Conclusion de la deuxième partie

La mission religieuse des Pères du Sacré-Cœur de Saint-Quentin trouve ses origines dans le dessein de collaborer à l’œuvre de civilisation de l’Afrique centrale entreprise par le roi Léopold II. Ce but bien défini de relever les populations indigènes du point de vue morale et d’améliorer leurs conditions de vie fut reprise sous la forme de civilisation chrétienne.

Outre la question de l’influence anglaise dont il fallait empêcher la propagation, l’islam fut aussi une motivation pour justifier l’arrivée des Pères du Sacré-Cœur à Beni. À sa grande surprise, Mgr Gabriel Grison, qui pensait être un pionnier ce cette contrée, trouva la présence d’une chapelle et des chrétiens ainsi que des catéchumènes recevant des instructions à Beni. C’est pourquoi, nous pensons que le christianisme dans la contrée de Beni et de Lubero a ses origines dans le diocèse de Fort-Portal et dans la suite dans celui de Kasese, tous deux dirigés au début du XX0 siècle par les Pères Blancs.

Depuis 1906, le contact des Déhoniens avec la population locale et l’effort pour connaître ses coutumes ancestrales, la formation des catéchistes, l’instruction scolaire dans des formes de chapelles-écoles furent à la base du relatif succès initial du ministère apostolique des Pères du Sacré-Cœur. Cependant, le contexte colonial, le climat parfois peu clément pour certaines santés, la présence permanente de la maladie et de la mort ruinèrent cet apostolat. Le coup fatal de ce service apostolique fut la pénurie du personnel. À la relève des Pères Assomptionnistes, il ne restait plus que trois Pères Déhoniens, relativement en bonne santé, sur une étendue de 45 000 km².

Les Pères du Sacré-Cœur, fort réduits en personnel missionnaire, désiraient depuis les années 1920, recevoir du renfort qu’ils n’obtenaient. L’éloignement de Beni de Stanley-Falls, la résidence épiscopale, ne favorisait pas la communication entre les missionnaires. La pénurie du personnel accentuait l’isolement des missionnaires confrontés aux diverses épreuves climatiques, de maladie, et de mort. Ainsi souhaitèrent-ils une relève.

Depuis 1929, les Assomptionnistes s’occupèrent de la mission de Beni cédée par les Pères du Sacré-Cœur. Le développement de la mission de Beni en missio sui juris (1934), en vicariat apostolique (1938), en diocèse (1958) avec, en 1966, un évêque issu de la population locale, est dû à plusieurs facteurs. Les successives érections juridiques de la mission ravivaient, d’une part, le courage apostolique des missionnaires.

Par ailleurs, dans contexte de décolonisation de l’Afrique (1950), l’Église catholique encourageait l’émancipation des peuples. Au Congo comme dans les autres pays africains, la hiérarchie ecclésiastique s’efforçait d’imprégner les futures institutions de l’esprit de la doctrine chrétienne basée sur la destination universelle des biens de la terre. Elle voyait aussi, dans cette circonstance, une occasion pour former des cadres locaux et pour penser à la passation du pouvoir au clergé indigène qui continuerait l’Église, implantée par les missionnaires dans la contrée 934 .

L’évolution de la mission de Beni fut aussi permise par l’augmentation progressive du personnel missionnaire. De 1929 jusqu’à la passation du pouvoir, les Assomptionnistes collaborèrent avec des congrégations missionnaires féminines constituées des Sœurs Oblates de l’Assomption (1935), de la Compagnie de Marie (1948) et des Religieux de Charles de Foucould (1952).

Ce personnel missionnaire était renforcé par des agents autochtones de la christianisation, les catéchistes, le clergé diocésain (1940), les Petites Sœurs de la Présentation (1950), et les Frères de l’Assomption (1952). Il ne doit pas faire oublier le rôle joué par les parents et les membres des mouvements chrétiens. Ce personnel diversifié, bien que toujours insuffisant dans le domaine apostolique, fut à l’origine de changement de méthode missionnaire. Elle consistait à rendre les agents de l’évangélisation plus proches de la population locale. Elle favorisa le développement des œuvres pastorales par la fondation de plusieurs postes de mission qui constituèrent les paroisses du diocèse. Elle permit aussi l’organisation des œuvres scolaires et hospitalières.

Cependant, le christianisme grandit au milieu de facteurs qui ne favorisent guère son expansion. Les facteurs socio-politiques de la seconde guerre mondiale, de la décolonisation, de la rébellion muleliste et de la zaïrianisation, bien qu’ils ne soient pas directement dirigés contre l’Église elle-même, ont amené des crises successives qui furent surmontées, mais ont laissé la région dans une situation dramatique de rébellion ou de guerre.

Notes
934.

Claude PRUDHOMME, « Les missions catholiques et la construction de l’État-nation au Tanganyika », dans Missions chrétiennes et formation des identités nationales, LYON-CREDIC, (1993) n° 12, p. 200-203.