3.5.2. Fondation du petit séminaire de Musienene

En 1920, le Père Victor-Remy Mailier des Prêtres du Sacré-Coeur prit l'initiative de fonder un petit séminaire. Mais ce séminaire de quinze élèves disparut à sa mort à cause du manque de personnel missionnaire chez les Déhoniens. Les séminaristes furent transférés à Bafwabaka, dans la préfecture apostolique de Stanleyville, et à Kilo-Mines, dans la préfecture du Lac Albert. Dans ces préfectures, certaines questions subsistaient autour des séminaristes. On s’interrogeait notamment sur le sérieux de leurs vocations et sur la manière de pourvoir à leurs subsides.

Quand le Père Assomptionniste Conrad Groenen voulut s’enquérir de la question financière, Mgr Gabriel Grison, par l'intermédiaire du Père Christian des Prêtres du Sacré-Cœur, répondit : « Les séminaristes n'ont pas de subsides bien déterminés. Vous pouvez vous adresser avec une chance de succès à Mr le Chanoine Desmedt, Supérieur de la Basilique du S.C. Cockelberg. Mais, il ne faudrait le faire que pour des séminaristes dont on est plus ou moins sûr. Tous les élèves du petit séminaire ont une bourse d'étude». Outre ces questions, Mgr Henri Piérard était confronté au problème du suivi des vocations sacerdotales et du nombre restreint des séminaristes du vicariat de Beni que pouvaient recevoir les préfectures apostoliques voisines 1073  .

Lors de sa visite canonique au Congo (1935), le Père Gervais Quénard, Supérieur général des Augustins de l'Assomption, fut édifié par la montée rapide de la chrétienté mais entrevit aussi, avec angoisse, le moment où les missionnaires ne suffiraient plus à la tâche. Il fit comprendre l'opportunité de stabiliser l'Église dans la Missio sui juris de Beni. Cette stabilisation exigeait naturellement le recrutement d’un clergé autochtone 1074 .

Cet appel du Supérieur général correspondait aussi aux visées de la Congrégation de la Propagande qui exerçait déjà une certaine pression sur la mission indépendante de Beni. La formation du clergé autochtone a été un souci permanent du magistère de l’Église 1075 depuis le XVIIe siècle lors de la fondation de la Congrégation de la Propagande en 1622. L’Église percevait dans ce fait l’avenir de la mission quand le Benoît XV, dans son encyclique Maximum illud (1919) recommandait :

‘Il est enfin un point sur lequel tous les chefs de mission ont le devoir de fixer particulièrement leur attention. C’est le recrutement et la formation d’un clergé indigène. Là est le plus grand espoir des Églises nouvelles, car le prêtre indigène se trouve préparé à merveille pour introduire la foi chez ses compatriotes, comme il est naturel chez un homme qui leur est uni par naissance, la mentalité, les sentiments et les goûts. Beaucoup mieux que n’importe quel autre, il connaît les moyens des les persuader. Aussi trouvera-t-il souvent un accès facile là où un prêtre étranger n’aurait pas eu la permission d’entrer. Or de toute nécessité, le clergé indigène doit être convenablement formé et éduqué, si l’on veut qu’il produise les fruits qu’on espère. Sa formation sera intégrale et complètement achevée dans toutes ses parties, telle que la reçoit communément le le clergé des pays de hautes cultures. Le prêtre indigène doit être capable de gouverner lui-même ses compatriotes si Dieu l’appelle un jour à leur tête 1076  ».’

Cette recommandation de l’Église a souvent rencontré des réticences qui résultent de différentes attitudes. Le magistère de l’Église voit dans cette institution non seulement des collaborateurs des missionnaires mais aussi l’avenir de l’Église. Mais dans les missions, les opinions restaient divisées. Ceux qui affirmaient « qu’il faut laisser le temps au temps » ne trouvaient pas dans les premières générations des convertis au christianisme des candidats aptes à remplir les exigences canoniques du sacerdoce romain. Ce préjugé racial conduisait parfois à la conviction selon laquelle « il faut christianiser pour civiliser et civiliser pour christianiser 1077  ».

