notables. Par ailleurs, ils percevaient « l’impôt indigène », participaient au contrôle des cultures imposées, à la vérification de l’entretien du réseau routier d’intérêt local, à la surveillance des obligations relatives à l’hygiène dans les villages, et veillaient à ce que les travaux forcés ne dépassent pas les 55 jours.

Ils aidaient aussi le personnel territorial dans les travaux de recensement des populations et donnaient leur appui pour l’établissement des enquêtes démographiques. Ils participaient, en outre, au recrutement des milices pour la Force Publique, contrôlaient la prison de la chefferie, s’intéressaient à la construction des bâtiments des centres administratifs indigènes, participaient activement au maintien de l’ordre, à la police de leurs circonscriptions, aux recherches judiciaires, et à la surveillance des sectes 196 .

Cette collaboration avec les indigènes fut mise en œuvre depuis les années 1920. Les moyens qui furent mobilisés pour y parvenir étaient d’abord de réunir les notables et parfaire leur éducation afin qu’ils aient de l’influence sur le peuple. Ensuite, le regroupement, parfois arbitraire, des populations à l’intérieur des chefferies, et la mise en marche du fonctionnement des tribunaux indigènes où les juges, durant leur formation auprès des Européens, s’inspiraient des idées du colonisateur 197 .

Cette méthode eut du succès grâce au contact continuel avec les populations, aux conseils régionaux et aux notables qui aplanissent les différends, aux juridictions indigènes qui instauraient la paix sociale, à la formation professionnelle des chefs et des juges. Par ailleurs, les regroupements des populations à proximité des routes ou des pistes facilitaient l’administration des indigènes par des autorités européennes et autochtones.

Ce système renforça l’autorité des notables et leur conseil qui, par le Décret du 5 décembre 1933, fut reconnu comme un organe traditionnel par le législateur dans le: contribution de l’Administration intérieure des circonscriptions indigènes 198 . Ces conseils commencèrent aussi à légiférer en introduisant le vol et l’ivresse publique dans les sanctions pénales 199 , et en cherchant à codifier des coutumes 200 . D’une manière générale, le jugement et les sentences étaient prononcés par les notables après un consensus avec le juge européen. Sans une décision prise de commun accord avec le blanc, les jugements étaient à refaire 201  !

Dans ce nouvel ordre, émergèrent des droits et des devoirs réciproques définis par la « charte coloniale » qui était supposée être mise en vigueur depuis l’année 1909. C’était une circulaire relative à la ligne de conduite à suivre par tous les fonctionnaires et les agents de la Colonie en ce qui concerne les dispositions législatives et gouvernementales en faveur des indigènes. Il s’agissait, en tout, du respect des droits des indigènes.

Cette charte recommandait que le fonctionnaire et les agents respectent les indigènes poursuivis ou condamnés, veillent au sort des indigènes ayant purgé leur peine et particulièrement des libérés conditionnels. Elle exigeait aussi de sauvegarder les intérêts des travailleurs indigènes au service de la colonie ou des particuliers, de provoquer et faciliter les unions entre les noirs. Elle leur demandait enfin d’entourer de soins les indigènes appelés à se déplacer afin d’aller comparaître comme témoins devant les tribunaux. Le Gouvernement et agents s’engageaient enfin à améliorer les conditions morales, sociales et matérielles d’existence des populations autochtones 202 .

Cette ligne de conduite des fonctionnaires et des agents de l’État s’accompagna, du côté des autochtones, des obligations découlant des décrets d’organisation sur les circonscriptions et des décrets sur l’impôt indigène. Dans un extrait du compte rendu du Conseil de Province de Lusambo qui, en 1936, revoyait le Décret du 27 juillet 1918, les participants définirent l’attitude que les autochtones devaient prendre à l’égard de l’Administration et de ses agents.

