4.8.1. Centres de santé

Outre les hôpitaux, parmi les autres oeuvres sanitaires, il faut souligner les dispensaires et les maternités. Pour la plupart, ces oeuvres sont conjointement créées par les curés, recevant des subsides de leurs pays d'origines, par les chrétiens 1393 , ou par une communauté religieuse. L'apostolat des dispensaires et des maternités reste exclusivement l'apanage des religieuses qui les dirigent.

Leur témoignage de vie, les conseils qu'elles prodiguent, leur dévouement et assiduité au travail, attirent les chrétiens en ces lieux, où le prêtre n'intervient que pour les sacrements dont les malades ont besoin. Certains dispensaires et maternités sont congréganistes. Ils appartiennent à l'Etat bien que les religieuses s'y engagent corps et âme sans être rémunérées.

Parmi ces postes de santé, l'hôpital de Mutwanga mérite une attention particulière. En 1957, les Sœurs Oblates de l'Assomption acceptèrent de travailler dans cet hôpital, construit par le Gouvernement colonial. Il comptait environ cent lits et avait, en annexe, une léproserie. Au début, les Sœurs Marie-Virginie Knobben et Gabriel de Laus s'y dévouèrent seules. Un médecin, en provenance de Beni, venait les visiter.

Par la suite, en 1958, le Docteur Vandenweghe, de nationalité belge, prit la direction de l'hôpital. Les religieuses continuèrent à soigner les malades, à s'occuper du laboratoire, de la pharmacie, de l'économat et de la léproserie. À côté de la communauté des Oblates de l'Assomption, les Petites Sœurs de la Présentation Notre-Dame vinrent fonder une communauté afin de seconder les Oblates dans le service de l'hôpital.

En 1963, suite à l'insécurité politique mais aussi à cause du manque du personnel missionnaire, Mgr Henri Piérard exhorta les Oblates à céder certaines oeuvres à sa congrégation féminine diocésaine dont le nombre croissait sans cesse. Les Oblates de l'Assomption durent quitter Mutwanga, après avoir perdu une des leurs, la Sœur Cécile-Agnès Planet qui, suite aux brûlures profondes provoquées par un frigidaire qu'elle voulait réparer, mourut à Musienene le 30 avril 1964, à 5 h 30 du matin, après avoir reçu ses premiers soins à Oicha 1394 . La même année 1964, les Sœurs Oblates quittèrent définitivement Mutwanga où les Sœurs de la Présentation se dévouent à soigner continuent les malades, dans un hôpital sans médecin, dirigé par un infirmier.

Hormis cet hôpital congréganiste, le diocèse de Butembo-Beni, depuis les années 1980, a regroupé les centres médicaux en « zones de santé ». Sur les territoires de Beni et de Lubero, il existe dix zones de santé dont quatre hôpitaux de référence, Kyondo, Musienene, Manguredjipa, et Oicha. Ils supervisent les centres de santé et dispensent une formation sanitaire aux infirmiers 1395 . Ces centres sont des lieux où les différentes confessions religieuses collaborent et initient indirectement les mamans à la prévention des maladies. Les problèmes rencontrés dans les hôpitaux se posent avec plus d’acuité dans ces centres.

Somme toute, l’organisation des services sanitaires a opéré une révolution dans la culture nande. Il dissipa peu à peu les croyances traditionnelles liées aux causes de la maladie : l’action maléfique du sorcier ou la vengeance d’un ancêtre, oublié d’être honoré par la famille. La médecine traditionnelle se vit remplacée par la médecine moderne qui identifiait les véritables causes de la maladie.

Néanmoins, elle garde quelques limites : elle ne soigne pas les blessures morales de la maladie. Par ailleurs, la médecine moderne n’a pas encore maîtrisé les soins de toutes les maladies. La médecine traditionnelle garde alors une certaine valeur en ce domaine, d’autant que les agents de l'évangélisation reconnaissent la valeur curative des plantes médicinales inconnues de la médecine moderne. Des malades déclarés incurables à l’hôpital recourent à la médecine traditionnelle qui, parfois, réussit en de telles circonstances. Cela entraîne les patients à recourir aux devins et aux féticheurs. Mais les chrétiens gardent une conscience malheureuse à tel point qu’ils ont le sentiment d’avoir péché 1396 .

Cette difficulté de discernement comporte un double aspect. D’une part, elle provient de la pastorale missionnaire qui enseignait qu’une guérison opérée en dehors de l’hôpital était une œuvre satanique. D’autre part, dans la tradition, il est parfois difficile de savoir si « le guérisseur a une conscience honnête » bien qu’il soit chrétien. Dans la culture, la pratique de guérir était l’apanage des féticheurs, des sorciers, et des devins. Ce doute pousse les chrétiens à aller rencontrer le prêtre pour se confesser et pour s’assurer qu’ils ne dans une situation permanente de péché 1397 .

Depuis les années 197O, afin d’éviter de telles situations, le diocèse a autorisé à certaines personnes, tels l’abbé Gabriel Karambura à Beni-cité, Kambindi à Musienene, et Marcel Kambungu, catéchète à Butembo, à pratiquer la médecine traditionnelle dans les hôpitaux. Une maladie suivie par le médecin de l’hôpital, parfois en présence des religieuses, dissipe la crainte du péché.

Notes
1393.

A titre d'exemples de certains postes de santé créés par les chrétiens on pourra citer le dispensaire et maternité de Mageria, tandis que dans la paroisse de Mbao sont des oeuvres conjointes entre le peuple et un don du Père Edgar, Kasando, Museya et Mangina étant respectivment construits par les Petites Soeurs de la Présentation Notre-Dame, la Compagnie de Marie et les Oblates.

1394.

Lieven BERGMANS, op. cit.; p. 32-32 et 44-46.

1395.

Le diocèse de Butembo-Beni, 1998, p. 54.

1396.

Expérience de l’auteur lors de son ministère pastoral à Mbao (1986-1991)

1397.

Cette question soulevée souvent lors de notre pastorale (1986-1991) dénouaient les langues des catéchistes et des chrétiens durant nos conseils paroissiaux et pastoraux.