Ce débat entraîna le scepticisme et la défiance envers les nouveaux convertis qui provenaient du paganisme et d’un milieu jugé immoral et les candidats qui seraient incapables de continence sexuelle ou de respecter la loi du célibat ecclésiastique pour les prêtres. Dans la même perspective, les « enfants nés d’unions illégitimes » ne pouvaient pas être des candidats virtuels au sacerdoce. Ainsi, fallait-il attendre pour que les candidats soient « civilisés », reçoivent une longue formation sacerdotale pour qu’ils soient jugés capables d’accéder au degré supérieur de la morale et de la vie catholique ».

Par ailleurs, on pouvait rencontrer chez les missionnaires une résistance passive qui se traduit par une crainte « de sécession des jeunes Églises par la promotion hâtive d’un clergé indigène ». Ce dernier pourrait encourir le risque de Rome ou alors de tomber dans le syncrétisme car il ne serait pas suffisamment détaché de son milieu traditionnel.

Quel type de formation fallait-il donc donner aux candidats au sacerdoce ? Fallait-il leur donner une « formation intégrale », c’est-à-dire celle qui reproduit la scolastique ? Une autre forme de formation créerait une inégalité 1078 et des différences dans le même clergé : les érudits européens qui ont reçu une « formation intégrale », en face des « indigènes » qui ont « une formation au rabais ». Au sein du clergé du Nord-Kivu, ce groupe est constitué de prêtres communément appelés « prêtres-catéchistes ou prêtres à taille humaine 1079  ».

Cette option n’a pas été suivi par les Pères du Sacré-Cœur et à leur suite les Assomptionnistes. Après l’échec de la fondation du petit séminaire à Beni par le Père Victo-Remy Mailier en 1922, les Assomptionnistes envoyèrent leurs candidats dans le vicariat voisin de Bunia. Le souci de formation du clergé autochtone transparaît dans cet extrait d'une lettre d'un missionnaire à un ami de la mission, en 1937 :

‘« Nous sommes aussi très préoccupés de répondre au désir du Souverain Pontife, en commençant au plus tôt l'œuvre si importante de la formation du clergé indigène. C'est, en effet, une des œuvres les plus urgentes, et la construction du petit séminaire s'impose à bref délai, car le Vicariat du Lac Albert n'a plus de place pour recevoir les jeunes gens que nous y envoyons pour les études 1080  ».’

Le Père Henri Piérard, sans donner des motifs précis, exprima dans son rapport annuel de 1936/1937 son peu d’espoir de voir fonder un petit séminaire dans une année ou deux ans 1081 . Expliquant le retard mis dans la fondation d’un séminaire et des congrégations autochtones, Mgr Henri Piérard évoqua d’abord dans sa correspondance du 20 décembre 1939 au Père Ernest Baudouy (1862-1942), rédacteur de la Lettre à la dispersion, « l'émerveillement » devant les réalisations du petit groupe de missionnaires avec les catéchistes. Il poursuit dans la même lettre :

‘« Nous étions trop fascinés par la courbe ascendante des conversions, ce qui a retardé l'érection d'un petit séminaire et la fondation des Congrégations indigènes ; il faudra s'y mettre si 1940 accroît le chiffre de notre personnel. Le clergé indigène, voilà le salut pour les Missions. Heureux ceux qui possèdent Petit et Grand Séminaire, Congrégations indigènes de Frères et de Sœurs : l'Église est bien plantée chez eux 1082  ».’