Cet extrait définit en vingt articles, les obligations des Noirs sous peines d’amende ou de service pénal. Les indigènes peuvent être poursuivis pour leurs propos irrespectueux ou tenus à l’égard d’un agent européen de l’autorité publique, et pour tout acte commis dans le but de provoquer du mépris ou de l’insoumission à l’égard des pouvoirs. La mise en circulation d’une rumeur ou d’un bruit sciemment mensonger, susceptible d’alarmer les populations dans le but de susciter contre les agents de l’autorité publique ou contre les actes qui constituent leurs attributions, était une infraction.

Parmi les infractions, on note le refus de fournir des renseignements demandés ou de fournir des réponses mensongères, le fait de ne pas répondre à une convocation, le refus de payer l’impôt, le recel de personne ou l’aide donnée dans le but de soustraire aux chercheurs les personnes poursuivies par la justice, l’abandon d’un agent de l’autorité au cours du voyage, la destruction ou les obstacles empêchant le passage ou la traversée des cours d’eau, lacs ou marais.

Sont encore sanctionnés, la fuite du village à l’arrivée d’un agent de l’autorité publique, le refus de répondre aux convocations écrites ou verbales, l’inexécution ou la négligence dans l’exécution des travaux imposés, la dissimulation d’une personne dans le but de le faire échapper aux obligations qui lui sont imposées par les dispositions sur le recensement, les passeports de mutations, les impôts, la milice, les travaux imposés aux chefferies, la comparution des témoins en justice, et le recel.

L’inobservance de se baigner dans les endroits fixés par l’Administration territoriale, l’enterrement d’une personne en dehors des cimetières ou à moins de 100 mètres des habitations, la négligence ou le refus d’obéir à la sommation verbale par l’agent de l’Administration, la contamination d’un puits, d’une source, d’un abreuvoir, d’un réservoir ou d’un cours d’eau, l’entrave apportée à la navigation par des objets de nature à rendre difficile ou dangereux les passages d’embarcation, ainsi que celle apportée à la circulation routière, et enfin les pratiques de charlatanisme et de sorcellerie 203 , sont autant de fautes qui vont à l’encontre de l’ordre social et qui méritent des sanctions.

D’une manière générale, l’attitude que les populations devaient adopter se résume par ce principe : le respect de la hiérarchie. Certains fonctionnaires voulaient l’imposer par des mesures excessivement répressives en suivant le principe d’autorité. Dans la perspective de défendre les droits des indigènes, P. Ermens, Vice-Gouverneur Général au Gouverneur de la Province d’Elisabethville, dans sa lettre du 3 mai 1944, écrite à Léopoldville réagit :

‘« Les conclusions de ce fonctionnaire méritent, je pense, une mise au point, surtout qu’il écrit : ‘Ce n’est que devant un régime dur et ferme et juste que l’indigène s’incline.’ L’autorité basée sur la force finit par devenir inopérante, elle ne conduit ni à des résultats stables ni à la collaboration primordiale entre Européens et indigènes. ‘Notre politique doit être juste et ferme’. C’est bien mal méconnaître l’organisation sociale et politique des indigènes que de la baser en premier lieu sur la dureté (...). Tout ceci n’exclut évidemment pas la nécessité d’une juste et ferme répression, mais elle doit s’exercer avec dignité et ne peut jamais prêter à la croyance qu’elle est le résultat d’un ressentiment ou l’expression d’une antipathie raciale 204  ».’

L’organisation du territoire comportait aussi un aspect économique dont les fruits provenaient des impôts et des travaux forcés. Dans les années 1947-1948, dans les territoires de Beni et de Lubero, parmi les travaux forcés figurent l’imposition du riz et des bananiers, du soja, du caféier, de haie, de manioc intercalaire, des patates douces, du boisement, des pommes de terre, des maïs, des petits pois, du froment, et des colcases, dans la contrée de Luofu, la région du lac Edouard, à Bingi, et à Alimbongo.

