2.4.3. Les Assomptionnistes et la mission de Beni (1929-1934)

La Congrégation des Augustins de l'Assomption en son Conseil général de janvier-février 1929 recut l'approbation du Saint-Siège de pouvoir s'occuper de la partie est du Vicariat apostolique de Stanley-Falls où elle était attendue avec impatience par les Prêtres du Sacré-Cœur. La donation étant rendue officielle, ces missionnaires de la première heure ne voulaient plus rester jusqu'en mars 1930 573 .

Cette impatience se comprend par le fait que, lors de la réception de la Mission de Beni 574 , le Père Norbert Claes voulut rapporter le départ des premiers missionnaires pour une année afin de préparer ses missionnaires qui suivraient des cours de médecine tropicale pourtant pas indispensables 575 et d’apprendre le swahili, leur nouvelle langue pour l'apostolat.

En juillet-août 1929, Mgr Gabriel Grison vint attendre ses nouveaux missionnaires à Beni. A bout de patience, il rédigea, le 16 juillet 1929, une lettre de sept pages contenant des renseignements et des avis sur ses postes de Beni Saint Gustave et de Kimbulu Saint Joseph qu'il venait de céder. Il relata d'abord que la région était toute neuve et qu'elle venait d'être relativement soumise à la conquête coloniale Belge.

Il rassura ensuite les Pères sur l'avenir du poste de Kimbulu qui semblait avoir le sol et un sous-sol riches en or, en platine, en étain, en diamant et d'autres pierres précieuses et les rassura sur les bonnes dispositions de la population. Enfin, il leur recommanda d’apprendre les deux langues locales : kinande et swahili afin d’atteindre toute la population même ceux qui travaillent dans les mines, habitués au swahili qui est aussi utilisé dans les manuels scolaires.

Dans la suite, Mgr Gabriel Grison demanda aux Assomptionnistes de faire de Kimbulu un centre d’évangélisation. De cette façon, ils libéreraient la population locale de la corvée de nourrir les catéchumènes et les ouvriers qui auraient sur place les instructions chrétiennes. Il envisagea, en outre, la possibilité de la transférer ce poste ailleurs dans le cas où le centre deviendrait incapable de pourvoir à la survie de la paroisse 576 .

Il recommanda aussi de maintenir les oeuvres, les écoles, le troupeau et le moulin, et d’entretenir de bonnes relations avec les agents de l’État et de la mine. Il leur conseilla enfin de créer une école normale afin de former des catéchistes-instituteurs, et de trouver parmi eux un représentant légal pour leurs concessions. En attendant, il leur garantit qu’il assurerait provisoirement ce service 577 .

Après deux mois de vaine attente, Mgr Grison se décida à regagner sa résidence à Stanley-Falls. Avant son départ, il écrit, le 4 août 1929, un rapport détaillé sur la mission de Beni qu’il remit entre les mains de Mgr Matthyssen de la Préfecture du Lac Albert afin que ce dernier le remette aux Assomptionnistes à leur arrivée à Bunia.

Dans ce rapport, Mgr Gabriel Grison notifia d’une manière générale la situation des postes de mission de Beni et de Kimbulu. Il releva les problèmes rencontrés au centre de Beni et les spécifia en relatant ses transferts successifs, la mort de six missionnaires, son isolement et enfin ses espoirs d'avenir. Il mentionna aussi au sujet de Kimbulu l’éventuelle pauvreté du centre et les douze hectares de plantation prévus pour son autofinancement 578 . Ce rapport et le mémorandum consituèrent les directives que les Assomptionnistes suivirent au début de leur apostolat au Congo.

Le premier groupe des missionnaires assomptionnistes au Congo-Belge avait comme Supérieur religieux, le Père Conrad Groenen, nommé à Bruxelles le 15 juillet 1929. Ce groupe était constitué de quatre Belges, les Pères Conrad Groenen , Henri-Joseph Piérard, Marie-Jules Celis, et du Frère Ignatius Nelissen, ainsi que de deux Hollandais, le Père Baudouin Ponsaert, et le Frère Antonius Sanders. La composition de ce groupe répond aux désirs du gouvernement colonial qui souhaitait avoir dans sa colonie plus de religieux belges appartenant aux congrégations missionnaires étrangères 579 .

A la demande du Supérieur général des Prêtres du Sacré-Cœur et de Mgr Gabriel Grison, les six premiers missionnaires assomptionnistes au Congo-Belge s'embarquèrent de Marseille, le 12 septembre 1929 et arrivèrent à Beni le 14 octobre 1929, conduits par Mgr Matthyssen de la Préfecture du Lac Albert 580 . A ce premier poste de mission, le Père Modeste D'Hossche des Pères du Sacré-Cœur de Jésus, Supérieur de mission, accueillit la relève au milieu de sa chrétienté.

L’accueil à Bunia comme à Beni souda des relations cordiales entre les trois futurs Vicariats voisins et réconforta les nouveaux Pères qui ne voyaient aucun signe de regret chez les missionnaires qu'ils venaient remplacer. Afin d'initier les six nouveaux missionnaires à leur nouvelle tâche apostolique, les Pères Modeste D'Hossche et Jean-Felix Groothius à Beni, et le Père Piet Verheul à Kimbulu, le Père Cambron étant en congé en Europe, demeurèrent avec eux durant trois mois. Ils les quittèrent définitivement le 16 janvier 1930 à Beni et le 16 février 1930 à Kimbulu.