L’insistance de la Congrégation de la Propagande et du Supérieur général, l’obligation de limiter le nombre des séminaristes et le suivi de la formation des futurs collaborateurs obligèrent Mgr Henri Piérard à ouvrir, le 15 septembre 1940, un petit séminaire à Beni. La rentrée scolaire eut lieu le 3 octobre 1940 avec six étudiants en sixième latine, et quinze en première année préparatoire. Le premier corps professoral était constitué de Mgr Henri Piérard lui-même, dispensant dix heures de cours par semaine, des Pères Laurentius Leenaars, recteur avec dix huit heures de cours à part la surveillance. Le Père Dominique Vermey, vicaire de la mission, assurait, quant à lui, six heures de classe par semaine.

Mgr Henri Piérard expliqua les raisons qui l'incitèrent à ouvrir ce petit séminaire dans son Rapport annuel de 1940 : :

‘« C'eut été abuser que de continuer encore à faire appel à la bienveillante hospitalité de Lac Albert pour la formation de nos vocations sacerdotales : nos jeunes gens prenaient la place qu'aurait pu remplir les vocations du Vicariat voisin. De plus, il ne nous était possible que d'envoyer un chiffre restreint de nouveaux élèves chaque année : mais, le cycle des humanités achevé, nous risquions de ne voir aboutir aucun de nos jeunes ; ainsi au cours de neuf années, pas une seule de nos vocations n'est entré au Grand séminaire. Le petit séminaire de Beni nous permettra d'assurer un recrutement plus dense 1083  »’

La fondation de ce petit séminaire, en ce temps de guerre (1940) qui entravait l'arrivée de renforts, fut bien accueill par les missionnaires qui comprenaient de plus en plus la nécessité d’un clergé indigène pour assurer la relève. La formation d'un clergé autochtone à Beni devint, aux yeux des missionnaires, « l'œuvre des œuvres », en recrutant au sein de la population locale ses propres prêtres. À cause de l’espoir de continuité dans leurs œuvres apostoliques, grâce au clergé autochtone, ils estimèrent que « leur travail s n’était plus voué à la ruine 1084  ».

Trois ans après sa fondation (1943), le petit séminaire, qui comptait dix neuf étudiants, arrêta le recrutement, faute de personnel, jusqu'à la fin de la guerre. Entre temps, le corps professoral s’étoffa en 1944 avec l’arrivée du Père Romanus Declercq et, en 1946, la présence du Père Hervio Joachim, un ancien missionnaire de Bulgarie. En 1945, grâce aux manuels venus d’Europe un programme fut élaboré, l'année préparatoire rouvrit ses portes, et les vingt-sept séminaristes purent poursuivre leurs études.

Mais, Beni n’était pas un endroit propice à la formation à cause du paludisme qui ravageait la contrée. Il fallait donc trouver avec un climat tempéré et un terrain assez vaste pour bâtir un quadrilatère, peu coûteux en matière de constructions, et facilitant la surveillance des étudiants. Le poste de mission de Musienene sembla mieux indiqué pour une telle entreprise, à cause de la présence des pierres, du sable, des briques moins coûteuses, de l’eau potable et de sa position géographique au centre du vicariat 1085 . Mgr Henri Piérard y transférera le petit séminaire qui ouvrit ses portes le 15 octobre 1947.

La nouvelle fondation comptait cinquante sept étudiants. Ils étaient placés sous la conduite de quatre professeurs : les Pères Laurentius Leenaars, Directeur, Hervio Joachim, Jean-Marie Hennaut et Edmondus Veerman. Tous suivaient un règlement d'alumnistes. Quinze ans après sa fondation, le petit séminaire enregistrait cent trente trois élèves. Le 28 août 1954, Mgr Henri Piérard ordonna ses quatre premiers prêtres. Il avait contribué à leur formation. Les autres continuaient leur formation soit à Nyakibanda au Rwanda soit à Boudouinville (Kalemie).

