Chapitre troisième
Les Orantes de l'Assomption (1972-1996)

Ce chapitre relate la fondation et l’expansion des Orantes Assomptionnistes en Europe et les pays de mission. Il dégage ensuite leur implantation au Congo-Kinshasa et leur manière de contribuer à la vie apostolique du diocèse de Butembo-Beni.

3.3.1. Fondation et expansion (1896-1996)

Le Père François Picard (1831-1903), deuxième Supérieur général des Pères assomptionnistes après le fondateur, le Père Emmanuel d'Alzon (1810-1880), et Mère Isabelle de Clermont-Tonnerre (1849-1921) fondèrent, le 8 décembre 1896, la Congrégation des Sœurs Orantes de l'Assomption, surnommées les « ermites du petit monastère 1002  ».

La Mère Isabelle de Clermont-Tonnerre (1849-1921), à l'âge de vingt quatre ans, s’était mariée avec le Comte Henri d'Ursel de Belgique qui lui donna une fille Caroline. Mais deux ans après son mariage elle devint veuve. Elle s’occupa, néanmoins, de l’éducation de sa fille Caroline jusqu’à son mariage. Celui-ci permit à la Mère Isabelle de Clermont-Tonnerre, en 1896, de commencer une vie nouvelle.

Depuis l’année 1872, la Mère Isabelle de Clermont-Tonnerre était sous la direction spirituelle du Père François Picard (1831-1903). Ce fut durant cette période qu’elle lui écrit : « il me semble que Dieu a pour moi des intentions de vie contemplative (…). Notre Seigneur me montre une mission dans l’Eglise 1003  ». Ce désir semble avoir correspondu à celui du Père François Picard, successeur du Père Emmanuel d’Alzon (1880).

Ce Père était un mystique et avait une grande estime pour la vie cachée en Dieu. Cette attitude déboucha sur le projet : « donner à la famille assomptionniste une branche vouée uniquement à la vie contemplative 1004  ». Pour la Mère Isabelle de Clermont-Tonnerre, la vie contemplative semble être un aboutissement de sa recherche car elle s’interrogeait souvent sur la voie qui lui fallait suire entre le mariage et le service auprès des pauvres chez les Filles de Saint-Vincent de Paul avec lesquelles elle travaillait dans les œuvres de charité. L’esprit de cette congrégation religieuse marqua toute sa vie à tel point qu’elle gardait une attention particulière pour les pauvres.

Ce fut ensuite dans les années 1880, que la correspondance de Mère Isabelle de Clermont-Tonnerre révéla pour le Père François Picard, son directeur spirituel, une âme assoiffée d’union avec Dieu jusqu’à écrire, dans une lettre du 7 novembre 1886 :

‘« Pour la première fois de ma vie, il me semble que Dieu a peut-être pour moi des intentions de vie contemplative, et je me sens totalement dépourvue de tout ce qu’il faut pour cela, mais si Dieu le veut, Il saura bien transporter les montagnes, et j’essaie de lui demander avec ardeur la force pour tout ce qu’il voudra. Quand je me rapporte au passé, au fond j’éprouve plus d’attrait à la prière que pour la vie intérieure. Je m’explique : j’ai toujours pensé à autre chose, mais c’était plutôt mon attrait personnel qui m’y poussait, tandis que les lumières de l’oraison n’ont jamais porté sur la vie intérieure 1005  ».’

Il fallut attendre le 8 décembre 1896, en la fête de l'Immaculée conception, pour voir la fondation de cette communauté de vie contemplative. La Mère Isabelle de Clermont-Tonnerre avec ses deux compagnes Thérèse Dienne et Anne de Servigny s'installèrent auprès de la maison des Oblates de l'Assomption, à Passy dans Paris. Ce fut le début de la Congrégation des Orantes de l'Assomption, surnommée par plaisanterie, à l’époque, « petit carmel assomptionniste » qui a un caractère contemplatif avec le but apostolique de sauver les âmes par la prière, le sacrifice joyeusement accepté, et le silence.

Le Père François Picard reçut cette nouvelle communauté comme la concrétisation de son souhait qui transparaît dans ce mot de circonstance du 8 décembre 1896 et qui révèle ses attentes :

‘« L’Assomption possédait à peu près toutes les branches d’activité apostolique. Il lui manquait ce petit groupe consacré à la prière, à l’étude, à la mortification. Il convient qu’il y ait dans la famille assomptionniste des âmes vivant, comme la Bienheureuse Vierge Marie, dans la séparation des autres créatures et dans l’unique occupation du divin sauveur Jésus. Réjouissons-nous donc, enfants de l’Assomption, de ce que Notre Seigneur donne une nouvelle branche à l’arbre planté par le Père d’Alzon. Je dis une branche, je devrais dire plutôt que la sève de tout l’arbre, la sève cachée aux regards des hommes qui développe sa vie aux regards des anges, fécondât l’arbre tout entier. Demandez à Notre Seigneur de Bénir cette nouvelle famille, encore bien petite, mais qui grandira, qui priera pour ceux et celles qui sont obligés de se répandre dans le monde, leur obtiendra d’aimer Dieu plus parfaitement et de travailler plus surnaturellement 1006  ».’

