4.6.1. Les écoles de formation pédagogique (1936-1965)

L’évolution des écoles primaires suscita le désir de proposer aussi des écoles secondaires. Mais, le vicariat apostolique de Beni n’avait pas d’enseignants compétents et qualifiés. À la fin de l'école primaire, avant la création des E.A.P. en 1950, les aînés devenaient des moniteurs pour leurs cadets. Par ailleurs, le début de la scolarisation dans le vicariat apostolique de Beni a souffert de la pénurie d’un personnel qualifié. Les diplômés étaient peu nombreux. Les élèves les plus doués étaient transférés soit à l'école normale de Stanleyville, soit à Bunia chez les Frères maristes à Vieux-Kilo 1338 .

Cette solution présentait certains inconvénients. D'abord, les distances ne permettaient pas de suivre les candidats qui risquaient de s'échapper après leurs études et de ne pas servir le vicariat qui les avait envoyés aux études. Ensuite, le nombre d'étudiants à accueillir était fortement limité.

Devant cette situation, la mission indépendante de Beni se trouva dans l'urgente obligation de fonder une école normale. Cette école devait commencer en 1934. Ce fut plutôt le 1er mars 1936 que l'école des moniteurs ouvrit ses portes, à vingt six élèves, sous la direction du Père Marie-Jules Celis. Cette école normale comportait trois ans d'études sanctionnées par un diplôme reconnu par l'Etat.

Mais, le Père Marie-Jules Celis, nouvellement nommé inspecteur des écoles, fut délégué à Bruxelles au chapitre provincial pour représenter la Mission indépendante de Beni. Il profita de cette occasion pour avoir un congé durant lequel il se perfectionna à Louvain dans l'enseignement. Il ne revint à Beni qu'en novembre 1935. Entre temps, sur place, la Mission ne trouvait personne pour commencer cette école normale.

Une fois ouverte en 1936, l'école normale fut placée sous le patronat de saint Charles Lwanga. Le Père Marie-Jules Celis en devint le premier directeur tout en s'occupant aussi de l'inspection de l'enseignement primaire dans la Mission indépendante de Beni. Il se fit aider par un professeur mulâtre, Joani Sabuni, qui venait de terminer brillamment ses études au Vieux-Kilo. Pendant ce temps, la Mission sollicita la collaboration des Frères Maristes, spécialistes dans l'enseignement. Mais les pourparlers n’aboutirent pas, pour cause de pénurie du personnel au sein de cette congrégation 1339 .

On reprocha alors à Beni d’être un lieu mal indiqué pour les études secondaires à cause de son climat chaud et de la présence permanente de la malaria qui obligeait certains élèves à abandonner l'école. Le poste de mission de Muhangi fut proposé comme le nouvel emplacement de l'école. Ce fut finalement Mulo, dans des salles en matériaux durables, qui , en mai-juin 1937, hébergea les futurs instituteurs 1340 .

Cette institution scolaire chargée de donner une formation pédagogique ne sera une école normale, au sens propre, qu’en 1961, quand le Père Marc Champion y organisa le cycle complet de six ans. Il fallut quinze ans, hormis le petit séminaire, pour avoir une seconde école normale, mais cette fois-ci pour filles. En février 1951, les Soeurs de la Compagnie de Marie, ouvrirent à Mulo, une école secondaire qui est devenue le lycée Tuadibishe 1341 .

Cette école, en ces débuts, souffrit du recrutement à cause du nombre restreint des écoles primaires pour filles et aussi à cause de la mentalité traditionnelle régnante. Celle-ci ne voyait pas la nécessité d'études approfondies pour les filles destinées à garder la famille et à cultiver les champs. Néanmoins, grâce à l'habilité des Sœurs de la Compagnie de Marie qui formèrent leurs religieuses dans l'enseignement, l'école put fonctionner et former des institutrices.

La troisième école secondaire de formation pédagogique fut le pensionnat de Butembo. Dans les années 1940, le pensionnat commença, sous sa forme embryonnaire, comme une école primaire pour 200 enfants européens de la société Minière des Grands Lacs (M.G.L.) et des agents de l’Administration coloniale.

Mgr Henri Piérard le reprit en 1943 et le confia aux Soeurs Oblates de l'Assomption qui durent déménager de Muhangi afin de s'occuper de cette nouvelle forme d'apostolat qui fut presque imposée au vicariat de Beni. Les religieuses étaient plus soucieuses des autochtones. Elles réalisèrent que la formation des filles européennes serait un ferment de vie chrétienne au sein de la population locale 1342 .