Cependant, en 1965, lors de son jubilé d’argent, le petit séminaire (1940-1965) n'avait fourni que vingt cinq membres au clergé diocésain. Quinze ans plus tard (1979), au cinquantenaire des Augustins de l'Assomption à Beni, le nombre de prêtres formés dans ce petit séminaire s'élevait à quarante dont un évêque, Mgr Emmanuel Kataliko, et un second évêque, plus tard, cinquante ans après son existence, Mgr Charles Mbogha (25 novembre 1990) 1086 . Il sera suivi par Mgr Janvier Kataka (14 juin 1997), évêque de Wamba, et Mgr Melchisédech Paluku Sikuli, évêque de Butembo-Beni (1998).

Malgré la présence de ces évêques, aux yeux de certains missionnaires, dont le Père Marc Champion, cette école de formation sacerdotale a été, pour le diocèse, « un petit séminaire de peu de rendement ». Cela est à comprendre par le contexte du moment. Le petit séminaire était parmi les écoles appréciées par le gouvernement colonial. Par conséquent, les candidats au sacerdoce qui abandonnaient le petit séminaire avaient des chances de promotion sociale car les agents de l’administration coloniale préféraient les employer dans leurs services.

Par ailleurs, au moment de l'indépendance (1960), on fit miroiter des places dans l'Administration civile et plusieurs séminaristes abandonnèrent leur orientation sacerdotale. Par ailleurs, la valeur de la vie sacerdotale n'était pas suffisamment comprise par les familles chrétiennes. Ainsi, elles ne pouvaient guère susciter des vocations sacerdotales qui étaient peu rentables pour la vie matérielle et financière de la famille 1087 .

À son tour, Mgr Emmanuel Kataliko analysa les causes profondes du rendement médiocre du petit séminaire et mentionna les défections personnelles dans les vocations sacerdotales. Il signala ensuite l'insuffisance de l'encadrement de vocations sacerdotales au niveau tant matériel que spirituel.

En outre, il mentionna l'influence néfaste de la transformation des mentalités, la recherche des biens et des plaisirs mondains, l'incompréhension par le candidat de son engagement définitif, la peur de prendre ses responsabilités, l'isolement des membres du clergé. Enfin, il nota l'influence de certains parents qui poussaient des jeunes à s'engager, malgré eux, dans la voie sacerdotale 1088 .

Dans la même perspective, le Père Delanaye explique, en 1972, cette situation par le fait que les communautés chrétiennes n’avaient pas encore eu le sens d'une responsabilité collective dans le développement et l'épanouissement de leur Église 1089 . Elles adoptaient une « attitude de profiteur » en sorte que leur vision de l'Église, des prêtres, des religieux et religieuses, et des catéchistes était d'être à leur service pour leur assurer le personnel, la promotion sociale, et l'aide caritative sans le risque de se compromettre sur la question de leur foi.

Par ailleurs, continue le Père Delanaye, le comportement de certains agents pastoraux, dans leur travail d'évangélisation, ne correspond pas parfois au message qu’ils annoncent. Du point de vue spirituel, certains sont infidèles à leurs engagements publics et ne donnent pas un témoignage qui suscite le respect du célibat ecclésiastique. Du point de vue apostolique, on rencontre parfois un manque d'enthousiasme et de vie épanouie dans le sacerdoce, le manque d'entente entre les prêtres, le manque de collaboration avec les laïcs, un esprit plus matérialiste que surnaturel.

Du point de vue relationnel, le Père Delanaye mentionne le manque d'accueil et de pardon fraternel dans la communauté sacerdotale, l'insouciance à l'égard des futurs candidats au sacerdoce ou à la vie religieuse, les critiques négatives entre prêtres, le désir effréné d'une promotion sociale ou religieuse à l'intérieur de la vie sacerdotale. Ces attitudes sont parfois à la source des défaillances personnelles.

Il arrive aussi que les candidats remettent en question le sérieux de leur choix antérieur de la vie religieuse ou sacerdotale. De fait, dans ce contexte, l'isolement dans un travail accaparant et accablant dont on ne voit pas, humainement parlant, les fruits escomptés, et les relations purement fonctionnelles avec les membres de la communauté et les chrétiens, les entraînent au découragement.