Ces départs des Pères du Sacré-Cœur furent ressentis par les nouveaux missionnaires comme un abandon 581 . Restés seuls à Beni, sans véritable initiation à la tâche, ils se confrontèrent bientôt à une série de difficultés à surmonter sur un immense champ apostolique avec un personnel fort réduit : difficulté d’adaptation, premiers bégaiements des langues africaines, le Swahili et le Kinande, difficulté de ravitaillement et d'approvisionnement, irrégularité dans l'envoi de renforts missionnaires. Tout cela compliquait les nouvelles fondations sans parler de la pauvreté qui touchait au dénuement et qui faisait contracter des dettes 582 .

Par ailleurs, les arrivées réglaient partiellement le problème de la vie commune. Quand les missionnaires étendaient leurs activités apostoliques, ils se contraignaient à une visite régulière de leurs ouailles afin de maintenir le contact avec les nouveaux chrétiens et d'approfondir l'instruction chrétienne qu'ils venaient de leur dispenser dans le catéchuménat. Ces randonnées successives en brousse permirent aux missionnaires de vivre avec le peuple qu'ils christianisaient et aux chrétiens de se rapprocher de leurs agents de l'évangélisation.

Une autre difficulté d'envergure au début de l'apostolat des Assomptionnistes au Congo fut la dépendance excessive de Stanley-Falls. Les missionnaires ne recevaient pas automatiquement la juridiction sacerdotale. Ils devaient d'abord recevoir les feuilles du pouvoir (folium juriditionis) 583 qu'ils obtenaient après la profession de foi selon le droit canon. Par ailleurs, ils étaient soumis au règlement de la métropole et obligés de se rendre aux Falls, ou du moins de s'y faire représenter par le Supérieur de mission, pour présenter leurs rapports et y participer aux chapitres 584 .

Cette situation ne laissait pas aux nouveaux missionnaires une grande liberté d'action surtout que les réponses aux demandes de conseils et directives pastorales prenaient du temps. En effet, les Assomptionnistes étaient confrontés aux problèmes juridiques concernant les baptêmes, les mariages, l'empêchement d'âge canonique de mariage, et la validité des mariages contractés dans l'infidélité après le baptême. Par ailleurs, les réponses aux questions relatives à la régularisation des situations matrimoniales ne parvenaient pas souvent en temps opportun à cause de la difficulté des communications et de l'éloignement de la résidence épiscopale 585 .

En vue de résoudre ce problème, les missionnaires assomptionnistes et Mgr Gabriel Grison travaillèrent à l'indépendance de la mission de Beni qui venait de connaître l’arrivée progressive de renforts religieux, l'accroissement des catéchistes et des chapelles qui permirent de créer deux postes de mission à Muhangi (1933) et à Mulo (1934) dans la zone de Lubero.

Ce personnel missionnaire et local donna des possibilités d’intensifier le recrutement, l’instruction des catéchumènes et la prédication évangélique, d'assurer l’aumônerie de la compagnie Minière des Grands-Lacs (MGL) et l’enseignement scolaire en collaboration avec des moniteurs-catéchistes, de développer les œuvres médicales, et de se pencher de plus près sur les problèmes pastoraux 586 .

Notes
573.

APAR, 2 LN 108, XII, 2 : Père Norbert Clæes au Père Gervais Quénard. Bruxelles, le 2 avril 1929 ; Marie-Jules CELIS, op. cit., p. 8.

574.

Romanus DECLERCQ, Le territoire de la mission de Beni passe aux Augustdas de l'Assomption, op. cit., p. 1-12.

575.

APAR, 2 LN 108, XII, 3 : Père Norbert Clæs au Père Gervais Quénard. Bruxelles le 14 mai 1929.

576.

Le transfert du poste de Kimbulu retiendra notre attention dans les paragraphes qui vont bientôt suivre.

577.

Gabriel GRISON., Quelques renseignements et avis au sujet des missions de Lubero Saint Joseph et de Beni. Beni, le 16 juillet 1929.

578.

Romanus DECLERCQ,« Le territoire de la mission de Ben »i, op. cit., p. 11.

579.

Ibid. p. 9

580.

Le récit du voyage des premiers assomptionnistes au Congo a été relaté par plusieurs missionnaires. En guise d'illustration, nous signalons ceux des premiers pionniers, Mari-Jules CELIS., « Voyage au pays Wanande », dans L'Assomption et ses oeuvres (1979) n° 598, p. 14-19 et Henri PIÉRARD, « De Marseille à Mombassa », dans L'Assomption et ses oeuvres (1930)n° 354-343, p.201-203 et 211-214.

581.

Romanus DECLERCQ, op. cit., p. 12.

582.

Marie-Jules CELIS., op. cit., p. 9.

583.

Mgr Gabriel Grison au Père Conrad Groenen. Saint Gabriel, le 6 octobre 1930.

584.

Mgr Gabriel Grison au Père Conrad Groenen. Saint Gabriel, le 4 avril 1933.

585.

Mgr Gabriel Grison au Père Conrad Grœnen. Saint Gabriel, le 2 février 1930 ; Mgr Gabriel Grison au Père Conrad Grœnen. Saint Gabriel, le 7 mai 1930. Mgr Gabriel Grison au Père Conrad Grœnen. Saint Gabriel, le 11 septembre 1930. Mgr Gabriel Grison au Père Conrad Grœnen. Saint Gabriel, le 13 octobre 1932.

586.

CELIS M-J., op. cit., p. 12-13 et Henri Piérard., Rapport pour l'exercice annuel, 1934-1934.