Dans un premier temps, la population locale s’intéressa davantage au travaux auprès des Européens à cause de son aspect rémunérateur. Cette situation favorisa l’exode rural et fut l’une des sources de la famine dans la contrée, dans les années 1943-1944. Cette famine s’aggrava ensuite à cause du grand nombre de personnes à circoncire car cette pratique annuelle de la circoncision fut tolérée par les fonctionnaires de l’État après dix ans d’intervalle. Or ce temps d’initiation traditionnelle exigeait parfois plus de trois mois de réclusion dans la forêt, en dehors de son cercle familial, de son village, et de ses champs. Par ailleurs, la main-d’œuvre recrutée pour les travaux de l’État en dehors de la contrée, la ruée des personnes vers les mines et les coopératives, l’émigration en Ouganda où le standing de vie semblait plus élevé, et la fuite des corvées de chefferies étaient autant de causes qui laissaient le travail des produits vivriers aux femmes, et entraînaient l’abandon des cultures locales 205 .

Ce fut dans ce contexte que les cultures vivrières, à bas rendement, eurent tendance à être délaissées. Toutefois, l’augmentation des prix des vivres dans les années 1947-1948, eut une heureuse influence : moins de personnes se sont expatriées. À cette période le Rapport de l’Administrateur territorial relève le tableau comparatif 206 suivant :

Vivres vendus 1947 tonnes 1948 tonnes
farine de banane   1 630   1 686
haricots   1 174   1 838
petits pois   271   539
soja   212   98
pomme de terre   3 000   2 693
blé   405   538
paddy       30
arachides   30   27
café   148   187

Cette élévation du niveau de vie par la vente des produits vivriers ne mit pas fin au mouvement d’émigration et d’immigration les territoires de Beni. Parmi les raisons qui ont maintenu ce va et vient avec l’Ouganda se trouvaient des raisons historiques, coutumières et politiques. D’une part, les nande ont gardé des attaches coutumières avec l’Ouganda, leur point de départ pour le Congo. En outre, les salaires élevés en Ouganda attiraient certains Nande congolais dans ce pays limitrophe. Par contre, le mouvement inverse se manifestait en Ouganda. Le coût trop élevé de la vie chez les anglophones incitait les Nande de l’Ouganda à immigrer au Congo-Belge. Enfin, selon le Rapport du 13 janvier 1951 établi par l’Administrateur territorial, R. Flament, les Nande, « avides de liberté » en face des mesures impopulaires des cultures imposées, des mesures d’hygiène, et des regroupements arbitraires de la population avec des chefs imposés, préféraient aller vivre en toute liberté en Ouganda où ces répressions n’existaient pas 207 .

Parmi d’autres raisons d’émigrer 208 se trouvait le fait que la limite ethnique ne correspond pas aux frontières de la colonie à tel point que l’Administrateur était incapable de chiffrer l’importance des mutations 209 . Ce fait est à l’origine du conflit autour du terrain de Kaliro entre les chefs Baswaga et Batangi dans la zone de Lubero.

Les tracées du réseau routier, les constructions des bâtiments des chefferies, des écoles primaires rurales, des dispensaires, des maternités, des léproseries, des gîtes de passage pour les Européens, l’imposition des cultures de reboisement et d’arachides 210 , bien qu’ils aient été d’utilité publique finirent, à la longue, par peser sur la population locale restée dans les villages. C’est pourquoi, l’Administration dut accepter de ne pas excéder 55 jours de travaux forcés 211 .

La disette de 1943-1944 dans la contrée et l’émigration constante des populations réside dans plusieurs facteurs. D’une part, d’après le Rapport annuel (1944) des AIMO sur Province du Kivu, l’Administration a imposé la culture du caoutchouc qui ne favorisait guère les cultures vivrières. La contrée a fourni 2400 tonnes de caoutchouc, en 1944, contre 1700 de l’année précédente 212 .

Par ailleurs, le recrutement de la main-d’œuvre pour le territoire voisin de Rutchuru, et la surpopulation de la contrée qui avait pour conséquence la restriction des terres arables, portaient spontanément les personnes à chercher plus de liberté, en dehors de leur contrée. J.P. Brasseur, Gouverneur Provincial de Costermansville dans le Kivu dégagea cette situation dans son Rapport du 22 avril 1952 quand il écrit :

‘« Il faudra poursuivre les efforts en vue d’améliorer le standing de vie des indigènes. Certaines régions sont surpeuplées et il faudra bien que certains continuent à aller s’engager dans les entreprises européennes. Les recrutements massifs en territoire de Lubero ont réduit à néant les disponibilités pour l’extérieur, les recrutements continueront à être autorisés pour Rutchuru. Au surplus la fermeture du territoire de Lubero n’est que provisoire car la situation démographique y est excellente et il serait illogique d’interdire trop longtemps le recrutement alors qu’on doit craindre un manque de terres convenables pour cultiver dans certaines régions. Il va de soi qu’il ne faut pas mettre obstacles aux départs spontanés 213  ».’

