4.9.4. Commission Justice et Paix (1982°

La Commission Justice et Paix (C.J.P.) est une réalité très récente dans le diocèse de Butembo-Beni. Elle est née du contexte socio-politique (1982-1997) qui maintenait la contrée dans une situation de zone opérationnelle militaire. Durant cette situation le peuple autour de la Ruwenzori, et de la plaine de la Semliki vit toujours dans une insécurité permanente.

Les exactions militaires, les arrestations et jugements judiciaires arbitraires se perpétraient. Le vol des biens et des terres par les agents de l'Etat et les commerçants était vécu au quotidien. Les tueries, les déplacements forcés devinrent des scènes journalières que le peuple, dépourvu des moyens de défense dans un pays sans lois, subissait passivement dans la contrée. À la suite du pape Paul VI qui crée, en 1967, la Commission Justice et Paix, dans le diocèse de Butembo-Beni, Mgr Emmanuel Kataliko, mit en route, en 1991, une Commission diocésaine.

Cette Commission a pour objectif d'étudier en profondeur l'enseignement social de l'Église afin de le faire connaître au peuple pour qu'il prenne conscience de ses responsabilités chrétiennes et s'engage à la transformation des structures mentales, sociales, politiques et économiques opprimant l'homme. Elle analyse de manière critique et approfondie les situations d'injustice et de violence, en montrant leurs causes et leurs conséquences sur la vie du peuple afin de pouvoir les dénoncer.

Enfin, la Commission Justice et Paix n'a pas la prétention de se substituer au pouvoir judiciaire en place. Au contraire, elle se veut être un organe de recherche qui mettrait à la disposition de l'Eglise locale des instruments de travail pour une pastorale sociale qui puisse amener les chrétiens à un engagement concret dans leur vie en vue de l'établissement d'un monde de justice et de paix 1427 .

Par ailleurs, dans les paroisses du diocèse, l'Eglise s'efforce de conscientiser et de sensibiliser les chrétiens aux divers aspects du développement, à lutter contre les injustices en les dénonçant auprès des autorités compétentes. Elle se fait par-là la voix des sans voix. En outre, elle essaie de libérer le peuple de la peur, à éveiller à la conscience professionnelle, à pousser les chrétiens à s'insérer dans la politique de la région afin d'y infiltrer l'esprit chrétien, et à rendre plus opérationnelle les Commissions de Justice et de Paix locales 1428 .

Mis à part cette dimension de sensibilisation et de conscientisation, l'Église se penche d'une manière particulière sur les cas des prisonniers par le biais de la Commission de Justice et de Paix. Elle s'engage à défendre les victimes des arrestations arbitraires, de veiller à leur dignité, et de collaborer franchement avec l'autorité judiciaire et carcérale afin que justice soit rendue à tous et que les innocents obtiennent gain de cause. Le Père assomptionniste Oswald Lusenge Linalyogha, grâce à une aide reçue d'Europe, a construit une prison plus décente dont l'espace vital respecte le strict minimum de confort. Mais, plusieurs détenus regrettent de quitter cette prison car ce minimum de confort dépasse de loin celui du village 1429 .

D'une manière générale, les Pères, les religieux et religieuses, les membres du clergé diocésain ainsi que les ceux des mouvements d'action catholique, chacun selon son charisme, circulent dans toutes les prisons, non seulement pour l'apostolat de compassion et de prière, mais aussi pour apporter une assistance sociale aux prisonniers.

Notes
1427.

« Statuts de la Commission Épiscopales de Justice et Paix », n°3, dans Sint unum (1995)n°spécial, p. 2-9.

1428.

Synode des Évêques. Assemblée spéciale pour l'Afrique, op. cit., p. 23-24.

1429.

Entretiens personnels avec le Père Oswald Linalyogha, et avec deux prisonniers Kaboke Pierre et Matope Jean, en septembre 1997.