3.1.3. La question de la formation dans les maisons religieuses d’études

Le scolasticat trouve son origine dans la volonté de poursuivre la formation assomptionniste dans une maison propre à la congrégation après le noviciat. Après la première promotion du noviciat établi à Kitatumba. Les frères qui venaient d’émettre la profession religieuse temporaire partirent poursuivre leurs études philosophiques à Kinshasa, chez les Jésuites, à Kimwenza, d’autres retournèrent au grand séminaire pour la théologie. La dispersion des religieux n'alla pas sans engendrer des problèmes.

De part et d'autre, bien que la cohabitation avec d'autres religieux ait été pacifique, les plaintes ne manquaient pas de surgir à cause des particularités et sensibilités spirituelles propres à chaque Institut religieux. À cette plainte des Supérieurs s'ajoutait celle des étudiants qui n'appréciaient pas leur formation religieuse, communautaire et spirituelle, comme le suggère cette lettre :

‘« Je suis relativement heureux dans ce groupe mais je dois vous avouer, mon Père, que je ne me sens nullement chez nous. Je le regrette. J'envie mes confrères qui auront la chance de faire leurs études dans la maison de formation à Butembo. Un de mes rêves! C'est à propos des jeunes théologiens actuels. Ceux-ci dispersés qui à Bukavu, qui au Rwanda, qui à Kinshasa. Qu'on se souvienne que nous venons droit du noviciat et que, de fait, nous avons besoin d'une formation, d'une vie communautaire, d'une maison assomptionniste. Garderons-nous l'esprit de l'Assomption? Malgré notre bonne volonté, nous serons des assomptionnistes 'atrophiés' et je crains le pire 966 ! »

Cet appel à une maison de formation assomptionniste après le noviciat était un souci commun. Devant ce problème de formation, le Père François Péjac, Assistant général, formula l’alternative :

« Ou arrêter les admissions au noviciat, malgré les nombreuses demandes, faute de pouvoir assurer la formation à laquelle les jeunes ont droit : c'était la solution humainement raisonnable. Ou se lancer dans la mise en oeuvre d'un scolasticat de philosophie pour assurer une formation intellectuelle, religieuse, assomptionniste, sérieuse, pour les premières années de vie religieuse. Solution parfaitement utopique sans argent et sans personnel qualifié 967  ».’

Ce fut plutôt cette seconde possibilité qui fut envisagée. Le chapitre général de la congrégation de 1981 était aussi du même avis et créa une Caisse de Solidarité Interprovinciale (C.S.I.).

Celle-ci a pour but de faire face aux problèmes concernant le bien commun de la Congrégation et de répondre aux appels motivés émanant d'une Province. Elle fut aussi créée dans le but de recevoir des dons et subventions, et pour les distribuer aux religieux, aux communautés, aux oeuvres, et aux Provinces qui vivent dans le besoin. Elle est donc un moyen d'entraide et de partage. Au Chapitre général de 1982 fut décidé le financement du scolasticat et les débuts des constructions.

Le 16 septembre 1983, le Père Hervé Stéphan, Supérieur général, présida à la bénédiction de ce scolasticat lors d'une paraliturgie préparée pour la circonstance. À cette occasion, dans son allocution, il définit l'identité du scolasticat saint Augustin, comme une maison religieuse, apostolique, missionnaire et d'études. L'importance de ce scolasticat dans l'œuvre de l'évangélisation du diocèse de Butembo-Beni n'est pas à sous-estimer 968 . Du point de vue missionnaire, il a ouvert ses portes à d'autres congrégations religieuses, notamment les grands Carmes, les Croisiers, les Joséphites et les Petites Sœurs de la Présentation, pour pourvoir à leur formation intellectuelle et religieuse ainsi qu'à celle des futurs agents de l'évangélisation. Il est aussi ouvert aux laïcs.

Néanmoins, ils peuvent bénéficier de la bibliothèque, et si besoin est, ils peuvent rester dans la maison pour un ressourcement spirituel. Du point de vue social, le scolasticat organise des cours d'alphabétisation pour des adultes qui n'ont pas fréquenté l'école. Avec les moyens au bord, les classes sont dispensées au site même de Bulengera ou dans les chapelles environnantes. Malgré les conditions difficiles d'études, les résultats sont satisfaisants. En outre, la population environnante reçoit une éducation sanitaire. Elle est essentiellement sensibilisée à l'hygiène du corps, des habits, de la nourriture, de l'eau et de la maison. Ce travail de conscientisation se fait surtout par l'exemple.

