4.9.6. Le Service Diocésain de Développement (1972)

Afin de promouvoir le développement intégral du peuple, dans le diocèse de Butembo-Beni, Mgr Emmanuel Kataliko en collaboration avec les missionnaires dont le plus dévoué fut le Père Jean Divoy, depuis 1972, créa un Service Diocésain de Développement (SEDIDE) qui a fini par avoir un Bureau Diocésain de Développement (B.D.D.).

Le développement, dans le diocèse de Butembo-Beni, a été défini comme un processus consistant à modifier au profit des déshérités, les structures sociales, économiques et culturelles en vue de rechercher des solutions locales pour une vie meilleure par, avec et pour le peuple. Il s'agit concrètement d'un changement de mentalité, d'un état d'esprit qui prend conscience des mauvaises conditions de vie du peuple afin qu’il se prenne en charge.

Pour ce faire, il faut lutter contre l'attentisme, le défaitisme, la passivité, le fait d'être à la remorque des évènements comme les pillages, les érosions, la guerre, les mauvaises récoltes, mais au contraire s'engager à rendre meilleur son milieu de vie non pas nécessairement pour plus d'avoir mais pour plus d'être. Cette vision définit les objectifs du Service Diocésain de Développement (SEDIDE) qui est un organe d'animation, de sensibilisation, et de responsabilisation de la base.

Ce service a pour but d'amener chaque homme et sa communauté à mener une vie socio-économique digne et convenable. Il encourage, les initiatives de la base qui vise à l'autopromotion, encadre et guide les promoteurs des projets de développement, et apporte une assistance technique dans la conception, l'élaboration, la présentation ainsi que le suivi de ces projets.

Le Bureau Diocésain de Développement (B.D.D.) annexé au Service Diocésain de Développement (SEDIDE) est alors ce service technique d'appui, de planification, de coordination, de supervision et d'évaluation de toutes les activités sociales et des programmes de développement dans le diocèse. Il rassemble, corrige et guide les projets 1437 . Les réalisations de ces services font petit à petit leurs chemins. Il s'agit notamment des « micro-projets » liés aux problèmes de l'agriculture, de l'élevage, de la santé, de l'éducation, de l'eau potable, des voies de transport, de l'énergie, des technologies, de l'environnement, et de l'habitat.

C'est pour cette finalité que, dans les années 1970, le diocèse fit venir des italiens du Mundo Giusto, dont les plus connus furent Mario, Marino et Angelo qui vivaient, bien que laïcs engagés, dans des communautés assomptionnistes 1438 . Leurs plus grandes réalisations ont consisté dans la construction des barrages électriques, deux à Kyondo et Mavoya, à Mambingi, Mangina, pour faire marcher des moulins de soja, de blé, et de maïs. Ces aliments luttent contre la malnutrition des enfants. Dans le même dessein, afin d'alimenter en poissons les habitants de Beni et de Butembo, Mgr Emmanuel Kataliko se fit chef des travaux (« cantonnier »). Il traça une route d'environ 30 km dans le rocher à partir de Kyondo jusqu'au Lac Édouard à Kyavinyonge 1439 .

Le troisième barrage électrique, installé à Kyondo et achevé en 1982, alimente en électricité l'hôpital de Kyondo et la cité alentour ainsi qu'une partie de la paroisse de Luotu, le presbytère et le centre de santé. Les petits artisans, grâce à l'électricité, perfectionnent leurs oeuvres d'art dans le domaine de la quincaillerie et de la menuiserie.

Les membres du Mundo Giusto exercent un apostolat par leurs oeuvres de développement surtout en faveur des plus fragiles de la société, les enfants souffrant de la malnutrition. Leur témoignage de vie évangélique, leur célibat, leur assiduité aux heures de prières quotidiennes et au travail bien fait, leur vie de prière, leur vie commune intense, leur apprentissage de petits métiers aux autochtones, leur désintéressement exercent une influence discrète mais profonde.

En dehors des services diocésains de développement, le diocèse connaît des initiatives caritatives, quelques peu isolées, de « micro-projets de développement ». Le Père Thierry Cocquerez, ancien missionnaire en Corée, fut le premier initiateur de ces projets en 1985. Alors qu’il était un postulant assomptionniste au Congo-Kinshasa, à cette époque (1983-1985), il reçut, avec le Père Joseph Delvordre, un fonds en provenance de la France pour cette finalité. Aidant partiellement en sacs de ciment, le quartier ou le village vient à prendre en charge le reste des dépenses 1440 .

À partir de 1995, un nouveau mouvement de développement fut initié à Bunyatenge par le l'abbé Giovanni Fiomatti de la paroisse de Lukanga. Ce nouveau mouvement dénommé Tuungane, c'est-à-dire Unissons-nous, est constitué des petits noyaux de développement regroupant approximativement quarante jeunes familles qui, pour l'amour de la paix, veulent éviter des conflits familiaux survenant du partage des espaces arables qui diminuent et se raréfient dans les régions maraîchères à cause de l'explosion démographique.

Ainsi, ces jeunes ménages s'unissent pour occuper des terres vierges dans la forêt. Le rôle de Giovanni est d'être un « prêtre-animateur » des petits noyaux et donner la marge de liberté pastorale au Curé de Mbingi, premier responsable de l'animation apostolique des chrétiens sur sa circonscription ecclésiastique. Outre son rôle d'animation au développement du peuple, l'Abbé Giovanni, dans un premier temps, à stimuler à l'agriculture rudimentaire avec amélioration des semences grâce à l'aide de Miserior qui déjà fournit des petites turbines hydroélectriques pour des moulins.

Ces noyaux qui se réunissent environ tous les deux mois pour discuter leurs difficultés et évaluer ce qu'ils ont mis sur pied sont devenus dans la paroisse de Lukanga et surtout sur la route de desserte agricole Mbingi-Bunyatenge une source d'une nouvelle vitalité sociale et religieuse dans un coin abandonné depuis 1960 par les exploiteurs des mines d'or 1441 . Mais, ces services de développement et de charité, ainsi que ces initiatives privées et isolées, restent encore à un niveau embryonnaire par rapport à l'immensité des problèmes élémentaires que l'Eglise locale, en collaboration avec le peuple, doit résoudre concernant l'agriculture, l'élevage, la santé, l'habitat, l'eau potable, l'énergie et autres.

Notes
1437.

Jean Marie KALONDERO, « De l'action sociale et du développement dans et par le diocèse de Butembo-Beni », dans Sint unum (1993-1994) n° spécial, p. 37-45.

1438.

Le Mundo Giusto est une association italienne de laïcs (hommes et femmes célibataires) désireuse de venir en aide aux diocèses du Tiers-Monde pour la réalisation des micro-projets de développement. Dans le diocèse de Butembo-Beni, ces projets concernaient la santé et la lutte contre la mal-nutrition des enfants.

1439.

Emmanuel KATALIKO, Rapport quinquennal 1977-1981, p. 26-27.

1440.

Joseph DELVORDRE, « Curé au Zaïre », dans L’Assomption et ses oeuvres (1985) n° 623, p. 11.

1441.

Information reçue le 6 octobre 1997 du Père Giuliano Riccadona,Supérieur provincial des Augustins de l'Assomption au Congo, en visite canonique à Kinshasa.