Le dernier aspect qui incitait à l’émigration, avant la pacification de la contrée, en 1936, réside dans le refus de l’occupation coloniale, dans le malaise interne provoqué par les luttes entre les chefs, et dans la crainte des épidémies. F. Absil, Commissaire de district du Nord-Kivu, décrit cette situation en relation avec le Rapport des AIMO (1936) quand il commente :

‘« La politique de force, les exactions des chefs et policiers ont fait émigrer de nombreux Bashu, soit dans le territoire de Lubero, soit en Ouganda(…). Les recrutements dans la montagne pour la route Beni-Katwe, l’épidémie de dysenterie qui s’est déclarée sur les sentiers, l’emploi abusif des contraints mitigés et le malaise qui régnait dans la région de Beni suite aux meurtres ‘aniotos’ et à leur répression ont contribué à semer l’inquiétude parmi les natifs et à inciter les moins courageux ou les plus atteints à émigrer. Le peu de ressources des populations et la crainte de voir arriver le collecteur de l’impôt contribuent à augmenter le malaise et à rendre les natifs méfiants 214  ».’

En dépit de ces aspects, la méthode indirecte appliquée dans la contrée de Beni et de Lubero, ainsi que le regroupement des villageois dans des agglomérations semblent avoir réussi, au moins selon l’Administration coloniale, à telle enseigne que deux Rapports successifs des AIMO, en 1944 et en 1951, notifient :

‘« Lubero et Beni réunissent des notables réguliers aux rencontres et fructueux dans leur labeur. Ils donnent à l’Administration des résultats satisfaisants dans la collecte des impôts, dans l’exécution des travaux imposés et fréquentent régulièrement les réunions des conseils. On rencontre dans ces contrées un fonctionnement normal de la juridiction indigène. Les indigènes ont achevé le programme de construction en matériaux durables dans les chefs-lieux de la circonscription 215 .’ ‘« La population indigène de Butembo, à forte majorité Munande, est calme et docile, parce que bien tenue en main. Un bon esprit d’émulation règne parmi les habitants de la cité, en ce qui concerne la construction de nouvelles maisons, l’aménagement des parcelles, et l’entretien des avenues. À quelques rares exceptions, la population exécute volontairement et rapidement tous les travaux d’aménagement demandés. Les travailleurs régulièrement établis comprennent et soutiennent la répression du vagabondage dans le poste et des installations irrégulières d’oisifs 216  ».’

Le dernier souci de l’Administration fut celui d’avoir des collaborateurs à la place de simples transmetteurs d’ordres. Ce désir, en 1944, porta son effort vers une formation des conseils locaux indigènes qui ne seraient plus de simples réunions facilitant aux représentants du peuple la communication de décisions prises à l’avance. Il fallait donc une représentation directe des indigènes.

Certes, au début, les délégués ne pouvaient pas prendre une part bien utile aux délibérations, mais l’horizon de leurs pensées s’y trouvait élargi. Ce fait était aussi une forme de formation préparatoire reposant, d’une part, sur une participation active aux conseils de centre et aux conseils de territoire bien dirigés, et d’autre part, sur les possibilités d’accéder à une instruction « semi-supérieure » sur certains éléments.