Ainsi, les Frères participent aux aménagements des sources d'eau potable. Cette entreprise est une des réussites dans le diocèse. Elle s'est répandue dans la paroisse de Bunyuka, de Kitatumba, de Mbao, de Mutwanga et de Butembo-cité. Par ailleurs, dans les villages environnants, la population est éduquée à l'usage rationnel de la culture des champs pour une meilleure rentabilité à court, à moyen, et à long terme. Aussi, est-elle appelée à cultiver des produits nutritifs comme le soja, et à varier son alimentation en pratiquant le petit élevage.

Bien plus, les scolastiques vont vers les plus petits et les déshérités, les pauvres, les veufs, les vieillards, les abandonnés, et les orphelins. L'instruction chrétienne et la prière sont souvent accompagnées des gestes d'entraide matérielle et de partage selon les besoins de chacun. Par ailleurs, le scolasticat s'insère dans les activités paroissiales. Le Père Michel Tassin s'occupait de l'animation dominicale du secteur de Bulengera, dans la récente paroisse de Mukuna, dirigée par les grands Carmes depuis 1990. Mais, à cause de la forte centralisation de la paroisse, les Pères et les Frères ne se travaillent plus dans ce secteur 969 .

Cependant, dans d'autres paroisses de la cité, les Pères rendent le service dominical ou encore animent des récollections. Enfin, la maison religieuse rend à ceux qui, dans le diocèse, religieux, membres du clergé diocésain ou laïcs, désirent se retirer pour une retraite, un temps de repos, de méditation, de travail assidu en dehors de leurs activités quotidiennes 970

Le scolasticat de Butembo fut suivi du théologat assomptionniste à Kinshasa (1987). Cette maison de théologie est née, elle aussi, de circonstances similaires à celles du scolasticat. Elle garde la même identité, le même style de vie, et les mêmes perspectives que le scolasticat : une maison religieuse, apostolique, missionnaire et d'études.

La dernière maison d’étude est l’Institut Supérieur Emmanuel d'Alzon de Butembo (I.S.E.A.B) approuvé par son Excellence le Ministre à l'Education Nationale par sa Lettre N° MINEDUC/CABMIN/2935/2002 du 11 décembre 2002. Cette nouvelle institution a entre autres comme finalités d’assurer une formation de niveau universitaire en Philosophie, en Sciences et Techniques de Développement, en Sciences de l'Information et Communication Sociale à tous les membres qui y suivent l'enseignement.

Elle veut aussi garantir l'étude des disciplines philosophiques et des sciences humaines requises pour aborder les études de Théologie en vue du sacerdoce, telles qu'elles sont prévues par la Ratio fundamentalis institutionis sacerdotqlis du 6 janvier 1970. En outre, elle espère stimuler l'approche critique des grandes préoccupations et interrogations de nos contemporains, et ainsi, permettre aux jeunes religieux de vivre une foi intelligente et libre, en prise sur son temps, et de contribuer à l'éducation de la jeunesse congolaise.

Cette institution universitaire, après l’Institut Technique Industriel de Mahamba (ITIMA) (1987), est une des grandes transformations de l’Assomption au Congo. Elle ouvre aux laïcs non seulement des connaissances scientifiques mais aussi un esprit d’émulation dans le savoir-être, le savoir-vire, et le savoir-faire pour leur développement personnel, celui de la contrée ainsi que celui de la participation à la construction de la nation. Tel est le défi 971 que l’Assomption au Congo-Kinshasa lance au corps estudiantin et professoral, ainsi qu’à toute la population locale.

Notes
966.

Cet extrait de lettre du Frère Théophile Makuta fut écrit au Rwanda dans la communauté de 12 membres composés de 9 scolastiques dont 5 Salésiens, 2 Palotins, un religieux des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus et de Marie, et un Assomptionniste. Cet extrait d'une lettre écrite au Père Hervé Stephan, Supérieur Général, fut repris par le Père François Péjac, son assistant général. Cf. F. PÉJAC, « Faut-il construire ? », dans l'Assomption et ses œuvre (1982) n.610, p. 13.

967.

Ibidem, p. 13.

968.

Témoignage de Jean-Chrysostome Kisali, Recteur du scolasticat. Bulengera, août-septembre, 1994.

969.

Plainte des Frères dont Christophe Mbafumoha qui était engagé comme acolyte dans la chapelle de Bulengera où le Père Michel Tassin exerçait son ministère.

970.

Victor NDAKASI, Nos activités apostoliques, dans Qu'il règne (1985) n°267, p. 10-12.

971.

Commentaire libre provenant des entretiens informels avec Emmanuel Mughunda, ex-père assomptionniste. Bruxelles, novembre 2004.