2.3.2. Conditions climatiques

Hormis ce contexte socio-politique et culturel, les Déhoniens furent confrontés au problème de la maladie qui, non seulement, développa la mortalité et la conscience du sacrifice de leur vie au Seigneur mais avait aussi pour effet la diminution du personnel missionnaire. La contrée de Beni, qui fut déclarée d’une manière romantique par les missionnaires « la plus saine du Vicariat des Falls », « les alpes africaines 468  », « la Suisse africaine ou encore Suisse du Kivu 469  », à cause de son relief accidenté, de la faune et de la flore charmant les occidentaux, se présentait de prime abord comme « la réunion de toutes les splendeurs de la nature 470  ».

Malgré sa beauté naturelle, la mission de Beni provoqua aussitôt le désenchantement des missionnaires. En 1907, pendant que l'on construisait des hangars pour briques, l’ouragan détruit la première chapelle et la moitié de la mission 471 . Il fallait reconstruire les ruines tout en continuant le travail apostolique et pastoral d'enseignement au catéchuménat et à l'école, de recrutement et de la connaissance de la région. Deux ans plus tard, en 1909, un autre ouragan s'abattit sur la mission : « Tout est à recommencer. Puisqu’il faut recommencer, on recommencera 472  ».

Les Déhoniens décidèrent alors d’abandonner Karuhamba car les reconstructions continuelles ralentissaient la pastorale directe. Les Pères Léon Cambron et Joseph Lens allèrent à la recherche d'un nouvel emplacement aux abords de la rivière Talya qui se révéla aussi insalubre à cause de la mouche tsé-tsé, vecteur de la maladie du sommeil. Cette mission Kakondjo Saint-Gustave qui était déjà presque entièrement construite fut abandonnée.

En 1911, lors de sa visite à Beni, Mgr Gabriel Grison, récemment nommé, en 1908, vicaire apostolique des Stanleys-Fallls, décida du choix d'un nouveau site, le Vieux-Beni, à proximité du poste de l'Etat. Le Père Léon Cambron, nouveau supérieur, se chargea de cette nouvelle entreprise et des premières constructions provisoires pendant que les autres missionnaires s’occupaient des travaux de déménagement qui demandèrent trois cents porteurs et trois semaines. Les abords de la Talihya, qui connaissaient une vie prometteuse et débordante pour la mission, furent définitivement abandonnés le 22 novembre 1912.

Cependant, la mouche tsé-tsé n'a pas encore laissé tomber son dard mortel. Même à Vieux-Beni, « la maladie du sommeil faisait d'effroyables hécatombes » en sorte que Mgr Gabriel Grison écrit :

« Si Dieu n'arrête pas le fléau, il est à craindre que ce pays ne devienne une immense solitude. Partout déjà, les Supérieurs ecclésiastiques des Missions ont ordonné des prières publiques afin d'obtenir de sa Miséricorde la disparition de cette terrible et redoutable maladie. Nous en sommes menacés autant que personne. Elle nous a tué un Frère à Beni qu'elle nous oblige à abandonner 473  ».

Une fois de plus, le nouveau poste devra être abandonné malgré son développement sensible et la préparation de 180 néophytes à la confirmation. L'administration coloniale venait d’en faire autant. En effet, en 1926, l’administration coloniale exigea « manu militari » un déplacement obligatoire de la population de la plaine de la Semliki vers les montagnes.

Il n’y eut plus de vie humaine dans la plaine qui venait de devenir le Parc National des Virunga. Bien que le déplacement obligatoire fut mal reçu par le peuple, la mesure était pourtant salutaire aussi bien pour les Européens que pour la population locale. Il fallait abandonner le royaume de la mouche tsé-tsé et de la mort.

Au début de juillet 1926, Mgr Gabriel Grison, lors de sa visite pastorale à Beni, demanda à ses missionnaires de suivre l’ordre des agents de l’Etat et d’abandonner ce poste pour un nouvel emplacement. En effet, en 1924, ces derniers avaient transféré leur poste d’administration à Bungulu et entraînèrent à leur suite les villages environnants si bien que la mission restait dans un véritable désert. Ceux qui resètent auprès des Pères étaient environs 800 chrétiens dont la plupart étaient atteints de la maladie du sommeil 474 . Rester à Beni aurait été un suicide !

À la fin de tournée pastorale, la mort dans l'âme, Mgr Gabriel Grison communiqua à ses missionnaires présents que la mission devra être abandonnée malgré ses constructions en briques, sa beauté et ses promesses d’avenir. Selon le Père Lieven Bergmans, les Déhoniens reçurent cette décision avec une « résignation évangélique 475  ». En réalité, les vingt ans de labeur apostolique avec tout ce que cela comportait comme sacrifices, sueurs, préoccupations et amour s’effondraient.

En dépit de tout, à la fin de l'année de 1926 et au début de 1927, les missionnaires, sous la direction du Père Modeste D'Hossche, s’établirent dans l'actuel site de Beni aux environs de Bungulu où le poste d'État venait de s'installer avec les agents de l'union Minière des Grands Lacs (MGL) qui préparaient des études en vue d'un projet de chemin de fer qui, malheureusement, n'a jamais été réalisé 476 .

Notes
468.

ED 191 : Thomas De WESTERLINCK, Lettre aux amis, Beni, 1927.

469.

Romanus DECLERCQ, « Le pays et les gens », dans l’Afrique ardente (1954) n°85, p. 17.18.

470.

« Une vaillante figure d’apôtre : Mgr Gabriel Grison », dans Le Règne du Sacré-Cœur de Jésus (1934), p. 25.

471.

Correspondance du Père Léon Farinelle avec le Père Léon Déhon. Beni, le 17 octobre 1907, dans Le Règne du Sacré-Cœur de Jésus (1908), p.3.

472.

Pierre-Fernan GERMAIN, « Un orage à Beni », Beni, le 27 février 1907, dans Le Règne du Sacré-Cœur de Jésus (1937), p. 75.

473.

Correspondance du Père Gabriel Grison avec ses missionnaires, Beni le 15 juillet 1911.

474.

Lettre du Père Modeste D’Hossche, dans Le Règne du Sacré-Cœur (1927), p. 267.

475.

Lieven. BERGMANS, op. cit., p. 36-37.

476.

Ibidem, p. 32.