Cette attitude plus positive à l’égard des autochtones du pays ressort dans cette déclaration de R. Preys, le chef de service des AIMO, en 1994, qui souhaitait même la publications des sujets examinés :

‘« Nous devons arriver à voir représenter tout au moins partiellement les intérêts des indigènes par des indigènes, - je ne dis pas exclusivement, car notre mission civilisatrice est précisément de défendre ces intérêts et le véritable intérêt des indigènes sera encore longtemps mieux défendu par des Européens -, ne possédant aucun intérêt financier dans la colonie (…). « Ce qui énerve souvent le public, c’est qu’il a l’impression que l’Administration dissimule certaines choses ou les présente sous un faux jour. La publicité des débats des conseils de Province et du Gouvernement réduirait la portée de ce malaise. Il pourrait être réservé le droit pour le Président d’ordonner le huis-clos pour des questions intéressant la conduite de la guerre ou la politique internationale 217  ».’

Cette politique de collaboration dans les territoires de Beni et de Lubero se poursuivit par la participation aux réunions dans les grands centres. En réalité, dans les matières qui n’étaient pas exigées par l’Administration, l’entretien des routes ou les travaux imposés, les chefs coutumiers restaient les maîtres sur le terrain. Cela aboutit à une double administration du peuple : le gouvernement coutumier et colonial, dans lequel, le chef lui-même était parfois soumis, et sanctionné comme le bas peuple. Néanmoins, après l’indépendance du pays (1960), cette collaboration se poursuivit dans le nouveau système d’administration calqué sur le modèle de l’Administration coloniale.

Notes
191.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1938, p. 1.

192.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1938, p. 8-9.

193.

AMC (Archives du Ministère des Colonie, non classés) : Bebaets, Rapport général sur la zone de l’Ituri pour 1911 au Gouverneur Général.

194.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1939, p. 16.

195.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1949 : coutumes : Participation des chefs à l’Administration et attitude, p. 49.

196.

Ibidem, p. 50-51.

197.

AIMO, 45, 8, 1, Territoire de Beni. Rapport annuel, 1932, p. 6.

198.

AIMO, 45, 8, 7 : Rapport annuel,1938 : contribution de l’administration intérieure des circonscriptions indigènes, Beni, 1938.

199.

AIMO, 45, 8, 7 : Rapport annuel, 1938 : M. Maenhaut (AT), et Rapport annuel Aimo 1940. Beni, le 1er janvier 1940.

200.

AIMO, 45,8,10 : Rapport annuel, 1941, R. Maquet, (AT), Beni le 7 janvier 1942, p. 7.

201.

AIMO, 45, 8,1. Province Orientale, Territoire des Wanande-Nord. Beni. Rapport annuel, 1932 :. Lingier, Administrateur Territorial Adjoint. Beni, le 1 janvier 1933, p. 7-8.

202.

AIMO, II, D, 18, 1. Blancs et Noirs: Charte coloniale. Circulaire. Boma, le 23 avril 1909.

203.

AIMO, II, K, 3, 4.: Généralités : Extrait du Compte rendu du Conseil de Province de Lusambo, 1936.

204.

AIMO, D, 18 bis, 1 : P. Ermens, Principe d’autorité. Léopoldville le 3 mai 1944.

205.

AIMO, 128, 5 : Rapport annuel, 1947 : Considérations générales, 1948, p. 42.

206.

AIMO, 128, 7 : Territoire de Lubero. Rapport annuel : 1950, p. 31.

207.

AIMO, 45,8,19 : Rapport annuel : R. Flament, Beni le 13 janvier 1951, p. 22.

208.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1942, p. 6.

209.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1944, p. 36.

210.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1938, p. 58.

211.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1949 : coutumes, p. 50-51.

212.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1944, p. 36.

213.

AIMO 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1951, p. 12, par J.P. Brasseur, Gr/Prov., Costermansville, le 22 avril 1952.

214.

AIMO, 127, Rapport annuel, 1936,: F. Absil, Commentaires du Commissaire de District relatifs au Rapport AIMO, 45, 8, 5, 1936 : Territoire de Beni. Costermansville, le 6 février 1096, p. 1.

215.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1944, p. 36.

216.

AIMO, 127 : Province du Kivu: Rapport annuel 1951, p. 13.

217.

AIMO, D, 18 bis, 1 : R. Preys, Participation des indigènes. Notes Léopoldville, le 8 juillet 1944.