Enfin, le Père Dalanaye fait remarquer que le manque d'esprit d'étude pour l'autoformation humaine et spirituelle, la marginalisation par les chrétiens qui considèrent les prêtres comme une élite n'appartenant pas au commun des mortels, le manque de loisirs qui peut pousser à l'emploi abusif de l'alcool et de la fréquentation des endroits mal famés poussent également, les prêtres comme les religieux, aux défaillances personnelles 1090 .

Face à ces situations, Mgr Emmanuel Kataliko encouragea son clergé à organiser des retraites et des sessions de recyclage dans un centre d'accueil, tenu par les Sœurs Orantes de l'Assomption, qui fut fondé pour cette finalité. Il organisa également une aide en vue du soutien matériel des vocations. Les collectes de la journée des vocations et de toutes les messes qui connaissent une forte affluence des chrétiens, la veille et le jour de Noël, dans tout le diocèse, sont destinées au petit séminaire 1091 .

Au niveau spirituel, les candidats au sacerdoce, qui proviennent d'autres écoles secondaires en dehors du petit séminaire, furent appelés à suivre une semaine de récollection et de réflexion animée par un prêtre, un religieux ou une religieuse. Avec les séminaristes, ils jouissent d'un encadrement dans leurs paroisses et communautés respectives.

Cette animation en faveur des vocations a eu un effet positif sur les jeunes, leurs familles et sur leurs communautés chrétiennes à tel point que le nombre des agents et l’évangélisation grandissait continuellement. En 1965, le clergé diocésain comptait 10 membres et 15 séminaristes. Quinze ans plus tard, il y avait 33 prêtres diocésains, 34 grands séminaristes en philosophie et 8 en théologie 1092 .

L’analyse de Mgr Emmanuel Kataliko, dans Relatio quinquennalis de 1981 décrit la stratégie mise en œuvre pour atteindre ce résultat : l’apostolat des vocations et les communautés chrétiennes responsabilisées. L’évêque décrit ainsi ce processus :

‘« Si le diocèse de Butembo-Beni a connu quelques défections soit dans le rang du clergé diocésain soit dans celui des religieux ou religieuses, c’est surtout à cause de l’encadrement spirituel et matériel insuffisant, d’une influence néfaste de transformation de mentalité, d’une recherche de biens et de plaisirs de ce monde, de l’incompréhension de son engagement définitif et la peur de prendre ses responsabilités, l’isolement, le maque de dialogue, et parfois l’influence de certains qui poussent à une personne à s’engager malgré lui. En dernière analyse, la faute n’est pas seulement des personnes qui abandonnent leur vie consacrée, mais parfois aussi du côté des responsables et de l’entourage.’ ‘L’apostolat des vocations qui consiste à les susciter et à les entretenir pour qu’elles persévèrent n’incombe pas à une personne ou à quelques personnes responsables, mais c’est un apostolat qui concerne toute la communauté chrétienne. En effet, grâce à la création des communautés chrétiennes de base responsabilisées, les chrétiens arrivent à leur Foi, à se sentir comme les enfants d’une même et une seule famille, à acquérir l’esprit de partage, à se sentit responsable de la viabilité et de l’avenir de leur Eglise qu’ils doivent soutenir non seulement spirituellement et moralement mais aussi matériellement. Ils se rendent compte qu’ils ont à se préoccuper du problème de vocations sacerdotales et religieuses, car ils ne doivent pas toujours compter sur l’aide extérieure, mais les ministres des sacrements, les religieux et les religieuses doivent venir de leur communauté.’ ‘En effet, de nombreux garçons et filles, encouragés par leurs parents et soutenus par leur communautés désirent se donner au Seigneur pour être au service des mêmes communautés. Ils sont présentés aux responsables de la paroisse (prêtres, religieux ou religieuses de la paroisse et le conseil paroissial) qui les suivent durant leur formation soit au petit séminaire, soit dans les écoles secondaires. Les professeurs catholiques de ces écoles sont aussi sensibilisés pour l’éveil des vocations : ils le font.’ ‘Les candidats au sacerdoce, soit pour le clergé séculier, soit pour le clergé régulier, qui manifestent ce noble désir lors de leurs études dans les instituts autres que le petit séminaire, sont régulièrement contactés par le curé de la paroisse dans laquelle se trouve cet institut ou par le directeur ou professeur-prêtre de cet institut, et, de temps à temps, des récollections spirituelles sont organisées pour eux. Pour ce qui concerne les aspirantes et les postulantes à la vie religieuse, il est prévu deux fois par an, à Noël et à Pâques, une semaine de récollection et de réflexion animée par un prêtre et des religieuses 1093  ».’

