4.7.1. L'hôpital de Musienene (1950)

Les origines lointaines des hôpitaux dans le vicariat de Beni naissent à partir de la pitié que les missionnaires, lors de leurs randonnées pastorales en brousse, éprouvaient à l'égard des foules indigènes, malades. Devant la souffrance et la misère de la population, Mgr Henri Piérard sollicita auprès du gouvernement colonial des subsides nécessaires pour construire un hôpital.

Le gouvernement colonial accorda à l'Évêque une aide à partir des Dons du Fonds du Bien-être Indigène (F.B.I.), organisme créé pour investir, dans l'intérêt des noirs, les bénéfices de guerre réalisés par la Colonie. Entre temps, Mgr Henri Piérard chercha des infirmières auprès de la Mère Augustine, Supérieure générale des Sœurs Oblates de l'Assomption 1373 .

Image n° 19 : Hôpital de musienene
Image n° 19 : Hôpital de musienene

Source : Lieven BERGMANS, Les Oblates de l’Assomption au Zaïre (1935-1980), op.cit., p. 27-28 (encart).

En 1948, le Docteur Bernimolin de l'Aide Médicale Mission (A.M.M.), payé par le Gouvernement, s'installa à Musienene où quelques cases en pisé abritaient des malades. A côté d'elles, un petit pavillon en briques pour une salle d'opération, un dispensaire et un laboratoire. L'inauguration officielle de l'hôpital eut lieu le 27 mai 1951.

Le Frère Ignace Nellissen, architecte, aidé du Père Conrad Groenen étaient loin d'achever les constructions, quand l'hôpital attirait déjà les indigènes de la contrée, à tel point que la moyenne journalière des personnes soignées pouvait atteindre 384 présences 1374 . Ce tableau nous permet de se rendre compte de la fréquentation de cet hôpital :

Année Hôpital Maternité Dispensaire Opération Totaux
1949 873 30 16 000 100 17 003
1952 3 640 350 50 000 881 54 871
1953 6 495 422 50 000 1 226 58 143
Total 11 008 820 116 000 2 207 130 017

Ce fait est dû au dévouement et à la compétence du Docteur Bernimolin, médecin, chirurgien et gynécologue, aidé en 1951 par la Sœur Marie-Françoise de Groot, docteur en médecine humaine, et plus tard par Sœur Renée-Guido Poppa, agrégée en médecine.

Les constructions, en matériel durable, commencées en 1949 s'achevèrent en 1955. L'hôpital comprenait 300 lits 1375 . A côté, on construisit un grand « isolement » (isolema, en langue vernaculaire) pour accueillir ceux qui souffraient de la lèpre et de la tuberculose. Bientôt une révolution sociale et culturelle s'opéra. Grâce à l'isolement et à l'hôpital, la population pouvait désormais enterrer ceux qui n'avaient pas droit à une sépulture. À son inauguration, l'hôpital fut mis sous le patronage de Marie Notre-Dame de la Consolation :

‘« Inspiratrice de cette oeuvre de charité, elle veilla à sa croissance. A ses pieds, les petits nouveau-nés viennent recevoir le baptême. Sous son regard, les malades, rassemblés aux heures de prières, viennent demander avec confiance leur guérison prochaine. A son ombre, les défunts et les éprouvés trouvent leur espérance. En sa présence, tous ceux qui, jour et nuit, se dévouent au soin des malades, sont vivifiés pour le service de leurs frères 1376  ».’

À l'hôpital de Musienene, un Père aumônier, dont le plus célèbre fut le Père Edmondus Veerman, se rend chaque matin pour la célébration de l'Eucharistie dans la chapelle des malades. Après cet office, il apporte la communion à tous les malades qui le désirent en saluant tous les malades dans chaque salle. Les chrétiens, ceux qui gardent les malades, les malades qui reprennent petit à petit leurs forces se rendent volontiers à la chapelle. A l'occasion, ils peuvent recevoir une instruction religieuse. Les mamans s'y préparent à présenter leurs enfants, leurs nouveau-nés au baptême.

Enfin, indépendant des cas urgents durant le jour, à l’heure du soleil couchant, le Père aumônier fait une seconde visite de toutes les salles. Il confesse, administre les sacrements nécessaires aux malades qui sont préalablement préparés par un catéchiste, prépare les moribonds à une bonne mort, et bénit les cadavres avant leur départ leur dernière demeure terrestre 1377 . Ainsi donc, l'hôpital ne se veut pas seulement un lieu de soulagement des misères et souffrances humaines mais aussi un lieu de l’apostolat de charité par le ministère des prêtres aumôniers, le service soignant, et les laïcs 1378 .

Notes
1373.

Henri Piérard, Lettre à la Famille, Beni le 11 janvier 1949.

1374.

Nous n'avons rien trouvé pour les années 1950 et 1951. Nous reprenons les chiffres données par les Docteurs : BERNIMOLIN, « Nouvelles de l'hôpital de Musienene », dans L’Afrique ardente (1955) n°87, p. 13-14. Marie Françoise de GROOT, « Un grand hôpital pour indigène », dans L’Afrique ardente (1954) n° 82, p. 52-55.

1375.

L'hôpital proprement dit comporte 6 grandes salles, 2 salles d'opérations, une chapelle, un isolement, et un dispensaire. Trois médecins, deux soeurs infirmières, deux Soeurs assistantes et cinquante aides se dépensaient dans ce grand hôpital.

1376.

Marie Françoise. de GROOT, op. cit., p. 55.

1377.

MISSIA, « O Congo, Chante en moi », dans Le Royaume (1952) n°2, p. 9-10.

1378.

Témoignage de l’auteur, originaire de ce coin du diocèse.