Les aspects de prière, d’étude, et de contemplation furent développés par les Orantes de l'Assomption. Elles pratiquèrent la « vie d'immolation et d'adoration » de jour et de nuit pour mieux aider l'Assomption en France à surmonter les persécutions. Elles s’étaient proposées aussi de travailler à leur purification personnelle des moindres imperfections par le développement de l'esprit de prière, de recueillement, d'étude et la liturgie, et par la pratique des grandes dévotions de l'Église. Enfin, pour maintenir l’état de perfection, elles s’engagèrent à pratiquer fidèlement les vertus religieuses d’austérité, de pauvreté, de travail manuel, pour aider les pauvres, intellectuel afin de connaître et d’aimer davantage Jésus-Christ 1007 .

A la mort de la fondatrice survenue le 3 juillet 1921, la Mère Anne-Marie Loysel, supérieure générale, approfondit les intuitions de la Mère Isabelle. Désireuse de préserver la vie de prière, elle établit la stricte clôture monastique afin de devenir des « Filles d'oraison », éprises par le recueillement intérieur de l'âme qui parle à Dieu, agit pour Dieu et écoute Dieu.

La « vie de prière » se manifeste dans les quatre grands piliers de la vie quotidienne de l'Orante de l'Assomption. Dès le début de la Congrégation, la Mère Isabelle rappelait le but de leur communauté quand elle exhortait ses religieuses : « Nous sommes ici pour prier sans cesse, la prière est notre vie toute entière ». Cette prière continue a pour grands axes l’eucharistie, la liturgie, et l’oraison.

Elle passe, tour à tour, par l’adoration du Christ s’offrant à son Père, la prière de louange et d’intercession, l’écoute et le partage de la Parole de Dieu, et l’Eucharistie. Tout au long de la journée, les quatre offices des laudes, du milieu du jour, des vêpres, des vigiles ou des Complies rassemblent la communauté entière, vivant dans le silence, la lecture spirituelle et la lectio divina 1008 , et l’étude de la Parole de Dieu. Enfin le dernier axe intrinsèquement lié aux trois premiers peut porter à une définition complète de cette vie contemplative en soulignant qu’elle est une vie de prière, une vie en communauté fraternelle, une vie de travail, « en mission d’Eglise ».

La mission lointaine a toujours été inscrite dans l’esprit des Orantes de l’Assomption. Avant la fondation de cette congrégation religieuse, la future Mère Isabelle de Clermont-Tonnerre confiait, à son guide spirituel, le Père François Picard ses pensées missionnaires dont les plus relevantes se trouvent dans un questionnaire qu’elle lui envoya dans les années 1895/1896 : « N’y en aurait-il pas parmi nous qui pourraient faire le vœu des missions ? Pourquoi ce mérite nous serait-il refusé puisque nous serons probablement appelées à fonder des maisons de prière dans les missions 1009 ?».

Ce désir missionnaire s’est réalisé tardivement dans la congrégation des Orantes de l’Assomption à cause du nombre restreint des religieuses. Néanmoins, elles se répartissent sur trois continents en Europe, en Amérique latine et en Afrique 1010 . Le souci missionnaire était une hantise de la Mère Isabelle mais aussi de ses consœurs.

En 1905, le Père Emmanuel Baillie, troisième supérieur général des assomptionnistes, exprima son désir de voir les Orantes de l’Assomption à Jérusalem. La Mère Isabelle réagit positivement à ce souhait et envisageait déjà la grotte de Gethsemani. Mais, les fondations, en dehors de l’Europe et de la France, ont été tardives à cause du personnel religieux assez restreint.

De son côté, la Sœur Simone Leroy, dans le témoignage de son désir d’être missionnaire, nous révèle en même temps les origines lointaines de l’implantation du charisme des Orantes de l’Assomption au Congo et en Amérique latine :

‘« L’extension missionnaire a toujours été pour moi en projet dans la Congrégation. Je suis entrée avant la guerre de 1939, et déjà Mère Marie Madeleine m’a demandé si j’acceptais de partir au Zaïre (Congo) ! –Monseigneur Piérard (sic) nous demandait-. Cela n’a fait que me confirmer dans ma vocation ! Mon attrait me poussant à la fois pour l’adoration eucharistique et les missions ! J’avais parlé de mon projet aux Franciscaines Missionnaires de Marie qui ne m’acceptèrent pas, vu ma santé. Dans cet appel du Zaïre, j’y voyais le doigt de Dieu pour arriver à le concrétiser ! Je n’y suis jamais allée, mais, par contre, en 1961, je partais pour l’Argentine, avant la fondation du Zaïre 1011 !» !’
Notes
1002.

Les Orantes de l'Assomption. Un Institut de vie contemplative au cœur du monde. Paris, 1994, p. 2.

1003.

Ibidem, p. 8.

1004.

E. LACOSTE, Le Père Francois Picard (1831-1903). Paris, Maison de la Bonne Presse, s.d., p. 478.

1005.

Les Orantes de l’Assomption, op. cit., p. 11.

1006.

E. LACOSTE, op. cit., p. 488.

1007.

AORAP, 1 : Orantes de l’Assomption (dépliant), p. 1.

1008.

Ibidem, p. 4.

1009.

Jeanine GINDREY, « Mère Isabelle et la mission. ‘Les missions’, dans Info-Orantes (2001) n°30, p. 6.

1010.

Les aspirantes, les postulantes et les novices ne sont pas incluses dans ces chiffres.

1011.

Simone LEROY, « Témoignage » dans « Mère Isabelle et la mission. ‘Les missions’, dans Info-Orante (2001) n° 30, p. 4.