La réussite de cette méthode ne peut être clairement comprise que si elle est placée dans son contexte. En effet, après la passation du pouvoir ecclésiastique à Mgr Emmanuel Kataliko, en 1966, les communautés chrétiennes prirent progressivement conscience du fait que l’avenir de l’Eglise leur incombait. Cette conscience fut d’autant plus vive que le nombre des missionnaires diminuait sensiblement ainsi que les dons qui finançaient leurs entreprises 1094 . Les chrétiens se sentirent ainsi responsables de la vie chrétienne, des vocations, et de la vie matérielle de leur Église.

Outre les ordinations sacerdotale et épiscopale, il faut mentionner qu’un second facteur a contribué à la croissance des candidats à la vie sacerdotale dans le diocèse de Butembo-Beni : la « Campagne des Vocations ». Elle fut organisée, en 1965, lors du jubilé d'argent du petit séminaire, par le second recteur de l'institut, l'abbé Joseph Kavutirwaki. À cette occasion, Mgr Henri Piérard demanda dans une lettre adressée au recteur que cette campagne soit prise au sérieux et qu'elle soit menée dans les écoles primaires et secondaires, dans les Foyers chrétiens et le groupement des jeunes, dans les homélies aussi bien que dans la prière 1095 .

À cette fin, l'abbé Joseph Kavutirwaki, recommanda durant la semaine du 14 au 21 octobre 1965 dans tout le diocèse, une neuvaine de prières pour les vocations sacerdotales 1096 . De son côté, à l'occasion du même jubilé, Mgr Henri Piérard implora la bénédiction du Saint-Siège pour la réussite de cette œuvre :

‘« Henri Joseph Piérard, Évêque de Beni, humblement prosterné aux pieds de votre sainteté, implore l'abondance de vos bénédictions, à l'occasion du 25° anniversaire de la fondation du petit séminaire de Musienene, de son diocèse, tant sur les fondateurs que sur le personnel enseignant actuel, les Prêtres qui en sont sortis, les élèves anciens et présents : afin qu'aussi il plaise au Divin Maître d'appeler toujours plus nombreux, fervents et saints des ouvriers au service de la moisson des âmes 1097  ».’

Dans le même dessein, en 1990, à la requête de Mgr Emmanuel Kataliko, le pape Jean Paul II accepta, à l'occasion du jubilé d'or du petit séminaire saint Joseph de Musienene, devenu lors de la politique de l'authenticité, Séminaire Tumaini Letu -Notre Espoir-, de bénir cette œuvre. Il formula brièvement cette bénédiction apostolique par ce message : « Sa Sainteté Jean Paul II accorde de tout cœur sa bénédiction apostolique au Petit Séminaire Tumaini Letu (Musienene-Zaïre) à l'occasion du Cinquantième anniversaire de sa fondation (1940-1990) comme gage de constante protection 1098  ».

En dehors de ces initiatives de la hiérarchie, les Sœurs Orantes de l'Assomption adressent, chaque jeudi, prient pour les vocations sacerdotales. Il en est de même des prières en groupes ou en privé des membres des mouvements, notamment de la Légion de Marie et de la croisade eucharistique. C’est ainsi que l'éducation familiale chrétienne et le témoignage de vie des prêtres ont attiré plusieurs jeunes au sacerdoce.

