4.2.6. Jeunesse Ouvrière Catholique (JOC)

Fondée en 1958 par le Père Kieren Dunlop, alors responsable du poste de Mission de Butembo-Cité, la JOC reprit le modèle européen, dans une contrée sans usines. Les membres étaient plutôt des travailleurs ruraux dans les villages ou dans les plantations des Européens. Depuis 1960, contrairement au modèle européen, le mouvement s'étend aux hommes et aux femmes mariés.

Il prit une nouvelle orientation qui est justifiée ainsi par les missionnaires : « Puisqu'on veut former une union fraternelle entre les jeunes, afin de réfléchir ensemble et d'agir ensemble. Devant le problème du désœuvrement de la jeunesse, on essaie de leur trouver du travail productif qui donne sens à la vie, qui assure l'avenir, et qui les occupe 1265  ».

L’intuition d'une fondation de la J.O.C. au vicariat de Beni était née du contexte du moment qui incitait les missionnaires à réagir contre le désoeuvrement de la jeunesse. Durant cette période de l'indépendance du Congo (1960), les Européens connurent une exode et même une expatriation dans leurs pays d'origine. Par conséquent, la difficulté de créer des coopératives se faisait sentir.

Par ailleurs, les nouveaux maîtres n'étaient pas à mesure d'encadrer avec compétence toute la jeunesse ouvrière qui travaillait dans leurs plantations. Devant une jeune jeunesse aigrie, découragée, vouée à retourner au système traditionnel d'exploitation égalitaire du patrimoine commun, la J.O.C. parut comme une réponse à cette situation de fait.

Au début, le mouvement formait de petites équipes de trois à dix personnes qui élisaient leurs responsables. Ils rédigeaient eux-mêmes leurs règlements et leurs statuts adaptés à leur expérience. Ensuite, ils se réunissaient tous les quinze jours par équipes pour procéder à la révision de leurs activités afin de trouver une réponse en commun aux problèmes qu'ils rencontraient.

Le mouvement, après son fondateur, connut le Père Albéric Duchâteau comme aumônier local, et plus tard comme premier aumônier fédéral et ensuite national de la J.O.C. dont le siège se trouve à Butembo. Il fut remplacé, en 1963, par l'abbé Emmanuel Kataliko, un prêtre-aumônier dynamique et soucieux des besoins sociaux et pastoraux de sa charge. Le mouvement se répandit dans plusieurs paroisses.

À l’élection de l’abbé Emmanuel Kataliko comme évêque du diocèse, cette nomination fut perçue comme une bénédiction divine, mais le groupe souffrit aussitôt des multiples occupations de l’évêque. Le mouvement perdit sa ferveur et se dégrada davantage lors des troubles de la rébellion muleliste (1964-1965), des événements de la seconde république du pays (1972), de sorte qu'il se trouvait très affaibli dans les années 1974, date de son déclin.

Néanmoins, la JOC a marqué la vie de l'Eglise locale. Du point de vue social et économique, les membres ont eu des réalisations appréciables. La plupart trouvèrent leur chemin en s'engageant dans des activités professionnelles rémunératrices dans les milieux ruraux, en travaillant dans les carrières de sable et de pierre, dans la tuilerie et les briqueteries, dans les scierie set la menuiserie, dans les plantations et l'élevage, ainsi que dans des boutiques.

Du point de vue apostolique, partant de leurs révisions de vie basées sur le leitmotiv : « Voir, Juger et Agir (VJA.) », les membres du mouvement en privé ou en groupe, parfois sous la direction d'un prêtre, commentaient une page d'évangile qu'ils analysaient à partir de leur contexte en vue d'un engagement concret. Cette démarche fut perçue comme une certaine révolution dans le diocèse.

Contrairement aux catéchistes, ils dépassèrent l’enseignement du mot à mot du catéchisme et l'unique interprétation du texte évangélique par le prêtre, un religieux ou une religieuse, ou encore un dirigeant d'un mouvement d'action catholique. Bien plus, l'application concrète de leur principe a eu des effets sur les membres. Cela se manifeste dans leur désir ardent de s'adonner à un travail apostolique dans leurs communautés chrétiennes. En l’absence d’un catéchiste, les anciens membres de la JOC assurent valablement la relève 1266 .

Notes
1265.

Lieven. BERGMANS, op. cit., p. 183.

1266.

Emmanuel KATALIKO, « Jeunesse Ouvrière Catholique », dans Qu'il règne (1966) n°152, p. 3-23.