En 1943, sous la direction de la Sœur Louise-Agnès Delisse, aidée des Soeurs Marie du Bon Pasteur Hurteux, Louise-Thérèse Grillot, de Marie-Valerie Delory, le pensionna ouvrit ses portes et fut placé sous la direction spirituelle du Père Baudouin Ponsaert. Ce Père parcourait chaque jour treize kilomètres en sortant de Bunyuka pour se rendre au pensionnat afin d'y assurer le service religieux, et y dispenser le cours de religion.

Ce pensionnat pour enfants européens fut aussitôt reconnu par les Européens au service du gouvernement. Après quelques années de fonctionnement, le pensionnat reçut des enfants européens provenant de diverses régions du pays notamment de Coquilhatville et de Stanleyville, ainsi que des enfants des Grecs et des Portugais qui s'occupaient du commerce dans la cité de Butembo.

Néanmoins, les débuts de ce pensionnat furent difficiles. Hormis les frais de construction d'une école pour Européens durant la période coloniale, la guerre ne permit pas le ravitaillement, l'acquisition des manuels et du matériel scolaire de première nécessité. Par ailleurs, les moniteurs africains, peu formés à la tâche, souffraient d'un complexe d'infériorité devant les enfants européens qui considéraient toujours le Noir comme un serviteur à commander. Selon, le Père Lieven Bergmans, le respect de la discipline scolaire auprès de ces enfants européens par les filles autochtones n'était pas facile à obtenir 1343 .

Pendant plus de dix ans, le pensionnat resta exclusivement réservé aux seuls enfants européens suivant le programme des écoliers belges. Les plus anciens parmi ces enfants suivirent leurs études secondaires au collège Alfajiri, chez les Jésuites, à Bukavu. Afin d’éviter la séparation des enfants de leurs parents, les Sœurs Oblates ouvrirent une école secondaire avec une section pédagogique à Butembo.

En 1955, le pensionnat commença à recevoir des enfants noirs. Mais, il fallait qu'ils proviennent des familles dont le père détenait une carte de mérite civique, c'est-à-dire qu'il soit reconnu comme un « évolué » (omufolue) par l’Administration coloniale. Mais, dans les années de l'indépendance (1960), certains Européens regagnèrent leur patrie, d'autres se réfugièrent dans les villes de l'intérieur. Le pensionnat fut alors ouvert aux indigènes pour continuer son service d'enseignement.

Par ailleurs, dans les années 1950, à côté de cette école primaire, s'érigea une école d'institutrices dont la formation s'échelonnait sur quatre ans. Après l'indépendance, cette école d'institutrices fut transformée en une école d’humanités littéraires et scientifiques de biologie. Toutefois, après 1959, avec la fondation du collège, le pensionnat maintint les deux sections de biologie et de pédagogie qui n’existait pas encore dans le vicariat de Beni 1344 .

La dernière école pédagogique du diocèse, l'école normale saint Joseph, porte le nom d’Anuarite, une bienheureuse morte martyre lors de la rébellion muleliste en 1964. Le lycée fut fondé en 1962 par les Sœurs Oblates de l'Assomption à Bunyuka. Sa fondation fut motivée par la présence du noviciat des Petites Soeurs de la Présentation.

Afin d'éviter l'éloignement, (à plus de 50 km), et la dispersion des jeunes religieuses qui allaient poursuivre leurs études secondaires à Mulo, chez les Sœurs de la Compagnie de Marie, le diocèse, en 1962, créa une école secondaire pédagogique auprès du noviciat des Petites Sœurs de la Présentation, pour pourvoir à la formation religieuse, spirituelle et intellectuelle.

Notes
1338.

Henri Piérard, Rapport annuel, 1934-1935, p. 3.

1339.

Correspondance du Père Marc Champion (ancien directeur de l’école normale (1956-1961) avec le Père Matthieu Sitone. St Gérard, le 22 février 2003.

1340.

Henri Piérard, Rapport annuel, 1934-1935, p. 3.

1341.

Correspondance du Père Marc Champion avec le Père Matthieu Sitone. St Gérard, le 22 février 2003.

1342.

MISSIA, Notre-Dame de l'Assomption à Butembo-les Fleurs, dans Le Royaume (1952) n°3, p. 5-6. (5-9).

1343.

Lieven BERGMANS, Les Oblates de l'Assomption au Zaïre. Bruxelles, 3 janvier 1980, p. 21.

1344.

Charles MBOGHA, op. cit., p. 124.