Notes
1073.

Père Christian au Père Conrad Groenen. Stanleyville, le 2 février 1930.

1074.

Laurentius LEENAARS, « Introibo », dans Afrique ardente (1954) n°82, p. 41.

1075.

Des études ont déjà été menées sur ce sujet. L’analyse la plus récente est celle de Claude PRUDHOMME, « La papauté et la question du clergé indigène dans les missions », dans Les cadres locaux et les ministères consacrés dans les jeunes Églises (XIXe-XXe s.), dans Actes du CREDIC n°13, 1994, p. 277-291.

1076.

Encyclique cité par Claude PRUDHOMME, ibidem, p. 288.

1077.

Ibidem, p. 285.

1078.

Ibidem, p. 290.

1079.

Expressions courantes pour parler des prêtres qui n’ont reçu que la formation de grand séminaire, parfois sans diplôme d’État. De là aussi, le PTH (Prêtre à Taille Humaine), c’est-à-dire, un prêtre juste bon pour administrer les sacrements.

1080.

« Extraits des lettres de missionnaires », dans les Annales des Oblates de l'Assomption (1937) n°7, p.16.

1081.

Henri Piérard, Rapport annuel. 1936-1937.

1082.

Mgr Henri Piérard au Père Ernest Baudouy. Beni le 20 décembre 1939.

1083.

Henri. PIÉRARD, Rapport annuel, 1939-1940.

1084.

Marie-Jules CELIS, « Sur les hauteurs de l'Afrique ardente », dans l'Assomption et ses oeuvres (1936) n°407, p. 209.

1085.

Ignace. NELISSEN, « Construction du Petit Séminaire de Musienene », dans Afrique ardente (1947) n°41, p. 22-23.

1086.

Laurentius LEENAARS, op. cit., p. 41-42; Lieven BERGMANS, Cinquante ans de présence assomptionniste au Nord-Kivu, op. cit., p. 137-138 ; Jean WAMBEREKI, « Allocution à l'occasion du cinquantenaire du petit séminaire Tumaini Letu de Musienene », dans Sint Unum (1992), n°1, p. 2-5.

1087.

Correspondance du Père Marc Champion avec le Père Sitone Matthieu. Butembo, le 28 juillet 1994.

1088.

Emmanuel Kataliko, Rapport quinquennal (1977-1981), p. 20.

1089.

DELANAYE, « Obstacles pour les vocations sacerdotales et religieuses », dans Sint Unum (1972) n°30, p.26-27.

1090.

Ibidem, p. 28-29.

1091.

Emmanuel Kataliko, Rapport quinquennal(1977-1981), p. 21.

1092.

Pour plus d’informations sur les autres congrégations religieuses, on peut se référer sur le tableau dans les annexes.

1093.

Emmanuel KATALIKO « Diocèse de Butembo-Beni », dans Sint Unum (1981) n° 42, p. 20-21.

1094.

A ne prendre que l’exemple des Assomptionnistes, en 1960, il avait 62 religieux qui furent réduit à 29 en 1981..Témoignage de Mgr Bernard Sokoni et de l’abbé Vincent Kalume lors des entretiens informels à Butembo en 1995, curé de l’ancienne cathédrale de Beni et ancien responsable de l’Union des Prêtres séculiers dans le diocèse de Butembo-Beni, et en 1997, professeur au Centre catéchétique de Butembo.

1095.

APAR, 2 MI 259, b : Joseph Kavutirwaki, Petit séminaire : lettre circulaire. Musienene, le 20 octobre 1965, p. 1-2.

1096.

Ibidem, p. 2.

1097.

Correspondance de Mgr Henri Piérard avec le Saint-Siège. Rome, le 30 octobre 1965.

1098.

Correspondance du Saint-Siège avec Mgr Emmanuel Kataliko. Rome, le 10 décembre 1990.